Nicolas Chalvin avait fait de Mozart Salle Gaveau hier, 22 mai, l’unique objet de la soirée. Divin ? Forcément quand le compositeur de Don Giovanni est proposé comme ici avec une rigueur qui n’exclut ni la grâce, ni la subtilité. Le directeur musical de l’Orchestre des Pays de Savoie a développé avec son ensemble en 5 ans de vie commune une entente que révèle, dans la Symphonie n°33, un maillage sonore finement tissé. En première partie, Cédric Tiberghien ponctue son jeu de mimiques enfantines. Lien de cause à effet, il émane du Concerto n°17 pour piano un délicat parfum d’innocence. La deuxième partie transporte encore davantage. Trois airs dont le fameux « Ch’io mi scordi » suffisent à Sophie Karthäuser pour donner un aperçu de la soprano mozartienne idéale. Le timbre a perdu de son éclat juvénile mais la maturité le rend plus émouvant encore. Il y a la science du legato, indispensable chez Mozart, la ligne fermement courbée, l’agilité suffisante pour les vocalises de « Sol nascente », la longueur, la couleur, l’égalité des registres. Il y a la voix donc et il y a le regard, brillant, qui épouse chacun des sentiments exprimés, les annonce puis les exprime avec une intensité éloquente. Il y a en bis (un seul, malheureusement), « Hôtel », cette mélodie de Poulenc sur un poème d’Apollinaire dite avec un chic inimitable. Intelligence du texte, intelligence du chant qui sait contourner les difficultés pour que l’interprétation semble couler, fluide, naturelle, innée. Divin, disions-nous ; divine aussi. [Christophe Rizoud]
Concert Mozart. Sophie Karthäuser, soprano ; Cédric Tiberghien, piano ; Orchestre des Pays de Savoie ; Nicolas Chalvin, direction. Paris, Salle Gaveau, jeudi 22 mai, 20h30.