Ce concert s’annonçait comme un moment fort du Festival, sous la direction du maître des lieux, le Maestro Zedda. D’autant que, contrairement à la version donnée il y a deux ans qui avait enthousiasmé Christophe Rizoud dans ces mêmes colonnes, elle est donnée aujourd’hui dans le très beau Théâtre Rossini, à priori plus adapté à cette musique religieuse que le grand hall de l’Adriana Palace.
Le théâtre était donc comble, les places vendues depuis bien longtemps et l’annonce du remplacement de Lorenzo Regazzo par Mirco Palazzi n’entamait en rien l’excitation.
Et pourtant… au final, malgré des applaudissements nourris qui conduiront le maestro à bisser le chœur final « In sempiterna saecula Amen », on ne peut s’empêcher de ressentir une certaine frustration…
Pourquoi cette déception ? L’exécution de ce Stabat Mater aura pourtant été bien plus qu’honnête ! Mais on aura ressenti au cours du concert bien peu de ferveur religieuse, pas plus que d’exaltation opératique. Il nous faut alors trouver des responsables : à qui la faute ?
Peut-être un peu au maestro lui-même… Il dirige l’œuvre sans partition et l’Orchestre du Théâtre Communal de Bologne semble ne faire qu’un avec son chef : certains accents, comme les interventions terrifiantes des cuivres dans l’ « Inflammatus et accensus » et le final, sont proprement grisants. Mais ces effets superbes n’arrivent pas à maintenir la tension sur toute la durée, et l’on pourrait reprocher au maestro de se laisser emporter par la puissance orchestrale et d’abuser un peu du fortissimo, mettant certains solistes, en particulier Celso Albelo, en difficulté.
Les solistes, justement ne sont pas forcément irréprochables.
A une exception près, qui se nomme Mirco Palazzi. Le remplacement de dernière minute nous aura permis de découvrir sa très belle voix de basse aux graves sonores : il ne force pas pour se faire entendre. Que ce soit dans l’aria solo « Pro peccatis suae gentis » ou dans son dialogue avec le chœur dans « Eja Mater fons amoris », la ligne de chant est admirable, le recueillement perceptible. Ce seront les vrais moments d’élévation du concert !
Car pour le reste, les interventions solistes ne suscitent guère l’enthousiasme. Celso Albelo semblait bien mal à l’aise : sans cesse couvert par l’orchestre, il est obligé de forcer sa voix de ténor léger pour se faire entendre dans le « Cujus animam » et son contre ré bémol raidi couronnant sa cabalette, détonne un peu. La très jeune soprano de poche Julia Lezhneva fait montre d’une voix de soprane typiquement slave avec une émission très droite. Malgré des jolies couleurs, il manque un aplomb et un engagement dramatique pour dominer le furieux « Inflamatus et accensus ». Daniela Barcellona, enfin, confirme ce que l’on a entendu dans Maometto II : la voix semble fatiguée et plutôt engorgée, entachée d’un fort vibrato. Dans ces conditions, on passe facilement à côté du mystère du « qui es homo ? ».
Le chœur de chambre de Prague n’aura en revanche pas déçu, en particulier les pupitres de basses : la puissance, la précision des interventions sont tout simplement superbes.
On est donc loin d’un naufrage, et le premier responsable de cette déception n’est-il pas à rechercher de notre côté ? L’on attendait peut-être trop de ce Stabat Mater pour ne pas au final rester un peu sur sa faim… Il est vrai aussi que des Stabat comme celui-ci, dans un cadre différent, nous auraient davantage contenté ! Mais compte tenu du niveau général des spectacles et des interprètes entendus tout au long du Festival, on se surprend à être plus exigeant…
Antoine Brunetto