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Max Emanuel Cencic, contre-ténor
Rossini : opera arias & overtures
Ensemble vocal Le Motet de Genève
Orchestre de Chambre de Genève
Michael Hofstetter
Gioacchino Rossini (1792 – 1868)
Tancredi
Atto I : Oh Patria! Dolce E Ingrata Patria
Aureliano in Palmira
Atto II : Dolci Silverstri... Perche Mai Le Luci Apprimo
Overture
Tancredi
Overture
La donna del lago
Atto I: Mura Felici
Atto II: Ah Si Pera
Semiramide
Overture
Atto I : Eccomi Alfine In Babilonia... Ah, Quel Giorno
Atto II : In Si Barbara Sciagura
Enregistré au studio Ansermet à Genève
du 27 septembre au 1er octobre 2006
Virgin Classics 0094638578826
Durée : 73’14
Il est libre Max !
Atypique ; après avoir chanté l’air de la
Reine de la Nuit à l’occasion de sa première
apparition publique – il avait 6 ans – et commencé
sa carrière soliste comme soprano – c’était
en 1992 – Max-Emmanuel Cencic
rallie en 2001 le bataillon des contre-ténors mais n’en
continue pas moins de jouer les électrons libres de
l’atome lyrique, ne serait-ce que par les tenues excentriques
qu’il arbore sur les pochettes de ses disques : chapeau,
taffetas, brocarts et même justaucorps blanc brodé de
perles.
On aurait pu le croire assagi en voyant son crâne simplement
rasé sur la couverture de son dernier album ; le programme
en démontre le contraire : les airs héroïques
de Rossini pour contralto, ceux-là même auxquels se
mesurent avec prudence les divas les mieux aguerries. On y trouve
l’alpha et l’oméga de l’opera seria
selon Rossini, c’est-à-dire les flamboyants Tancredi et
Arsace de Semiramide, rejoints par deux figures moins connues mais
également remarquables : Malcom de La donna del Lago, le premier des héros romantiques, et Arsace d’Aureliano in Palmira,
le seul rôle écrit par Rossini pour une voix de castrat,
Giovanni Battista Velluti, dont la méforme entraîna la
demi-chute de l’œuvre. Elle n’est tout de
même pas perdue pour la postérité ; Le Barbier de Séville en a récupéré l’ouverture entre autres bribes.
L’extravagance a cependant des limites. Parmi ces mâles
soldats que Rossini en hommage aux castrats disparus dota d’une
voix androgyne, on relève quelques glorieux absents, Calbo de Maometto II, le plus périlleux d’entre eux d’après Max-Emmanuel Cencic, Ottone d’Adelaide Di Borgogna
- Martine Dupuy en 1984 à Martina Franca y atteignait ses
limites avec génie – ou encore le général
Falliero (Bianca e Falliero)
dont les deux airs spectaculaires ont été captés
sur le vif à Pesaro en 1986. Marylin Horne s’y montrait
impériale.
Qui d’ailleurs à part Marylin Horne hier et Ewa Podles
aujourd’hui est capable de rendre vraiment justice à un
répertoire taillé sur mesure pour des gosiers de
l’âge d’or ? Une alternative se
présente inattendue à l’écoute de cet
enregistrement : Max-Emmanuel Cencic.
Car, n’en déplaise aux sceptiques – catégorie
à laquelle on avoue honteusement avoir appartenu avant de
laisser notre platine avaler cette petite galette argentée
– le chanteur croate réalise des prodiges qu’on
croyait seuls réservés à ces matrones divines dont
le velours, la largeur et la souplesse émerveillent.
Et pourtant, il y a chez le contre-ténor de manière
surprenante la moire, l’étendue, la robustesse. Il y a ce
tissu noble qui reflète en chatoyant les états
d’âme des héros qu’il habille :
l’ivresse de Tancrède, le tourment amoureux de Malcom,
l’ardeur vengeresse d’Arsace. Il y a la technique,
assurée, qui déjoue les pièges incroyables
d’une écriture dont la virtuosité culmine dans des
cabalettes ébouriffantes, celle de Malcom ou d’Arsace. Il
y a le vocabulaire du chant rossinien, si spécifique et si
exigeant mais compris et maîtrisé : coloratures,
ornements, roulades, messa di voce…
Il y a enfin un art de l’interprétation qui se manifeste
dans le soin porté au récitatif et dans le
frémissement du chant, le tout sans affectation et - aussi
incroyable que cela puisse paraître chez une voix
fabriquée comme peut l’être celle d’un contre
ténor - avec naturel.
Il y a certes moins de couleurs, d’ébriété
vocale et, paradoxalement, moins de virilité que chez nos
cantatrices casquées mais il y a en contrepartie une certaine
nostalgie qui sourd derrière les notes, comme un aveu de
faiblesse qui nous rend ces héros plus humains. On
écoutera à titre d’exemple les larmes qui
s’écoulent de « al pianto mio forse il
padre » dans l’air du II de Semiramide : elles n’ont jamais paru aussi douloureuses.
Surpris et séduit par tant de science et de beautés, on
serait bien en mal de dire lequel de ces portraits s’avère
le plus accompli. On en oublierait presque les vulgarités et les
dérapages d’un orchestre prosaïque qui confond trop
souvent crescendo avec charge
de cavalerie. Les trois ouvertures, ajoutées mal à propos
afin de compléter le programme, nous rappellent hélas
à la réalité.
Christophe RIZOUD
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