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METZ
21/02/2004
LE MIKADO
Opérette en deux actes de Arthur
Sullivan
Texte de W.S. Gilbert
Traduction française de Toni
Mayer
Production de l'Opéra de Tours
Direction musicale : Dominique Trottein
Mise en scène : Jacques Duparc
Décors et costumes : Jean-Jack
Martin
Chorégraphie : Patrick Salliot
Eclairages : Patrice Willaume
Chef de chant : Nathalie Marmeuse
Yum-Yum : Caroline Mutel
Piiti-Sing : Jeanne-Marie Lévy
Peep-Poh : Sophie Haudebourg
Katisha : Martine Cadol
Le Mikado : Jean-François Vinciguerra
Nanki-Poo : Pierre-Yves Duchêne
Ko-Ko : Jacques Duparc
Pooh-Bah : Lionel Peintre
Pish-Tush : Philippe Hermelier
Choeurs et Ballet de l'Opéra
de Metz
Orchestre National de Lorraine
Opéra-Théâtre de
Metz, le 21 février 2004
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Gilbert & Sullivan, duo d'anthologie,
comme Bouvard et Pécuchet, Gault & Millau, Roux et Combaluzier...
mais encore ? On ne saura pas trop, pauvres francophones que nous sommes,
si Gilbert est aussi burlesque que son adaptateur Toni Mayer. Mais pour
ce qui est de la musique de Sullivan, quel plaisir ! Les mélodies
coulent de source, l'écriture est astucieuse et chatoyante : l'air
de Tit Willow est connu, mais quelle merveille aussi de finesse et de polyphonie
que ce quatuor vocal du début du deuxième acte, un "consort
song" à l'ancienne qui signerait, n'était la langue, l'origine
de l'ouvrage. L'histoire est autant invraisemblable que finement truffée
de doubles ou triples sens accessibles à tous : usage de l'opérette
pas toujours manié avec autant d'astuce... Si un Japonais errait
dans la salle, on espère qu'il cultive le recul et le détachement
comme les bonsaïs !
Le critique mal embouché étant
l'un des victimes promises ce soir-là au bourreau, comme le spectateur
en retard ou le politique m'as-tu-vu, cela tombe bien qu'on ait beaucoup
ri. Sinon, qui sait si l'on n'aurait pas goûté du cimeterre
effilé de Ko-Ko, destiné, il est vrai, à un crime
encore plus sordide que celui de spectateur non coopératif : le
trafic illicite de flirt. Ko-Ko, alias Jacques Duparc, est le héros
de la soirée, il endosse avec le même bonheur le costume du
bourreau impérial, magnifique de présence scénique,
d'intelligence pétillante et de beau chant (la ballade de Tit Willow,
tenue de ligne splendide), et celui de metteur en scène : rythme
soutenu, enchaînements fluides, idées ingénieuses et
drôles (la théière-carrosse, les girophares occipitaux
de la police du Mikado, le tricycle de Nanki-Poo...), instinct sûr
dans le maniement du choeur. Il est bien aidé par une troupe de
chanteurs-comédiens survoltés, qui s'amusent eux aussi beaucoup
à l'évidence : aucun faux pas dans la distribution, d'un
Nanki-Poo de plus en plus princier à une Yum-Yum fine mouche et
impertinente, d'une Katisha sans aucun complexe à un Mikado se lançant
dans un ahurissant numéro de mime pour allonger la sauce d'un air
un peu court. Tous les rôles seraient à citer, Pitti-Sing
et Peep-Poh (faux air d'Amélie Poulain pour Sophie Haudebourg) sémillantes,
Pish-Tush fin prêt pour un film de Bruce Lee... On s'amuse autant
sur scène que dans le public, plus s'approche la fin des réjouissances
plus on déjante même, mais en professionnels absolus, avec
une maîtrise permanente du chant, et le talent suprême de savoir
toujours s'arrêter à temps avant de franchir les limites.
Dialogues au scalpel, intelligence aussi de conserver l'anglais et sa phonétique
pour la majeure partie des airs. Les costumes et la mise en scène
aussi adoptent la drôlerie, en tableaux dynamiques jouant subtilement
sur les teintes de l'empire du Soleil Levant, rouge et blanc, adoucis de
bleu. Les choeurs de Metz s'amusent aussi et ont de l'aisance. Baguette
énergique et attentive de Dominique Trottein.
Une réussite totale, que d'autres
scènes de l'opérette pourraient méditer : d'abord,
on peut être drôle sans être, systématiquement,
grassement vulgaire ou manier l'allusion contemporaine avec la délicatesse
d'un pachyderme. Ensuite, on peut trouver des interprètes qui soient
tout autant bons chanteurs que bons acteurs, ça existe. Encore faut-il
pour cela se donner la peine d'avoir de l'imagination, et vouloir respecter
la musique que l'on sert...
Sophie ROUGHOL
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