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Maria Callas (à son domicile milanais 1955) © DR
Malgré la coupe du monde de rugby et la disparition de Luciano Pavarotti,
les commémorations du 30ème anniversaire de la mort de
Maria Callas (1923-1977) auront bien eu lieu. Cela fait donc trente ans
que la plus célèbre cantatrice du XXe siècle s'est
éteinte, un 16 septembre, prenant de court le monde musical,
celui-là même qui l'avait adorée ou
détestée et s'était finalement
éloigné d'elle tandis qu'elle vivait solitaire, dans son
appartement parisien de l'avenue Georges Mandel. Difficile de voir
clair au milieu de cette avalanche de publications qui prouve
l'extraordinaire permanence du mythe et de se repérer parmi
cette quantité de livres, de disques, de documentaires et
d'expositions censés honorer la mémoire d'une diva et
d'une femme uniques, en instruisant les uns et en initiant les autres.
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Le culte voué à Maria Callas
a curieusement pris son envol après sa disparition.
Portée aux nues de son vivant, aimée et
décriée, connue dans le monde entier autant pour
l'exceptionnelle qualité de son art vocal et dramatique, que
pour sa vie privée étalée au grand jour, elle
termina son existence dans une relative solitude. Le public la sachant
retirée semblait avoir oublié cette artiste de
légende dont le fabuleux destin avait fini par se confondre avec
celui d'un livret d'opéra. Seules les gravures de Tosca et de Carmen maintenues au catalogue EMI
assuraient la pérennité de son nom. C'est alors qu'un
spectaculaire revirement eut lieu quelques temps après son
décès, alors que la flamme du souvenir restait entretenue
par quelques inconditionnels, la dévotion partagée par de
rares initiés se mua en une vaste célébration qui
depuis n'a cessé de s'étendre.
La Callas réservée à une élite, la Callas symbole de l'art lyrique, icône du bel canto,
tragédienne hors norme, irremplaçable, commença
dans les années quatre vingt à trouver un nouveau public,
souvent étranger à l'univers codifié de
l'opéra. Vivante, sa prestigieuse aura et son héritage
avaient pu paralyser, morte, son legs pouvait enfin s'offrir, se
laisser admirer, étudier en toute liberté, parfois
jusqu'à l'excès. Nous savons aujourd'hui combien l'image
sonore de Maria Callas a été importante dans la
prodigieuse ascension de sa légende. Sans revenir sur sa
carrière débutée en Grèce au tournant des
années quarante et terminée en 1974 à l'issue
d'une tournée de récitals avec le ténor Giuseppe
di Stefano, il est incontestable que celle-ci a
bénéficié du formidable essor de l'industrie
discographique. Initialement sous contrat avec la firme Cetra,
l'histoire de Callas reste intimement liée à la "Voix de
son maître" de 1953 à 1969. Parallèlement à
ses apparitions scéniques de plus en plus remarquées
dès le début des années cinquante, la diva
réalise très tôt les avantages du disque, traces
intangibles qui accréditent son immense éclectisme et
grave avec un même appétit (23 intégrales)
le répertoire traditionnel de ses consoeurs (Verdi, Puccini) et
quelques ouvrages oubliés de Rossini, Bellini et Donizetti.
Utilisé comme témoin de son art et de ses
capacités, le support discographique distribué partout,
assure sa promotion et son accessibilité.
C'est ainsi que EMI, qui s'enorgueillit d'avoir vendu en cinquante ans
plus de vingt millions de disques, a mis en place de nombreuses
rééditions d'abord en 33T, puis avec l'avènement
des nouvelles technologies, du compact-disc. En 1982, paraissait l'intégrale des récitals (1954-1969) accompagnée d'un premier inédit ("Mon coeur s'ouvre à ta voix" de Samson et Dalila / 1961), suivie de nombreuses compilations assorties de quelques raretés (le duo du Nil d'Aida
en 1964 avec Franco Corelli notamment), qui contribuèrent
à témoigner de l'art de la cantatrice et à la
populariser. Parallèlement, de précieuses captations en
public ont augmenté l'intérêt envers cette
interprète célèbre pour avoir
révolutionné l'opéra en en modifiant les codes et
la conception : la Lucia de Berlin en 1955, les représentations alternatives de Traviata à Mexico, Lisbonne, Londres ou Milan, les Medea de Florence, Milan, ou Dallas, mais également La Vestale, Anna Bolena, Poliuto, Alceste, Parsifal....
Voix immense, reconnaissable dès la première note,
capable de s'emparer des partitions les plus éloignées (Walkyrie et Puritani, Macbeth et Lucia, Nabucco et Sonnambula, Rigoletto et Gioconda),
musicienne génialement douée, artiste profondément
intègre, moderne, elle parvint au péril de sa
santé à ranimer un art moribond en le portant à
son plus haut degré de perfection. Le grand public ne s'y est
pas trompé, comprenant les combats menés par cette femme
qui brûlait les planches, ne trichait jamais, travaillait sans
relâche, cherchant uniquement à servir la musique et les
compositeurs.
