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PARIS
15/12/2007
Stephen Gould
© DR
Richard Wagner (1813-1883)
Tannhäuser
Grand Opéra Romantique en 3 actes (1845, revu en 1861)
Livret du compositeur
Mise en scène : Robert Carsen
Décors : Paul Steinberg
Costumes : Constance Hoffmann
Lumières : Peter van Praet
Chorégraphie : Philippe Giraudeau
Avec :
Stephen Gould : Tannhäuser
Eva-Maria Westbroek : Elisabeth
Matthias Goerne : Wolfram
Béatrice Uria-Monzon : Venus
Franz Josef Selig : Herrmann
Michael König : Walther der Vogelweide
Ralf Lukas : Biterolf
Andreas Conrad : Heinrich der Schreiber
Wojtek Smilek : Reinmar von Zweter
Choeurs et Orchestre de l’Opéra National de Paris (chef des choeurs : Peter Burian)
Maîtrise des Hauts-de-Seine/Chœurs d’enfants de l’Opéra National de Paris
Direction musicale : Seiji Ozawa
Paris, Opéra Bastille, le 15 décembre 2007
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Enfin une vraie mise en scène !
Ce devait être une représentation de plus de Tannhäuser à l’Opéra Bastille. Et ce fut la première parisienne du spectacle de Robert Carsen,
tout juste rescapé de la grève des techniciens. Si
certaines des productions récemment jouées sur les
planches de Garnier et Bastille pouvaient nous faire regretter de
bonnes versions de concert, en voilà une qui valait le coup
d’être vue !
Transformé en peintre, le rôle éponyme, très
complexe comme chacun sait, est défini scéniquement avec
une limpidité qui laisse rêveur : quand Venus, nue et
sublime, lui tend les bras, quand Elisabeth lui déclare sa
flamme, quand il revient de pèlerinage à Rome où
le pape l’a maudit,… il peint, fait des croquis, retouche,
crée. Son art l’habite entièrement, et le
détache du monde. Jamais Tannhäuser n’a semblé
si peu cruel et égoïste, et jamais il n’a
été si intrinsèquement artiste. Jamais Elisabeth,
seule à comprendre le talent de son amoureux, au deuxième
acte, n’a été si profonde. Jamais Herrmann et le
chœur, qui se livrent à une véritable torture
morale avant de crier hypocritement au génie, n’ont
été si haïssables, et pourtant jamais ils
n’ont été si crédibles. De même que
nous n’avons jamais vu de Wolfram si extatique, jamais une mise
en scène de Tannhäuser
n’a été si éloquente, et si édifiante
quant aux relations entre les personnages. Qu’aux saluts, le
metteur en scène soit accueilli par une pluie de huées
est alors très préoccupant : les spectateurs de
l’Opéra auraient-ils pris de mauvaises habitudes ?
Côté musique en revanche, le triomphe est heureusement
unanime, à commencer par la fosse. Il faut dire que la direction
de Seiji Ozawa, fluide et
aérienne, d’une incroyable souplesse et
libérée de toute tradition interprétative, est
à elle seule un évènement – des cors (le
final du I !) et des cordes (« Dich teure
Halle » !) plus accomplies, et notre bonheur aurait
été parfait ! Très sollicités dans
« Tannhäuser », les chœurs livrent une
performance sans doute un peu monolithique, mais néanmoins
très impressionnante.
Et surtout, quelle distribution ! Quel Tannhäuser ! Stephen Gould
en est sans doute le meilleur titulaire, avec ce volume ahurissant qui
n’empêche pas les nuances, et dont l’endurance
exceptionnelle (le récit de Rome !), n’est jamais
séparée d’une réelle poésie. Quelle
Elisabeth ! Puissance, homogénéité,
émotion,… Eva-Maria Westbroek a toutes les qualités des plus immenses wagnériennes. Quel Wolfram ! Matthias Goerne y apporte toutes ses qualités de Liedersänger, alliant souplesse de la voix et intelligence du texte dans une romance d’anthologie !
Autour de ce trio exceptionnel gravitent d’autres incarnations mémorables, à commencer par la Venus de Béatrice Uria-Monzon.
Pour son premier grand rôle wagnérien, la mezzo
française montre un timbre charnu et sensuel qui va comme un
gant au personnage. Les graves détimbrés ne sont alors
que détails : on attend désormais Uria-Monzon dans
Fricka, Kundry ou Ortrud ! Franz Josef Selig apporte sa noblesse et sa profondeur bien connues au Landgrave, et autour de lui, tous sont impeccables : Ralf Lukas, Michael König, Wojtek Smilek, Andreas Conrad,… quelle équipe ! Quelle soirée !
On remercie alors Nicolas Joel d’avoir déjà programmé la reprise, qui posera un dilemme cornélien… de Westbroek ou de Stemme, qui sera la plus belle ?
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