En 2007, Richard Bonynge rendait hommage à Massenet avec le disque Amoureuse, Sacred and Profane Arias. On y découvrait notamment de nombreux extraits d’Ariane, authentique chef-d’œuvre dont on attend toujours une intégrale. Hélas, le chef australien y exigeait un peu trop de la soprano Rosamund Illing, certes estimable mais manifestement dépassée par les exigences de certaines pièces ; du reste, jamais le compositeur n’aurait lui-même envisagé de confier à une même voix ces différentes partitions. Cette fois, sur une échelle beaucoup plus modeste – des mélodies avec piano et non plus de grands airs d’opéra avec orchestre – la réussite est davantage au rendez-vous.
La Sud-Africaine Sally Silver, choisie par Richard Bonynge pour être chez Naxos l’héroïne de Lurline, de William Wallace, est tout sauf une inconnue du public français : on l’a beaucoup entendue à Metz, dans Les Contes d’Hoffmann, Rigoletto ou Powder her Face. Sans doute ces séjours répétés dans notre pays expliquent-ils la très grande qualité de son français, indispensable pour aborder ce répertoire. La voix a par ailleurs une couleur tout à fait adaptée à la musique française du XIXe siècle. Un deuxième récital Massenet est d’ores-et-déjà prévu avec Richard Bonynge, qui sera enregistré cet été : s’agira-t-il à de nouveau de mélodies, ou d’airs d’opéra ? Sally Silver a déjà chanté le rôle de la Fée de Cendrillon, et on imagine assez bien que sa voix pourrait convenir à plusieurs autres personnages massenétiens. Un récital opératique permettrait peut-être de varier davantage les climats ; en effet, ce premier disque ne se prête pas forcément à l’écoute en continu, car en matière de mélodie surtout, Massenet a beaucoup exploité le même sillon, et le charme, pourtant indéniable, a tendance à s’émousser avec l’accumulation. Ici, seules deux mélodies bénéficient de l’intervention bienvenue de Gabriella Swallow au violoncelle (on croit savoir que celle-ci reviendra pour le deuxième disque, et que des duos sont à prévoir, avec la mezzo Christine Tocci).
En l’état, ce récital permet néanmoins d’entendre, à côté de tubes comme la célèbre Elégie, des mélodies rarement interprétées, parmi près de trois cents que Massenet composa. Sally Silver parvient même à rendre acceptable le bizarroïde Ave Maria arrangé sur la « Méditation » de Thaïs. On le sait, ce ne sont pas les textes qui contribuent à susciter l’intérêt, et pour deux partitions ici inspirées par Victor Hugo, combien d’Armand Silvestre et de Jules ruelle ! Certaines mélodies s’imposent par l’originalité de l’accompagnement, comme « Quand on aime », où le piano semble presque préfigurer le thème de « Tea for Two ». A déguster par bouffées pour mieux les savourer, donc.