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Andy Warhol et l’opéra, Andy Warhol à l’opéra

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Actualité
5 octobre 2015

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Depuis le 2 octobre et jusqu’au 7 février 2016, le Musée d’Art moderne de la ville de Paris accueille l’exposition « Warhol Unlimited ». Et jusqu’au 23 novembre, le Centre Pompidou de Metz propose « Warhol Underground ». Et si Andy Warhol, créateur du Pop Art, était aussi un homme d’opéra ?


Bien qu’indissociable du Pop Art, bien que connu pour ses pochettes de disque pour les Rolling Stones ou le Velvet Underground, Andy Warhol était aussi, et peut-être surtout, amateur d’opéra. On a conservé toutes les cassettes qu’il enregistrait dès qu’une représentation était restranmise à la radio, et il possédait de nombreux trente-trois tours d’opéra. Simplement, cette passion était le plus souvent cachée, ou reléguée au second plan à partir des années 1960. Dans son atelier, la « Factory », parmi les beautiful people dont il s’entourait, deux camps s’opposaient pour le choix de l’ambiance musicale, ceux qui voulaient écouter Maria Callas et ceux qui ne supportaient que le rock. Dans A : A Novel, Andy Warhol évoque ainsi la soprano : « ah l’unique, l’unique la vraie, la toujours populaire Maria Callas » et il la décrit chantant le final de La Cenerentola. « C’est magnifique, mais elle est la seule à chanter l’opéra italien comme ça. Les autres font lalalala et produisent la musique la plus ennuyeuse. Elle est tellement… ce disque, vraiment, quand je l’ai entendu, j’ai fait dans mon froc… Elle est mieux que… C’est ça qui est écœurant avec elle ». Dans ce même texte expérimental, où la soprano est mentionnée à de nombreuses reprises, elle est appelée « la regina del mondo », et résumée par ces mots : « She’s too much ». On y parle aussi, de manière extrêmement décousue, de Parsifal (« Kundry est le personnage le plus dingue de tous les opéras »), de Fidelio, du Trouvère et même de cette rareté qu’est Lo Schiavo (1889), l’opéra de Carlos Gomes.

Natif de Pittsburgh, en Pennsylvanie, arrivé à New York en 1949, Warhol fut d’abord illustrateur de mode. Très tôt, il fut sollicité pour concevoir des pochettes de disque (Alexandre Nevsky) ou des couvertures de partition (pour l’opéra-minute de Barber A Hand of Bridge). Il travailla également pour Opera News, le magazine du Met : le numéro du 1er décembre 1958 était consacré à La Flûte enchantée, en relation avec une série de représentations dirigées par Erich Leinsdorf. Nicolaï Gedda était Tamino, la soprano afro-américaine Gloria Davy était Pamina, Roberta Peters, la Reine de la nuit et Giorgio Tozzi, Sarastro. Pour son illustration de couverture, Warhol propose le genre de composition symétrique que les peintres du XVIIIe siècle élaboraient pour orner des panneaux décoratifs : Papageno, la flûte de pan en bouche et entouré d’oiseaux, est surmonté d’un personnage qui pourrait bien être la Reine de la nuit.

Dans les années 1960, Warhol avait souscrit un abonnement lui permettant d’assister aux représentations données le jeudi soir au Met. Devenu défenseur de la culture la plus populaire, à travers les biens de consommation qui inspiraient désormais son œuvre, Andy Warhol éprouva le besoin de cacher son attachement pour la « haute culture », pour cet élitisme de l’opéra qui cadrait mal avec son éloge des boîtes de soupe Campbell et des éponges à récurer Brillo. Certains critiques n’ont cependant hésité à identifier une influence wagnérienne dans son désir de créer une « œuvre d’art total ». Le côté éminemment artificiel de l’opéra ne pouvait que le séduire, tout comme l’association des différents arts combinés sur la scène lyrique. Warhol assista à plusieurs reprises à la soirée d’ouverture de la saison du Metropolitan Opera : il put ainsi voir Maria Callas en Norma, en octobre 1956, Eugène Onéguine avec George London l’année suivante… En 1958, ayant assisté à la création mondiale de Vanessa de Barber, il adressa un mesage de félicitations à Cecil Beaton, responsable des décors et des costumes. En 1961, il fit porter des fleurs à Leontyne Price, malade. Le nouveau bâtiment du Met, inauguré en 1966, ne lui plaisait guère : lorsqu’il découvrit Covent Garden, en 1979, le faste des lieux lui rappela l’ancien Met. En 1984, après une représentation médiocre de Tannhäuser, il nota dans son journal : « Ennuyeux. Il n’y a plus de grands chanteurs. J’imagine que toutes les voix solides se lancent dans le rock, désormais ».

Le 22 janvier 1987, un mois avant sa mort, Warhol vit son dernier opéra, une Salomé mise en scène à La Scala par Bob Wilson. Cette admiration qu’Andy Warhol eut toute sa vie pour l’art lyrique, l’opéra la lui rend bien désormais, puisque depuis une vingtaine d’années, l’artiste est devenu le protagoniste de plusieurs opéras ou spectacles musicaux.

