Le Belge Thomas-Louis Bourgeois (1676-1750), d’abord maître de chapelle à la cathédrale de Toul, puis en celle de Strasbourg, fut engagé comme haute-contre à l’Opéra de Paris en 1707, avant d’être à Bruxelles directeur du théâtre de La Monnaie en 1721-22. Il devint ensuite membre de l’Académie de Musique de Dijon, créée par Claude Rameau, frère de Jean-Philippe, où il chanta de 1728 à 1735. Outre les deux opéras qu’il donna à Paris, on lui doit une trentaine de cantates et cantatilles, composées entre 1708 et 1744. Pour Musique en Wallonie, Isabelle Desrochers avait enregistré en 2007 quatre d’entre elles : « Ariane », « Le Berger fidèle », « L’Amour et Psyché » et « Phèdre et Hippolyte », les deux dernières en duo avec le ténor Thibaut Lenaerts. Le présent disque puise dans les deux premiers livres de Cantates Françoises de Bourgeois, publiées en 1708 et en 1715. Ecrites dans un style assez proche du Rameau des bergeries, l’audace et la science de l’orchestration en moins, chacune des cinq pièces dure une quinzaine de minutes.
Même si on a pu la voir à Paris dans Peter Grimes à Bastille, la Britannique Carolyn Sampson est résolument baroqueuse. Le style est élégant, la voix est souple, le timbre est agréable et la prononciation du français est quasi irréprochable. Manquent sans doute un peu plus de théâtre parfois, et davantage de variété dans les couleurs, pour éviter l’impression de monotonie qui s’empare bientôt de l’auditeur à l’écoute de ces cantates, mais Bourgeois en est largement responsable, puisque l’indication « Gayment et gratieusement » revient ici plus souvent qu’à son tour, alternant avec « Lentement et tendrement »… Nous sommes incontestablement dans le domaine de l’aimable, de la musique faite pour charmer le public des salons. A peine sort-on de la placidité ambiante avec l’air « Un orage affreux » dans la cantate Borée (« Vivement et très viste ») ; dans Zéphire et Flore, l’arrivée d’une (brève) tempête apporte une perturbation du même ordre, et des plus opportunes. Ici et là, un « gravement » ajoute un soupçon de sérieux à tout cela. Il y a de jolis effets d’imitation dans « Philomelle revient », air de rossignol comme il s’en est beaucoup composé à cette époque. Et l’on admire la belle vigueur du Concert Lorrain, notamment dans « L’Amour se soumet à vos charmes », mais là encore, l’effectif instrumental est trop limité pour que l’oreille ne se laisse pas gagner par une douce torpeur.
Peut-être la musique de Bourgeois y aurait-elle gagné si le programme du disque avait été partagé entre différents solistes vocaux, pour introduire un peu de variété. Afin de mieux apprécier chaque cantate, on recommandera donc pour ce récital une écoute fragmentée plutôt que consécutive.