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LYON
24/06/04
© boy Gérard Amsellem
Giuseppe VERDI (1813-1901)
Falstaff
Comédie lyrique en trois actes
Livret d'Arrigo Boïto d'après
Shakespeare
Laurent Naouri (Sir John Falstaff),
Vincent Le Texier (Ford),
Yann Beuron (Fenton),
Patricia Schuman (Mrs Alice Ford),
Graciela Araya (Mrs Quickly),
Laura Giordano (Nannette),
Martine Olmeda (Meg Page),
Robin Leggate (Docteur Caïus),
Peter Hoare (Bardolfo),
Jérôme Garnier (Pistola).
Peter Stein (mise en scène),
Lucio Fanti (décors),
Moidele Nickel (costumes),
Yves Bernard (éclairages).
Orchestre et Choeurs de l'Opéra
de Lyon
Gianandrea Noseda (direction musicale),
Alan Woodbridge (chef des choeurs).
Lyon, les 24*, 26, 28, 30 juin,
2, 4, 6 et 8 juillet 2004
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Immense Falstaff !
On est en forme dans la famille Naouri-Dessay
! Alors que Natalie Dessay créait avec succès Manon
de Massenet sur la scène du Grand-Théâtre de Genève,
son Laurent Naouri de mari bâtissait un brillant Falstaff
de Verdi à l'Opéra de Lyon. Entouré d'un plateau très
équilibré, le baryton français régale son auditoire
d'un immense Falstaff. Comique, bouffe parfois, mais encore habité
de sa noblesse d'antan, sans projeter la voix dans l'excès, Laurent
Naouri compose son personnage dans l'esprit d'un homme conscient d'avoir
perdu de sa superbe, mais qui cherche, par petites touches, à se
maintenir dans le giron d'une société qui le fuit. A l'opposé
des Falstaff souvent dégrossis à la hache des mises en scènes,
celui de Laurent Naouri s'impose par les mots d'un livret incomparable
de finesse qu'il restitue avec élégance, brio, causticité
et ironie. Son Falstaff est un sage, un homme de réflexion pris
dans une aventure qu'il ne voulait pas aussi désastreuse. Il n'est
pas seulement un être de chair, mais aussi un homme vieillissant
qui constate, avec amertume, que les sentiments du coeur ne lui sont plus
permis. Contenu, drôle, mais jamais pathétique, son interprétation,
tant vocale que théâtrale, en fait certainement l'un des plus
beaux Falstaff depuis le légendaire Geraint Evans. Acteur
admirable, sa tirade de "L'onore ! Ladri !" est un moment de pur bonheur.
© boy Gérard Amsellem
L'univers scénique de Peter
Stein, les décors efficaces de Lucio Fanti, les costumes
colorés de Moidele Nickel et les beaux éclairages
d'Yves Bernard concourent grandement à la réussite
de la farce romanesque. Sans autre but que de raconter Boïto, Verdi
et Shakespeare, Peter Stein crée un espace théâtral
dans lequel chacun se déplace avec naturel. Sans dépeindre
d'hypothétiques fantasmes, sans montrer les personnages et les situations
pour autres que ce qu'ils sont, ce dépouillement est la signature
d'un grand metteur en scène. Peter Stein sert l'oeuvre en invitant
le public au divertissement le plus simple. La scène finale qui
voit Falstaff moqué par la populace est souvent l'objet de débordements
scéniques grossiers. Ici, Peter Stein contient les excès
et restitue sa part d'humanité respectueuse au vieux héros.
Cette maîtrise de la mise en scène laisse l'impression qu'il
n'y a pas de mise en scène. Du grand art !
© boy Gérard Amsellem
Dans l'admirable travail de caractérisation
des personnages, Patricia Schuman (Mrs Alice Ford) peut tout à
son aise exprimer la noblesse de son rang. Sa voix superbe, son phrasé
ample et posé confèrent à son personnage une classe
seigneuriale que n'aura pas (et que ne doit pas avoir) Mrs Quickly (Graciela
Araya), plus pimbêche que son amie. Devant l'effronterie de Falstaff
cherchant à obtenir un rendez-vous galant avec les deux femmes,
si la première est outrée par cette double démarche,
la deuxième s'émoustille à l'idée qu'on puisse
encore s'intéresser à elle. De son côté, Martine
Olmeda (Meg Page) est une très bonne complice de la vengeance
que les femmes ourdissent contre Falstaff. Le rôle s'adressant peut-être
plus à un contralto qu'à un mezzo-soprano, la française
reste parfois prisonnière des limites de son registre grave. La
très belle Laura Giordano (Nannetta) possède une vivacité
scénique époustouflante. Capable de chanter dans n'importe
quelle situation, elle ne ménage pas ses allées et venues
sans que jamais sa voix ne soit prise en faute. Chez les messieurs, la
voix pointue du Docteur Caïus (Robin Leggate) le rend détestable
à souhait. Le ténor anglais forçant magnifiquement
le trait invente un casse-pied cinglant. Si Peter Hoare (Bardolfo)
et Jérôme Garnier (Pistola) sont de beaux clowns, le
ténor français Yann Beuron (Fenton) est le charme
personnifié. Le soir de la première, Vincent Le Texier
(Ford) visiblement souffrant, n'a malheureusement pas pu apporter à
son rôle tout son indéniable talent.
Dans la fosse, Gianandrea Noseda
confirme sa capacité à animer un texte musical sans effets
de manches. Devant cette partition complexe, il sait doser son effort pour
que le mot, si important dans le texte de Boïto, retrouve son prolongement
dans les accents de l'orchestre. Racontant la musique, la colorant, le
chef italien cisèle la matière, excellente, de l'Orchestre
de l'Opéra de Lyon qui prend un évident plaisir à
signer de sa patte une production de très haut niveau.
Jacques SCHMITT
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