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STRASBOURG
09/12/2005
© Alain Kaiser
Wolfgang Amadeus MOZART (1756-1791)
COSI FAN TUTTE
Dramma giocoso en deux actes
Livret de Lorenzo Da Ponte
Direction musicale : Dietfried Bernet
Mise en scène : David McVicar
Décors : Yannis Thavoris
Costumes : Tanya McCallin
Lumières : Paule Constable
Mouvements : Leah Hausman
Fiordiligi : Henriette Bonde-Hansen
Dorabella : Deanne Meek
Despina : Marie McLaughlin
Guglielmo : Franco Pomponi
Ferrando : Alfred Boe
Don Alfonso : Jason Howard
Choeurs de l'Opéra National du Rhin
direction des Chœurs : Michel Capperon
Orchestre symphonique de Mulhouse
Continuo clavecin : Cordelia Huberti
Nouvelle production
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Lorsque
Nicolas Snowman, directeur général de
l’Opéra National du Rhin propose à David McVicar de
monter l’opéra qu’il souhaite, c’est vers Cosi fan tutte que se tourne le metteur en scène anglais, simplement parce que « personne ne m’avait demandé de le faire auparavant. J’en rêvais depuis des années ! ».
De McVicar, on se souvient de sa vision iconoclaste du Couronnement de Poppée
vue ici même à Strasbourg l’an dernier, et
l’on était curieux de voir comment il allait traiter ce Cosi.
On sera dans un premier temps surpris de se retrouver au XIXe
siècle, tout d’abord dans un salon réservé
à des officiers, puis sur une terrasse ensoleillée
plongeant sur la mer, on se croirait au bord d’une baie du Sud de
l’Italie... La transposition permet à McVicar des
décors absolument magnifiques (Yannis Thavoris) et des costumes
somptueux (Tanya Mc Callin). Mais il ne saurait s’agir
d’une simple volonté d’exotisme, tout ne va pas si
bien dans ce monde apparemment idyllique. Du paysage maritime
émergent fièrement deux superbes rochers (parfaitement
mis en valeur par les éclairages de Paule Constable), dont la
symbolique phallique peut interpeller, et en contrebas de la terrasse
pousse une étrange végétation, plutôt
tropicale, donc étrangère à ces latitudes. La
même végétation tombe des cintres
régulièrement, venant masquer et obscurcir ce
décor trop enchanté pour être réel ou pour
durer... tels les couples de l’histoire perturbés par des
sentiments inconnus et troublants.
Avec cette transposition dans le romantisme, McVicar semble vouloir
éloigner l’intrigue de tout penchant vers le marivaudage,
comme s’il se méfiait du XVIIIe siècle (auquel il
reproche effectivement son aspect « très ornemental pour un public contemporain », redoutant ainsi de rendre l’œuvre « décorative »).
Avec le XIXe siècle (un siècle qu’il estime plus
proche et plus « reconnaissable » pour le
public), il peut offrir un supplément de profondeur,
d’intensité et de passion entre les personnages. Le soleil
écrasant de l’Italie venant en contraste avec les
tourments de l’âme, l’on songe alors au
Guépard ou à Senso de Visconti.
Et c’est également du fait de ce soleil que le pessimisme
ambiant ressort particulièrement. Ainsi le salon où Don
Alfonso vient entraîner Gugliemo et Ferrando dans une folle
aventure est bien sombre et terne. Cet univers masculin un rien
aseptisé respire quelque peu l’ennui, les hommes n’y
semblent guère épanouis. Sous la provocation, c’est
peut-être une libération que Don Alfonso vient proposer
aux deux jeunes gens. A la fin de l’ouvrage pourtant, ce
n’est guère sous cet angle que Gugliemo et Ferrando voient
la chose puisqu’ils repartent contraints et forcés par le
contrat signé avec la fiancée de l’autre : non
seulement la belle ordonnance (apparente) du début est rompue,
mais les amitiés le sont aussi. Quant à Don Alfonso,
c’est une gifle qu’il reçoit de Despina,
dépitée par cet homme sur lequel elle avait sans doute
des vues... Il faut préciser que Don Alfonso, loin du vieil
homme désabusé, est ici un fringant trentenaire. Sa
manipulation n’en apparaît que plus diabolique si ce
n’est malsaine.
Au final, le résultat est très séduisant tant pour
les yeux que pour l’intellect et apporte un regard original sur
l’œuvre qui s’en accommode plutôt bien.
Musicalement, on sera moins passionné et enthousiaste. Les
chanteurs réunis assument fort bien leur partie, tant vocalement
que dramatiquement, mais aucun ne transporte,
n’élève vraiment la musique - et le spectateur -
vers le délice et l’extase auxquels la musique de Mozart
invite bien souvent dans cet ouvrage. Au moins la distribution
brille-t-elle par son homogénéité (même si
on aurait pu souhaiter un chant plus élégant de la part
de Marie McLaughlin en Despina et Jason Howard en Don Alfonso).
Il en sera de même pour Dietfried Bernet à la tête
d’un bon Orchestre Symphonique de Mulhouse, malgré des
décalages récurrents entre fosse et plateau.
On gardera donc surtout souvenir de cette production par la mise en
scène de McVicar et on se réjouit à l’avance
de ce qu’il pourra faire du prochain Ring strasbourgeois.
Pierre-Emmanuel Lephay
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