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GLYNDEBOURNE
26/05/2006
Stacey Tappan
© Mike Hoban
Johann STRAUSS II (1840 - 1893)
Die Fledermaus
Opérette en trois actes
Livret de Carl Haffner et Richard Jesill
d'après le Réveillon de Henri Meilhac et Ludovic Halévy
Production du Festival de Glyndebourne
Mise en scène, Stephan Lawless
Décors, Benoît Dugardyn
Costumes, Ingeborg Bernerth
Eclairages, Paul Pyant
Chorégraphie, Nicola Bowie
Rosalinde, Pamela Armstrong
Adèle, Stacey Tappan
Prince Orlofsky, Ursula Hesse von den Steinen
Eisenstein, Thomas Allen
Falke, Alan Oppie
Alfred, Bonaventura Bottone
Franck, Jonathan Veira
The London Philharmonic Orchestra,
The Glyndebourne Chorus
Direction musicale, Vladimir Jurowski
Glyndebourne, le 26 Mai 2006
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Of (flying) mice and men
Glyndebourne…Peu importe le nombre de fois où l’on
se rend à ce festival, le ravissant manoir, les somptueux
jardins plongés au cœur de la campagne anglaise et de ses
adorables moutons provoquent à chaque nouvelle visite le
ravissement de l’âme…L’accueil
réservé aux spectateurs est à l’égal
du décor : un enchantement.
Cela me mit un peu de baume sur le cœur car au cours de la
traversée Londres – Lewes, j’apprenais avec
effarement de la bouche d’une des jeunes choristes de la
production que la Chauve-Souris, MA Chauve-Souris,
joyau de l’opéra viennois, allait être
chantée….en anglais. Cette décision aurait
été prise à la dernière minute, pour faire
plaisir au public très majoritairement anglais. En effet, par
rapport à la version proposée à
l’Opéra de Paris, les dialogues parlés sont
considérablement rallongés. De facto,
afin de captiver l’attention de ce public, la traduction dans
leur langue maternelle de la pièce semblait justifiée. Si
j’adhère à cette position pour les dialogues, je la
rejette en ce qui concerne les airs, duos et autres ensembles.
Germanophone et germanophile, le livret de la Chauve-Souris en allemand
m’est tout aussi familier que celui de Carmen
en français ; la musicalité de la langue allemande
s’intègre et est essentielle à la musique de la Chauve-Souris.
Et en anglais les textes perdaient de leur saveur, de leur mordant, de
leur rythme. Bref c’était du champagne
éventé qu’on nous servait.
Et pourtant, en allemand, ce Brut de Johann Strauss aurait pu, aurait
dû être un millésime classé, tant les
prestations vocales et orchestrales étaient un
régal !
A la tête du Philharmonique de Londres, Vladimir Jurowski,
génial comme à son habitude, allait nous offrir une
version encore plus déjantée de l’œuvre que
lors de sa prestation parisienne de 2003. Dès les premiers
accords, le Maestro impose une couleur quasi-viennoise à cet
orchestre, et adopte des tempi très rapides, bien plus
qu’à Bastille, qui ne sont pas sans rappeler ceux
d’un certain Carlos Kleiber. A son instar, M. Jurowski
s’amuse tout au long de la partition en osant des
accélérations, des ralentis, des contrastes de nuances,
de couleur, en prenant soin de faire ressortir tous les thèmes.
© Mike Hoban
Tout au long de l’Opéra, cette poésie orchestrale
ressort et surtout, Jurowski porte une attention exceptionnelle aux
chanteurs qu’il semble traiter comme des instruments solistes
lors des grands airs, ou comme de nouveaux instruments dans les
ensembles, leur partition s’intégrant à la matrice
orchestrale…Arrive l’acte II, l’acte du bal et ses
ballets, écourtés par rapport à la mise en
scène de Colline Serreau, et différents (musicalement, ce
n’étaient pas les mêmes morceaux ; et
scéniquement des danseuses en tutu esquissant des pas classiques
remplaçaient les compositions hip-hop des smurfers). Je ne
saurais dire quelle est la version la plus légitime -
musicalement. Personnellement je trouvais les danses de Bastille plus
entraînantes.
Pamela Armstrong est criante de vérité en Rosalinde,
bourgeoise délaissée par son mari et qui se console dans
les bras de son ténor. Le timbre est très
agréablement coloré et rond, le contre ré du
czardas atteint sans aucune difficulté. Quant à
l’actrice, elle est tout simplement hilarante, en particulier en
comtesse hongroise, dont elle campe parfaitement l’accent !
Stacey Tappan incarne une Adèle parfaite vocalement : son
timbre clair de soprano léger est très agréable,
et surtout les vocalises sont parfaitement maîtrisées et
justes. Toutes les notes sont là, à la bonne hauteur.
Scéniquement, on aurait souhaité la voir un peu plus
coquine, mais ce n’était que la deuxième
représentation de cette Chauve-Souris, et une prise de
rôle pour la jeune Stacey dans cette mise en scène.
Probablement que d’ici la fin des représentations ce
très léger défaut n’apparaîtra plus.
Eisenstein est également l’un des grands rôles de
Thomas Allen, qui joue à la perfection ce bourgeois ridicule,
lassé de sa vie quotidienne. Son timbre est toujours aussi
velouté, et à l’instar de Pamela Armstrong, son jeu
absolument génial .A cet égard, ses deux duos avec
Rosalinde (le célébrissime « O je wie
rückt » - qui désolée de me
répéter n’a plus du tout la même saveur en
anglais – ainsi que le duo de la montre), sont certainement les
points culminants de cette production.
Notons également les prestations des très bons Falke,
Alfred et Frank, qui en Chevalier Chagrin nous offre un duo de choc en
français avec son acolyte le Marquis Renard, surtout pour le
spectateur francophone qui entend des « parce
que » répondre à des « manger,
oui, » et « quand même »
à un « pourquoi » !
© Mike Hoban
La
mise en scène de Stéphane Lawless est totalement
différente de celle de Colline Serreau, et heureusement nous
épargne l’allusion détestable, anachronique et
insultante au nazisme et aux camps de concentration, même si tout
le reste de la production de Bastille était belle,
enjouée voire délirante.
Ici rien de polémique. L’acte I se déroule dans un
salon bourgeois, qui pourrait être situé n’importe
où, de telle sorte que quiconque peut s’identifier
à ce couple se chamaillant systématiquement. Cependant
les personnages demeurent un peu trop statiques.
Le grand escalier de ce salon sert de trait d’union à
l’acte II, l’acte du Bal chez le Prince Orlofsky, demeurant
dans une luxueuse demeure qui ne sait lui faire oublier son spleen. Il
y a beaucoup moins de figurants qu’à Bastille (la
scène de Glyndebourne étant de toute façon
beaucoup plus petite) puisque seuls les chœurs et les 5 ou 6
danseuses remplissent l’espace...et le système de plateau
tournant permet de respecter les apartés en présentant
plusieurs pièces de la maison du prince. Enfin le grand escalier
sert encore de liaison avec l’acte3 puisqu’il devient
l’entrée de la prison…où la farce sera
révélée à Eisenstein.
Une très bonne soirée musicale et visuelle donc, qui
aurait pu être parfaite si la langue originale du livret avait
été respectée, car la musique de la langue
allemande dans la Chauve-Souris est quand même fondamentale.
Audrey BOUCTOT
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