(5 Questions)
[ Janvier
2007 ]
Index de
la rubrique
|
ERIC GENOVESE

© Philippe Granchec
Vous êtes comédien, sociétaire de la Comédie Française
depuis 1993, acteur aussi. Avec cette nouvelle production de Rigoletto
à Bordeaux, vous devenez metteur en scène
d’opéra ; pourquoi ?
C’est une envie très profonde que j’avais depuis un
certain temps. J’ai étudié la musique quand
j’étais enfant et l’opéra fait partie de mes
passions. Par le biais de mes activités théâtrales,
j’ai rencontré des chanteurs, des compositeurs…
Puis, j’ai participé à des spectacles musicaux en
tant que récitant : l'Histoire du soldat, le Martyre de Saint-Sébastien, Pierre et le loup… En 2004, à l’occasion de la création de l’opéra de Philippe Fénelon, Les rois, j’ai fait la connaissance de Thierry Fouquet.
Nous avons alors eu une longue discussion sur la musique et je lui ai
confié mon désir de mettre en scène une
œuvre lyrique. Un an après, contre toute attente, il
m’a téléphoné pour me proposer de monter Rigoletto.
Est-ce l’oeuvre que vous auriez retenue si on vous avait donné le choix ?
Non, pas forcément. En fait, je ne pensais pas débuter
avec un opéra aussi populaire, qui plus est dans une production
avec deux distributions. Pour une première fois, je
m’attendais à ce que l’on me propose une œuvre
aux dimensions plus modestes : La voix humaine ou Le viol de Lucrèce…
Si on m’avait donné à choisir, je crois que
j’aurais spontanément opté pour un opéra qui
me tient plus à cœur, La clémence de Titus
par exemple. Je n’aurais peut-être pas eu raison ; je
ne suis pas sûr que les œuvres que l’on
préfère soient celles que l’on monte le mieux. En
revanche, je n’aurais pas accepté la proposition si le
livret ne m’avait pas inspiré ou si je n’avais pas
aimé la musique.
Pour cette première mise
en scène, avez-vous été influencé par le
travail de vos prédécesseurs ou au contraire,
avez-vous recherché à paraître radicalement
différent ?
Ni l’un, ni l’autre. J’ai procédé de la
même manière que lorsque j’apprends un nouveau
rôle : je lis, j’écoute et surtout,
j’oublie tout ce que j’ai vu et entendu auparavant. Je
n’ai donc pas cherché à imiter ou à aller
volontairement à rebours de ce qui avait été fait.
Ma mise en scène n’est ni traditionnelle, ni
révolutionnaire. Je n’ai pas masqué la violence et
la cruauté de ce qui est écrit ; je n’ai pas
voulu pour autant choquer à tout prix. Je suis simplement parti
de la partition en utilisant notamment les indications de Victor
Hugo pour Le roi s’amuse
; j’ai également travaillé à partir de la
correspondance entre Verdi et Piave. J’ai pris aussi en compte la
nature des chanteurs car je ne tiens pas à imposer mes
idées envers et contre tous ; je les adapte en fonction des
interprètes. Le duc de Mantoue de la première
distribution, Charles Castronovo, n’a par exemple rien à
voir avec celui de la seconde, Dimitri Pittas. Il s’agit de deux
chanteurs physiquement et vocalement différents. Je me suis
plié à la personnalité de chacun. Ma propre
expérience de comédien s’est alors
révélée très utile.
En quoi la mise en scène
d’un opéra diffère de celle d’une
pièce de théâtre ?
Elles ne sont pas si différentes dans l’approche. Les
facteurs psychologiques qui représentent des barrières
pour l’interprétation sont les mêmes. Il y a juste
des paramètres supplémentaires à prendre en
compte : le chant, la position par rapport au chef
d’orchestre, etc. La particularité réside avant
tout dans le rapport avec le temps. A l’opéra, la musique
impose le rythme alors qu’au théâtre, on a une
liberté totale. Trop presque. Personnellement, je
préfère avoir plus de contraintes. Plus le cadre est
défini, plus ce qu’on doit interpréter est
écrit, plus finalement, on peut creuser à
l’intérieur. Une marge de manœuvre réduite
évite de s’éparpiller ; on n’a pas le
choix ; il faut aller à l’essentiel.
Quels sont vos prochains projets lyriques ?
Au jour d’aujourd’hui, je ne peux pas répondre. Cela va dépendre un peu du succès de Rigoletto.
La production sera de toute façon reprise à Monte-Carlo
dans deux ans. Bien sûr, j’espère que cette
première expérience sera suivie de nombreuses autres. Je
le souhaite parce qu’il y des œuvres qui me tiennent
à cœur, parce que j’aime l’opéra et les
chanteurs et parce que je sais maintenant que j’adore les mettre
en scène !
Propos recueillis par Christope Rizoud
Voir aussi ...
Biographie d'Eric Génovèse
|
...
|