Maria Callas (Norma à Paris 1964-1965) © DR
CALLAS ET LE DISQUE : LES DERNIERES PARUTIONS ?
L'hommage rendu cette année par EMI est à la hauteur de l'événement, avec la parution d'un colossal coffret de 70 CDs (pour moins de 99 €)
qui propose l'intégralité des enregistrements officiels
légués entre 1949 et 1969 (récitals et
opéras). Il succède à la publication en 1997 de
l'intégrale des récitals en 11 cds et intègre les
gravures non réalisées pour EMI, c'est-à-dire le
premier récital de 1949 dirigé par Arturo Basile, la Gioconda de 1952 et la Traviata de 1953 (Cetra), ainsi que la Medea de 1957 (Ricordi), acquises progressivement.
Nouveaux boîtiers, nouvelles photos, mais curieusement aucun
inédit, alors que quatre airs réservés aux seuls
fanatiques, dorment toujours dans des cartons : un "D'amor al dolce
impero" d'Armida de Rossini, de juillet 1960, un "Legger potessi in me" d'Anna Bolena de Donizetti daté de novembre 1961, un "Bel raggio" de Semiramide et un "Nacqui all'affanno" de La Cenerentola de Rossini d'avril 1962, sessions dirigées par Antonio Tonini qui n'avaient satisfait la diva.
Les amateurs de compilations - dont nous ne faisons pas partie - se dirigeront vers le double album "Callas Eternelle",
qui mélange une nouvelle fois sans vergogne extraits
d'intégrales d'opéras et de récitals, auquel a
été joint un DVD bonus sur lequel la vie de la cantatrice
est racontée, tandis que d'autres pourront se satisfaire du
coffret de 8 cds "Maria Callas Opera highlights", qui rassemble
à la hussarde de larges passages tirés de Norma (celle de 1960), Carmen, Lucia (la seconde en stéréo, datée de 1959), Bohème, Tosca (1953), Butterfly ou Aida, ainsi que de la Traviata
captée à Milan en mai 1955, production légendaire
dans laquelle la jeune Luisa Mandelli, qui a accepté de nous
confier ses souvenirs, interprétait le rôle d'Annina.
Même soumise à pareil traitement, cette voix aux mille
visages, aux nuances infinies, capable de passer de la suavité
à la fureur, d'exprimer d'un seul geste vocal le bonheur ou la
détresse, d'évoquer instantanément par une simple
inflexion, toute une gamme d'émotions et de sentiments
parfaitement identifiables, demeure frappée par le sceau du
génie de l'interprétation en plus de ceux de la
résolution technique et de la maîtrise musicale. Entendre
l'artiste déployer un timbre large et opulent dans La Gioconda
de Ponchielli (1959), l'héroïne vériste qui
lança sa carrière italienne en 1947, puis se plier avec
la grâce d'une ballerine aux cantilènes extatiques
inventées par Bellini dans La Sonnambula (l'une de ses plus
grandes créations à la scène comme au disque)
relève de la plus fascinante métamorphose.
UNE SELECTION DE QUELQUES ENREGISTREMENTS INCONTOURNABLES
Pour ceux qui aimeraient être guidés,
une discographie sélective en studio est envisageable :
immanquable, la Tosca de Puccini dirigée par Vittorio de Sabata (1953), pour l'intensité du drame, la Lucia di Lammermoor de Donizetti pour l'inoubliable leçon de bel canto et pour le timbre crépusculaire de la diva en cette année 1953, la Medea de Cherubini (1957) et la Norma de Bellini (1954) conduites par le maestro Serafin, pour la fusion totale entre une artiste et des personnages, le Barbier de Séville (1957) et/ou Le Turc en Italie (1954) de Rossini pour la vis comica et la légèreté de touche de La Divine et enfin cette Carmen
sans équivalent (1964), seul rôle en français,
tardif certes, mais d'une telle inventivité. Pour les
récitals, l'album Puccini
de 1954 comme le mythique Lyrique et colorature sont à emporter
sur l'île déserte (pour le style, l’esprit, la
performance alliée à la virtuosité), mais si vous
préférez Verdi, précipitez-vous sur les airs gravés en 1958
pour leur intensité et leur vérité
théâtrale, sans oublier de vous laissez bercer par le
premier album "Callas à Paris"
de 1961, où la cantatrice avec un engagement qui compense
quelques tensions, passe du répertoire de mezzo soprano à
celui de colorature (toujours ce besoin d’abolir les
frontières entre les tessitures). Etourdissant !