1997, Houston : Jackie O, opéra de chambre en deux actes, livret de Wayne Koestenbaum, musique de Michael Daugherty.

Commande de l’Opéra de Houston, l’œuvre a ensuite été donnée dans différents théâtre d’Amérique et d’Europe : en février 2002, on put la voir à l’Opéra de Metz. Un enregistrement a été publié chez Decca (Argo) ; on peut y entendre la distribution de la création mondiale, où Joyce DiDonato tenait le rôle de Grace Kelly. La production montée à Bologne en 2008, dans une mise en scène de Damiano Michieletto, est disponible en DVD (Dynamic).

Dans Jackie O., le premier acte se déroule en 1968, lors d’une soirée-happening qui a pour cadre l’atelier d’Andy Warhol à New York, en présence de célébrités comme Liz Taylor ou Aristote Onassis. L’intrigue de l’opéra tourne essentiellement autour de la rivalité amoureuse entre Jackie Kennedy et Maria Callas. Le rôle de l’artiste est confié à un baryton.

Mars 2007, Genève : Trans-Warhol, « opéra danse », livret de Kenneth Goldsmith, musique de Philippe Schoeller.

Le livret de ce spectacle délibérément hybride a été élaboré à partir d’interviews d’Andy Warhol par Gretchen Berg et Jordan Crandall. Outre les danseurs, y participaient trois chanteurs, une soprano (Christina Landshamer, en l’occurrence), une mezzo et une haute-contre, plus le librettiste lui-même comme narrateur. 

Mai 2012, Pittsburgh : POP!, comédie musicale, livret de Maggie-Kate Coleman, musique d’Anna K. Jacobs.

Le City Theatre Pittsburgh a voulu honorer l’un des plus illustres enfants de la ville, avec ce musical qui affirme être non pas une biographie, mais un portrait carnavalesque de Warhol, vu à travers le prisme des personnages de la Factory. C’est en fait une parodie de pièce policière, avec pour coupable la fameuse Valerie Solanas, qui tenta d’assassiner Andy Warhol en 1968.

Janvier 2013, Madrid : The Perfect American, opéra en deux actes, livret de Rudy Wurlitzer, musique de Philip Glass.

Le vingt-cinquième opéra de Philip Glass fut écrit suite à la commande passée par Gérard Mortier en vue d’une création au New York City Opera. C’est Mortier lui-même qui aurait conseillé au compositeur de travailler sur la personnalité de Walt Disney.

Dans la scène 1 de l’acte II, Andy Warhol rend visite à Walt Disney parce qu’il veut peindre son portrait, dans le cadre de sa série de superstars américaines. Le peintre entre en signalant qu’il est né la même année que Mickey, et sort en proclamant son amour pour Disney : « Dites à Walt que je l’adore et que j’adore son travail. Dites-lui que nous sommes une seule et même personne. » Le role fut créé par John Easterlin, grand habitué des rôles de ténor de caractère (Goro, Monostatos…) ; pour se préparer, le chanteur déclare avoir lu sept livres, visionné cinq documentaires, rencontré le frère et les amis de Warhol, étudié des centaines de photos et de vidéos de « cet homme énigmatique ». Le spectacle créé à Madrid fut ensuite présenté à Londres, puis en 2014 au festival de Brisbane, où Warhol était interprété par ce même Kanen Breen qui fut récemment victime d’insultes homophobes en Australie.

Septembre 2015, Philadelphie : Andy, a Popera, « cabaret opera », livret de John Jarboe, musique de Heath Allen et Dan Visconti.

Pour ouvrir sa saison 2015-2016, le très sérieux Opera Philadelphia a fait appel à l’ensemble de cabaret « The Bearded Ladies » (littéralement, « les femmes à barbe »), qui a proposé de travailler sur Andy Warhol, en collaboration avec le chœur de l’Opéra. Le but avoué est de revitaliser le genre et d’attirer un nouveau public, grâce à ce « mélange musical inspiré par la vie, la renommée et la philosophie d’Andy Warhol ».

Au début du spectacle, une petite femme au fort accent étranger, Julia Warhola, présente au public son fils Andreï, qui désire de produire des répliques de lui-même afin de conquérir l’Amérique. Il décide de se faire appeler Andy, et il devient la star de la démultiplication, entouré de gens amusants réunis pour une fête perpétuelle. A la fin du deuxième acte, les doubles finissent par chasser l’original, cet Andreï qui est petit et a des problèmes de peau. Andy devient une marque et n’existe plus qu’à travers ses doubles. A noter : Andreï est interprété par une femme, l’actrice Mary Tuomanen, et un avertissement indique aux spectateurs que ce « Popera » inclut des termes crus, des références sexuelles et des scènes de nudité. Andy Warhol aurait sûrement apprécié.

 

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