La Philharmonie de Paris n’a pas encore ouvert ses portes que son ciel, déjà sombre, s’obscurcit davantage. Au scandale financier que représente son coût de construction (380 millions d’euros au lieu des 200 initialement prévus) s’ajoute à présent ce que le collectif Colère Lyrique, nouvellement formé, considère comme un scandale social : l’accueil en résidence du chœur de l’Orchestre de Paris, un ensemble amateur dont les 220 chanteurs, non payés, assureront gratuitement la quasi intégralité de la saison lyrique. Cette décision, estime Colère Lyrique, s’exerce au détriment des choristes professionnels dont la profession se trouve de facto menacée puisque « chacun des chanteurs non rémunéré de la Philharmonie de Paris occupera une place normalement réservée à un chanteur professionnel salarié. ». Si cette situation vous indigne, une pétition peut être signée à l’adresse http://www.mesopinions.com/petition/art-culture/contre-emploi-abusif-ch-urs-amateurs/13354.
À l’attention : de la Présidence de la Philharmonie de Paris, de la Mairie de Paris, du Ministère de la Culture, du Ministère du Travail, de l’Inspection du travail
Amis chanteurs, lyriques ou non, professionnels ou pas,
Amis instrumentistes, comédiens ou danseurs,
Cher public,
À la Philharmonie de Paris, dans quasiment tous les spectacles, le chef d’orchestre sera rémunéré, le chef de chœur sera rémunéré, les chanteurs solistes seront rémunérés, les techniciens seront rémunérés, la dame de l’accueil sera rémunérée, la femme de ménage sera rémunérée, les instrumentistes de l’orchestre seront rémunérés et les chanteurs du chœur ne le seront pas.
Tout simplement parce que cet édifice prestigieux conçu par Jean Nouvel, pourvu d’une grande salle comparable en capacité à celle de l’Opéra de Paris (2 400 places), qui ouvrira ses portes dès le mois de janvier et coûtera quelque 380 millions d’euros aux contribuables (http://www.philharmoniedeparis.fr/), a décidé d’accueillir en résidence le chœur de l’Orchestre de Paris, un chœur amateur dont les 220 chanteurs, non professionnels, ne sont, par définition, pas payés.
Depuis quelques années déjà, à la faveur d’une crise économique dont nous ne voyons pas la fin, les spectacles produits par des compagnies amateurs, et coûtant de ce fait beaucoup moins cher que des spectacles professionnels, se multiplient. Pourquoi pas ? Si chanter est notre métier, nous concevons bien évidemment que ce puisse être un loisir pour d’autres, exerçant diverses professions par ailleurs. Loin de nous l’idée de vouloir leur interdire l’accès à une scène.
Ce qui nous semble inacceptable, c’est l’introduction d’un ensemble amateur dans un cadre professionnel tel que celui-ci. Ce mélange des genres – hélas déjà existant en maints endroits, notamment en province – occasionne une concurrence déloyale, absolument insupportable à l’heure où les chiffres du chômage ne cessent de grimper, et une attaque sans précédent de notre profession d’artistes lyriques. Car chacun des chanteurs non rémunéré de la Philharmonie de Paris occupera une place normalement réservée à un chanteur professionnel salarié.
Cette évolution scandaleuse est-elle un avant-goût du sort réservé aux grands chœurs professionnels, tels ceux de l’Opéra Bastille ou de Radio-France ? On peut le craindre. Car enfin, en suivant cette logique, pourquoi continuer de payer ce que l’on peut obtenir gratuitement, fût-ce au mépris de la qualité du spectacle et du droit social ?
Aussi, nous demandons solennellement l’arrêt du recours abusif à des artistes des chœurs amateurs dans les structures professionnelles subventionnées.
Rappelons à ce titre qu’un chanteur professionnel qui ne travaille pas, c’est aussi un chômeur de plus à financer.
Nous demandons également :
1. Qu’un chœur professionnel soit en résidence à la Philharmonie de Paris, avec, comme dans toute grande maison qui se respecte, un noyau dur en CDI et des artistes supplémentaires engagés en CDD.
2. Que les pouvoirs publics légifèrent enfin de manière claire afin que la pratique artistique amateur soit encadrée et ne puisse plus occasionner de concurrence déloyale vis à vis des artistes professionnels. Car, de même que dans n’importe quel autre métier, il est indécent qu’un travailleur bénévole (amateur, stagiaire, etc.) occupe un poste qui devrait être attribué à un salarié. Et ce qui est vrai dans une pizzeria, un bureau de poste, une salle de rédaction ou une compagnie d’assurance ne l’est pas moins sur une scène, qui plus est abondamment subventionnée !
À l’heure où le travail est si rare, nous estimons tout simplement qu’il ne peut se permettre d’être gratuit.
Le Collectif Colère lyrique