« Vu de Londres »… Le programme organisé par l’Orchestre de chambre de Paris autour de grands compositeurs britanniques – Haydn fait figure d’exception, mais c’est une symphonie composée à Londres qui est ici interprétée – promettait un agréable dépaysement, certes sans grande surprise. Malheureusement, le voyage fut assez rapidement compromis.
Dès l’ouverture, avec la Fantaisie sur un thème de Thomas Tallis du compositeur Vaughan Williams, l’Orchestre de chambre de Paris semble en effet quelque peu dépassé par la direction de Sir Roger Norrington, au demeurant assez capricieuse. Les musiciens peinant à le suivre, les yeux difficilement affranchis d’une partition qu’il faudrait connaître par cœur quand le chef se fait aussi imprévisible, cette collaboration donne le sentiment gênant d’un manque de travail en amont. Le choix parfaitement justifié du chef d’orchestre de former en outre deux ensembles distincts pour cette Fantaisie, mais dont l’un est relégué en fond de scène – ses musiciens alignés plutôt qu’en quinconce – rend ainsi d’autant plus difficile la coordination des instruments, le tout mêlé d’une impression de permanente fausseté qui achève de nous embarrasser.
Heureusement, le registre baroque avec lequel Sir Roger Norrington est depuis longtemps familier trouve la collaboration entre le chef et l’orchestre beaucoup plus efficace et à la hauteur de leurs moyens dans Abdelazer ou la revanche du Maure de Purcell. Si la Symphonie n° 103 de Haydn est honnêtement exécutée, ponctuée d’élans expressifs, l’interprétation réduit toutefois l’œuvre à un sympathique divertissement quand elle prend une tout autre allure avec certains orchestres de renom. Paradoxalement, c’est peut-être dans le style le moins chambriste que l’Orchestre de chambre de Paris demeure le plus convainquant.
Notre désillusion se console toutefois avec la remarquable prestation du ténor anglais Ian Bostridge. Il y a à vrai dire peu de ténors chez qui l’on peut observer cette élégance aristocratique, dans la posture et le port de tête princiers comme dans le style de chant. Parfaitement à l’aise dans le répertoire anglais et notamment avec Britten qu’il a à maintes reprises interprété et enregistré, le ténor démontre une nouvelle fois ses talents de conteurs dans cette Nocturne, sachant détimbrer, accentuer, enlaidir même quand il le faut les accents et les intonations du verbe et de la phrase mélodique, en particulier dans l’amusant « Midnight’s bell goes ting, ting, ting » de Thomas Middleton, et ce, sans jamais perdre de sa distinction.
Devant prendre ses fonctions le 1er juillet 2015 en tant que chef de l’Orchestre de chambre de Paris, Douglas Boyd expliquait récemment qu’il ambitionnait de donner à cet orchestre une renommée internationale, en particulier dans le répertoire classique. Gageons qu’il saura lui insuffler l’énergie nécessaire à cette métamorphose.