Giulio San Pietro de’ Negri (ou San Piero di Negro, car même son nom n’est pas établi de manière définitive) est un compositeur dont on sait fort peu de choses. Les recherches musicologiques permettent de penser qu’il était né vers 1550 et qu’il dut mourir au début des années 1630. Il était donc l’aîné de Monteverdi, de près d’une génération. Six volumes imprimés d’œuvres profanes nous sont parvenus de ce gentilhomme d’ascendance génoise établi dans les Pouilles, compositeur non-professionnel donc, mais à qui l’on doit de remarquables innovations dans l’écriture musicale de ses scherzi et canzonette. Publiés entre 1607 et 1620, ses livres rassemblent des pièces pour ensemble de deux à six voix, dont seules trois avaient jusqu’ici été enregistrées. C’est donc une découverte quasi-totale qu’offre le disque Amorosa Fenice.
L’ensemble Faenza se compose de quatre instrumentistes auxquels se joint Marco Horvat, véritable homme-orchestre, puisque non content de joue du théorbe, de la guitare et du lirone, il chante aussi, tout en dirigeant tous ses musiciens. Aux quatre instruments répondent quatre voix, dont certaines sont déjà bien connues des amateurs de musique ancienne. Le ténor américain Jeffrey Thompson se produit régulièrement avec Opera Lafayette dans des œuvres du XVIIIe siècle : on a pu le voir à plusieurs reprises à l’Opéra royal de Versailles, non sans déplorer certains maniérismes assez agaçants. Il fait preuve ici d’une sobriété tout à fait bienvenue, et se glisse parfaitement dans ces partitions un peu moins extroverties. La soprano espagnole Olga Pitarch pratique aussi bien le répertoire baroque que la musique contemporaine ; la voix est agile, le timbre est frais mais surtout pas froid. Le nom des deux autres, artistes français, est un peu moins familier : malgré ce que dit le livret d’accompagnement, Brigitte Vinson est plus soprano que mezzo, et sa voix ne se distingue pas vraiment de celle de sa consœur ; quant à Emmanuel Vistorky, il s’est jusqu’ici surtout illustré dans la musique religieuse du Moyen Age.
On est très vite frappé par la richesse d’invention de ce compositeur largement inconnu, qui fait de lui l’égal des plus grands parmi ses contemporains. La plupart des airs retenus sont tirés de ses deux volumes connus de Grazie ed affetti (1613-14), ni trop simples, ni trop savants. Il y a dans toute cette musique quelque chose de vif, de bondissant, de quasi printanier. Et même quand ce n’est pas la joie que respirent ces airs, le frémissement n’en est pas moins présent. La diversité des associations voix / instruments assure une variété constante d’une plage à l’autre de ce disque, dont chaque nouvelle écoute est source de ravissement.