Pour le deuxième volume de sa série « Portraits », le Palazzetto Bru Zane a choisi, après Thédore Gouvy, d’honorer Théodore… Dubois. Mais si la musique vocale de Gouvy était un peu sous-représentée (voir brève), c’est l’intégralité du deuxième des trois disques consacrés à Dubois qui fait la part belle à la voix, à travers la musique d’Eglise du compositeur. En effet, plus qu’à l’opéra – malgré la récente résurrection de son Aben-Hamet à Tourcoing –, c’est dans la musique d’inspiration religieuse que le talent de Théodore Dubois trouva à s’épanouir, jusque dans des formes aussi ambitieuses que son Paradis perdu. Et si le Centre de musique romantique française brandit depuis quelques années maintenant le drapeau de ce compositeur « officiel », la fortune de Dubois va peut-être prendre une face nouvelle puisque la Bibliothèque nationale de France a opportunément retrouvé tout un lot de partitions crues perdues jusqu’ici, notamment celle de la Messe pontificale. Qu’entend-on alors sur ce disque ? Un arrangement pour effectifs réduits – treize instruments, dont un orgue –, élaboré par les frères Dratwicki en personne (on n’est jamais si bien servi que par soi-même) ; et comme pour Le Paradis perdu, on ne peut s’empêcher de penser que les couleurs du résultat final, bien qu’assez séduisantes, et permettant une belle transparence des interventions chorales – le toujours excellent Chœur de la radio flamande –, sont forcément un peu éloignées des intentions initiales de Dubois. Bien sûr, cela valait mieux que d’enregistrer une version accompagnées par le seul clavier d’un piano ou d’un orgue, mais l’on peut désormais espérer entendre un jour la partition complète, son existence étant confirmée depuis peu.
Il n’est pas évidemment question de faire passer Théodore Dubois pour un révolutionnaire qui aurait bouleversé l’histoire de la musique. On peut être un compositeur digne d’intérêt sans être Berlioz ou Debussy. Dans sa Messe, on trouvera un Gloria alternant l’énergie et la grâce, un Credo se concluant sur d’allègres moments trompétants, un Sanctus animé d’un bel élan. Parmi les quatre solistes vocaux, les messieurs semblent un peu plus gâtés que les dames. Hervé Niquet retrouve ici deux piliers de son King Arthur, Chantal Santon et Mathias Vidal, rejoints par des habitués des enregistrements du Palazzetto Bru Zane, Jennifer Borghi et un Alain Buet en grande forme, sans oublier le Brussels Philharmonic. Par la suite, on remarque le souffle dramatique dont sont animées les interventions de la mezzo Marie Kalinine, soliste des trois motets qui complètent ce programme religieux.
Malgré tout, le véritable intérêt de ce livre-disque est sans doute la musique orchestrale de Dubois, dans laquelle il fait preuve de bien plus d’invention et d’audace. La superbe Symphonie n° 2 s’ouvre sur un curieux motif tourbillonnant qui revient tout au long de l’œuvre. Et la symphonie dite « française », dirigée par François-Xavier Roth à la tête de son orchestre Les Siècles, mérite aussi qu’on s’y attarde.