Deux sorcières rivalisent de maléfices pour faire revenir leur chat Zéphyr. Une malheureuse n’en finit pas de s’enfoncer dans des sables mouvants en présence de trois témoins… On pourrait ainsi continuer à décliner les impressions que suscitent les plages du récital Monteverdi de Magdalena Kožená, mais arrêtons-nous après les deux premières, « Zefiro torna » et le Lamento della ninfa.
La mezzo tchèque ne fait pourtant pas avec ce CD ses premiers pas chez Monteverdi. En 2011, le disque Lettere amorose, accompagné d’une tournée promotionnelle, lui avait déjà permis d’aborder ces rivages, même si le Mantouan y était associé à bien d’autres de ses contemporains. Le disque incluait « Se dolce è ’l tormento », et le concert se concluait sur « Quel sguardo sdegnosetto », repris pour le présent album. Plus récemment, en 2014, elle était l’une des vedettes d’un « gala Monteverdi » dirigé par Emmanuelle Haïm. Au cours de sa carrière, elle a chanté le duo « Pur ti miro » avec des partenaires aussi variés que David Daniels ou Rolando Villazon.
Hélas, il n’y a pratiquement rien à ajouter par rapport à ce qu’écrivait ici même, en 2011, notre collègue Bernard Schreuders à propos du concert, où l’artiste donnait à entendre « un chant extraverti, lyrique et sonore dont elle semble la première à se griser, mais au détriment de la demi-teinte, de l’intériorité, des éclairages subtils et de l’intelligence des mots essentiels dans cet univers raffiné ». Même si l’ensemble La Cetra que dirige Andrea Marcon accomplit sans doute un travail plus subtil que les musiciens convoqués il y a cinq ans, le résultat n’est guère plus convaincant. Ce disque accumule les effets artificiels, les gonflements de son, les r triplement roulés, les consonnes suraccentuées de manière aléatoire, la théâtralité superficielle. C’est là une approche qui passerait peut-être à la scène, justifiée par des partis pris dramaturgiques, mais qu’il est difficile d’accepter au disque. Les sublimes monologues d’Octavie ne semblent jamais vécus de l’intérieur ; mieux vaut oublier un feulement ridicule sur le premier « A » des adieux, tandis qu’à d’autres moments, Magdalena Kožená chante à pleine voix, s’époumone avec sa consœur soprano Anna Prohaska, livre au passage quelques sonorités assez vilaines, avec des notes soigneusement tenues bien fixes jusqu’à épuisement. Si c’est pour donner le change et faire croire à une interprétation « historiquement informée », vive la désinformation !
Le Combat de Tancrède est interprété par la mezzo seule, ce qui est rare mais pas inédit : Anna Caterina Antonacci l’a fait, par exemple, mais avec une étoffe vocale bien différente, et une incisivité supérieure dans la déclamation. Ce qui exaspère aussi dans ce disque Monteverdi, sans parler de sa très nunuche photo de couverture, c’est la lenteur insupportable à laquelle sont pris le Lamento della Ninfa et le « Pur ti miro », étirés jusqu’à ne plus ressembler à rien. Décidément, la greffe Kožená-Monteverdi a du mal à prendre.