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PARIS
10/03/2008
© Eric Mahoudeau
Ferdinand Hérold (1791 -1833)
ZAMPA
ou La fiancée de marbre
Opéra comique en trois actes
Livret de Mélesville
Création à l’Opéra Comique, salle Ventadour, 3 mai 1831
Mise en scène : Macha Makeïeff et Jérôme Deschamps
Décors et costumes : Macha Makeïeff
Lumières : Dominique Bruguière
Chef de chant : Nathalie Steinberg
Camille : Patricia Petibon
Ritta : Doris Lamprecht
Alphonse : Bernard Richter
Dandolo : Vincent Ordonneau
Zampa : Richard Troxell
Daniel : Léonard Pezzino
Les Arts Florissants
William Christie, direction
Paris, Opéra Comique
10 mars 2008
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Retour de flamme à l’Opéra Comique ?
À certains points de vue, la situation n’a guère
évolué depuis l’époque romantique. Pour
s’imposer, l’Opéra Comique doit séduire son
public avec du divertissement et des sensations fortes. Mais ce qui a
si bien réussi au lendemain de la monarchie de juillet peut-il
enflammer et fidéliser les spectateurs
d’aujourd’hui ?
Pour sa deuxième mise en scène de la saison, voulant
imprimer sa marque tout en respectant « l’esprit des
lieux », l’équipe Makeïeff et Deschamps a
misé sur Zampa.
Précédant de peu le célèbre Pré aux
Clercs qui fit regretter la mort prématurée de son
compositeur, cet opéra à la française, avec
dialogues parlés, a connu une longue période de gloire.
Reçu triomphalement dès sa création, traduit dans
de nombreuses langues et joué dans toutes les grandes capitales
du monde, Zampa s’est maintenu au répertoire de
l’Opéra Comique pendant plus de huit décennies.
Cette œuvre de Ferdinand Hérold qu’on a qualifiée de parodie de Don Giovanni
ne manque pas d’armes de séduction : une ouverture
fracassante, un livret— touchant mais pas trop pleurnichard
— plein de rebondissements, une musique imprégnée
de Gluck, de Spontini et de Méhul avec des élans
rossiniens. Quoi de plus efficace pour conquérir ceux qui
s’ennuient au Grand Opéra ?
Chambres des merveilles, gothicité, goût du funèbre
et du surnaturel pictural de Gustave Moreau… Dans le programme
très documenté, Macha Makeïff nous dévoile
ses sources d’inspiration pour représenter « ce
moment singulier où des artistes du XIXe siècle
rêvent le Moyen Âge ». Selon Jérôme
Deschamps, le terrible corsaire Zampa est « Satan
personnifié […] la preuve vivante que l’univers,
pétri de forces occultes, n’a que faire de notre
rationalité». Et de nous faire remarquer que
« nos peurs contemporaines s’incarnent dans les
personnages ennemis de la société ou les
phénomènes climatiques. » On le voit,
s’ils veulent divertir et impressionner leur public,
Makéieff et Deschamps songent également à lui
communiquer un message.
Que penser de cette résurrection ? Tout dépend de la
curiosité et du degré de réceptivité que
l’on ressent vis-à-vis d’une œuvre faible et
difficile à défendre tant elle a vieilli. Par la
volonté des metteurs en scène, les toiles peintes, la
« dea ex machina » statufiée, les costumes
de livre d’images nous transportent dans l’univers de la
poésie naïve des troubadours et des histoires de brigands
à la mode de l’époque. Hélas, malgré
de belles lumières et quelques efforts de gestuelle susceptibles
d’en faire surgir la magie, ils ne sont pas parvenus à en
chasser entièrement le ridicule. On entend pouffer de rire
çà et là aux moments dramatiques. Le vrai feu dans
la cheminée semble bien désuet et les flammes d’un
Etna en carton-pâte laisse incrédule. Ce Zampa ou La fiancée de marbre a
donc tout ce qu’il faut pour susciter, entre les spectateurs
d’aujourd’hui, des dialogues de sourds semblables à
celui qu’a imaginé Pierre Michot. (1)
Profitablement, William Christie et ses Arts Florissants
cautionnent et galvanisent cette partition flamboyante. Ils y mettent
beaucoup d’énergie nonobstant le manque de
charnières et de liant entre les divers mouvements.
Malgré leurs efforts, plus ou moins récompensés,
la musique d’Hérold impressionne parfois, mais le plus
souvent égare tant elle est hétéroclite.
C’était déjà l’opinion de Berlioz,
à juste titre jaloux du succès de ce rival qui ne le
valait pas. Selon ce qu’il écrivait dans Le journal des
débats, Hérold composait
« d’après des procédés
inventés ailleurs, légèrement
modifiés ».
© Eric Mahoudeau
Dans Zampa, les chanteurs n’ont certes pas la tâche facile. À commencer par le ténor américain Richard Troxell dont on se souvient pour son excellent Pinkerton dans le film Madama Butterfly
de Frédéric Mitterrand. Ici, à contre-emploi dans
le rôle-titre, le chanteur peine à incarner vocalement ce
personnage héroïque, surtout dans les notes extrêmes.
Son fort accent s’avère particulièrement
gênant dans les scènes parlées. Le soir de la
première Richard Troxell avait visiblement le trac ; il
s’est fait discrètement huer. Espérons qu’il
se sera amélioré au fil des représentations.
Le second ténor Bernard Richter (Alphonse)
a d’emblée conquis tous les cœurs par sa voix bien
projetée, son timbre lumineux, son engagement et son physique de
jeune premier. Le duo avec Camille est une réussite.
La soprano Patricia Petibon
(Camille) confirme les effets bénéfiques de sa
maternité. Comme à Genève dans la Ginevra d’Ariodante,
on constate que la voix a mûri et gagné en puissance.
Quoique devenu un peu strident, l’aigu reste satisfaisant. Les
agaçantes mimiques de gamine ont totalement disparu. Ce
n’est plus la même chanteuse…
Le couple de valets bouffe formé par Doris Lamprecht (Ritta) et Léonard Pezzino
(Daniel) est efficace, sur le plan du chant comme de la comédie.
Leur amusante scène de l’acte II est un autre bon moment
de la soirée. Quant à Vincent Ordonneau
(Dandolo), il capte l’attention avec naturel à chacune de
ses apparitions. Ceci donne à penser que des musiciens et des
chanteurs rompus au bel canto
rossinien auraient sans doute mieux servi cette œuvre qui ne
manque, malgré ses insuffisances, ni de puissance dramatique ni
d’un certain charme, notamment grâce à la ballade du
premier acte et aux deux barcarolles pour ténor.
Beaucoup disent qu’il aurait sans doute mieux valu laisser ce
Zampa dormir en paix. Au public de l’Opéra Comique
d’en décider.
Brigitte CORMIER
(1) Voir Opéra et Mise en scène – Avant Scène Opéra N° 241, Mélomane et Drammophile, par Pierre Michot p. 26
Représentations :
les 10, 12, 14, 17, 19 et 21 mars 2008
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