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Roberto ALAGNA

Nessun Dorma 

Giacomo Puccini (1858-1924) :
Turandot
1. "Nessun dorma"
Umberto Giordano (1867-1948) :
Andrea Chénier
2. "Un dì all'azzuro spazio"
3. "Come un bel dì di maggio"
Alfredo Catalani (1854-1893) :
La Wally
4. "Quando a Sölden"
Riccardo Zandonai (1883-1944) :
Giulietta e Romeo
5. "Giulietta son io"
Ruggero Leoncavallo (1858-1919) :
La Bohème
6. "Non parlate così"
7. "Musetta ! O gioia della mia dimora !"
Amilcare Ponchielli (1834-1886) :
La Gioconda
8. "Cielo e mar !"
Pietro Mascagni (1863-1945) :
Cavalleria rusticana
9. "Viva il vino spumeggiante" (Brindisi)
10. "Mamma, quel vino è generoso"
Francesco Cilea (1866-1950) :
Adriana Lecouvreur
11/ "La dolcissima effigie"
12/ "L'anima ho stanca"
Ruggero Leoncavallo :
I Zingari
13/ "Dammi un amore selvaggio e ribelle"
Chatterton
14/ "Che più mi resta"
Zazà
15/ "È un riso gentil"
16/ "Mai più, Zazà, raggiar vedrò"
Umberto Giordano :
La Cena delle beffe
17/ "Tornato è maggio"
Fedora
18/ "Amor ti vieta"
Ermanno Wolf-Ferrari (1876-1948) : 
Sly
19/ "Un orso in musoliera innamorato"
Giacomo Puccini :
Turandot
20/ "Nessun Dorma"

Orchestra of the Royal Opera House, Covent Garden
Direction: Mark ELDER

Un CD EMI classics 24355 76002



Roberto Alagna aborde avec ce nouveau récital tout un pan de l'opéra italien, quelque peu négligé depuis deux décennies, qui s'étend de 1876 (La Gioconda) à 1927 (Sly). Ce répertoire constituait pourtant le "fond de commerce" de la plupart des ténors du siècle passé. Les compositeurs issus du courant "vériste" y ont la part belle (Mascagni, Leoncavallo, Giordano...), et côtoient deux de leurs illustres précurseurs, Ponchielli et Catalani, ainsi que des musiciens en marge de cette école, tels Zandonai ou Wolf-Ferrari.

Puccini n'est présent qu'avec l'extrait de Turandot qui donne son titre à l'album où il figure par deux fois. Il ne s'agit pourtant pas de deux partitions différentes de la main du maestro : le récital s'ouvre avec une version dite "de concert" de cet air que l'on retrouve en fin de programme précédé des interventions chorales du début du troisième acte. Soit. Mais pourquoi donc y a-t-on accolé les dernières mesures de l'ouvrage dans le final d'Alfano ? Est-ce pour conclure le CD en apothéose ? En fait, on ne saisit pas très bien la pertinence de ce doublon d'autant que cette page ne montre pas le ténor sous son meilleur jour : Calaf n'est pas son emploi. Ce prince téméraire et déterminé réclame davantage de bravoure et d'aisance, or les aigus ne sont pas exempts de tension, en particulier le si bécarre conclusif.

Cette petite réserve ne saurait obérer les qualités de cet album, qui sont immenses. Soulignons d'abord la pertinence du programme qui alterne judicieusement les "tubes" et quelques raretés fort bienvenues qui seront pour beaucoup autant de découvertes passionnantes. Certes, Alagna prendrait de sérieux risques s'il abordait à la scène l'intégrale de certains des opéras présents ici, cependant les extraits qu'il nous en propose sont en tous points remarquables. En grande forme vocale, il confère à ces pages une présence indiscutable, et l'irrésistible séduction d'un timbre foncièrement lyrique, alliée à une élégance du phrasé et de la ligne de chant qui font merveille. Point ici de sanglots intempestifs, de ports de voix envahissants ni d'aigus complaisamment appuyés. Ainsi, son "Cielo e mar", admirablement nuancé, ne souffre pas de la comparaison avec les grandes versions du passé et son Chénier, juvénile et passionné, est pleinement convaincant, malgré un ou deux aigus au-dessus de la note (une "coquetterie" récurrente chez le ténor). On admirera la grande noblesse de son Maurizio (Adriana Lecouvreur) à l'émotion contenue ("L'anima ho stanca"), à l'instar de son Loris (Fedora). Tous ces personnages portent en eux une fragilité -une fêlure, même- qui sied idéalement au tempérament d'Alagna. Ces pages, souvent galvaudées, trouvent ici une interprétation moderne et raffinée qui en renouvelle indiscutablement l'intérêt.

L'autre intérêt de ce disque réside dans de nombreux extraits moins connus, mais non moins séduisants. Leoncavallo est ici à l'honneur avec deux très belles pages de La Bohème dans lesquelles Alagna campe un Marcello tour à tour enthousiaste et nostalgique (dans cet opéra, c'est Rodolfo qui est baryton), auxquelles font écho les deux airs de Zazà qui nous présentent le héros dans des situations analogues : d'abord fasciné par la jeune femme qu'il convoite, puis désespéré de l'avoir perdue. Autant d'incarnations qui ne laissent de captiver. Et quelle virilité conquérante dans les transports amoureux de Radu (I Zingari) ! Il convient de citer également les lamentations de Chatterton chantées avec une émotion poignante tout comme la plainte du Roméo de Zandonai où le ténor se montre tout aussi à son affaire que dans celui de Gounod, l'un de ses chevaux de bataille. L'extrait de Sly, enfin, lui permet d'exploiter son sens du théâtre dans une interprétation d'un humour irrésistible.

La réussite de cet enregistrement doit aussi beaucoup à Mark Elder, qui, à la tête de l'Orchestre du Covent Garden, accompagne ces pages aux affects contrastés avec subtilité et un goût très sûr. 

Nous tenons là, avec le récent enregistrement consacré à Berlioz et celui, plus ancien, dévolu à Verdi sous l'éminente baguette d'Abbado, l'un des récitals de Roberto Alagna les plus aboutis et par conséquent, l'un des plus indispensables.
 
 

Christian PETER

 
 



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