Maria Callas (Les derniers récitals 1973-1974) © DR
CALLAS RACONTEE : VARIATION EN CINQ VOLUMES
A cantatrice unique, traitement unique : rares sont
les artistes qui ont suscité autant d'ouvrages : biographies,
albums d'images, livres thématiques, jusqu'à une
pièce de théâtre, continuent d'inonder le
marché. On passera rapidement sur "La véritable Maria
Callas" de Bertrand Meyer-Stabley (Pygmalion) qui égrène
les anecdotes les plus éculées et se délecte d'une
Callas happée par la jet-set,
en ayant systématiquement recours à des propos
retravaillés et rapportés comme s'ils avaient
été prononcés par la diva, au détriment de
celle qui fit tant de sacrifices pour servir la musique. Depuis le "Onassis et la Callas" de Nicholas Gage (Robert Laffont) et "La Callas inconnue" de Nicolas Petsalis-Domidis
(Plon), méticuleuses biographies thématiques, il est
difficile de se contenter d’ouvrages lacunaires censés
couvrir en 200 pages l'ensemble d'une vie aussi complexe.
"Les images d'une vie" éditées par Yann-Brice Dherbier,
raviront les amateurs de clichés rares. Planches contacts
émouvantes (les séances d'enregistrement de la Lucia en
1959), portraits posés ou volés, à la ville ou
à la scène, en studio ou en villégiature (ah ce
gros plan d'Anna Bolena dans
les coulisses de la Scala de Milan, ou ce rarissime cliché pris
des gradins du Théâtre Hérode Atticus le 5
août 1957, lors du fameux concert qui marquait le retour de
l'enfant du pays), le tout très joliment mis en page, est
à se procurer d'urgence : on regrettera tout de même le
nombre important d'erreurs relevées dans les légendes
(trop de dates, de lieux et de noms erronés), qui auraient pu
être évitées...Michel Glotz n'est pas Franco
Zeffirelli (page 161) et Carmen
ne date pas de 1961, mais de juillet 1964 ; page 101, il ne s'agit pas
de Paris, mais de Carnegie Hall, soir du Pirate en concert le 27
janvier 1959 ; page 116 cette séance de photos ne peut dater de
1960 puisque Callas avait les cheveux courts depuis octobre 1959.
Le "Maria Callas"
signé par l'écrivain spécialiste de la jet-set et
journaliste mondain, Henry-Jean Servat chez Albin Michel, moins
richement illustré que celui des éditions YB, propose un
texte synthétique, construit de façon originale, en
flash-back. A partir de la fameuse Norma
chantée en août 1960 dans le cadre époustouflant du
Théâtre antique d’Epidaure, événement
musical qui marquait la consécration de la diva dans son pays
d’origine, Servat remonte le temps et revient sur les
moments-clé qui ont jalonné la vie de la cantatrice. Ni
révélation fracassante, ni réflexion
particulière, mais une narration concise sur une
personnalité d'exception.
Conteuse bien connue, Eve Ruggieri n'a pas su résister à la tentation de livrer sa vision de la divine ("La Callas"
chez Michel Lafon) : rédigée au pas de course comme si
elle devait être lue à haute voix pour d'invisibles
auditeurs, cette évocation chronologique et fidèle n'est
pas indigne, mais à vouloir tout simplifier à
l'extrême, elle en devient simpliste.
Plutôt inattendu et amusant, les éditions italiennes Trenta ont commercialisé "La divina in cucina"
(la divine en cuisine), un recueil de Bruno Tosi, qui rassemble 150
recettes soigneusement collectionnées par la cantatrice tout au
long de sa vie. Le livre accompagné de photos sur lesquelles la
diva est le plus souvent attablée, reproduit de nombreuses
spécialités culinaires écrites de sa main dont
certaines étaient transmises aux cuisiniers du yacht d'Onassis,
ou à son fidèle majordome Ferruccio. Bruno Tosi toujours,
qui préside aux destinées de l'association culturelle
Maria Callas publie également une nouvelle mouture de son
ouvrage "Giovane Callas".
Maria Callas (en croisière à bord du Christina début 1970) © DR
CALLAS S'EXPOSE : LE JUBILÉ MILANAIS
La Scala de Milan, scène mythique sur laquelle Maria
Callas connut ses plus grands succès artistiques entre
décembre 1951, date des Vêpres siciliennes (bien qu'elle y ait déjà chanté Aida
en avril 1950) et juin 1962, où eut lieu son ultime Medea, se
devait de fêter dignement cet anniversaire. Une première
exposition baptisée "Les costumes de scène", ouverte du
14 septembre 2007 au 31 janvier 2008, propose de retrouver quelques
unes des créations originales dessinées pour la diva,
dont la plupart n'étaient jamais sorties des archives du temple
milanais. La seconde, "Les images des coulisses" inaugurée le
même jour, mais qui prendra fin le 30 novembre 2007, est
constituée d'un parcours photographique réalisé
à partir de clichés souvent inédits de la
cantatrice, hors de scène. Pour prolonger ce voyage visuel, un
volume consacré aux années milanaises sera
également publié à cette occasion (Editions
Allemandi). Signalons également qu'a eu lieu le 16 septembre
jour de la mort de Callas, la présentation au public du portrait
de Philippe Kohly "Callas assoluta" à la Scala de Milan et au Palais Garnier, où était également projeté le documentaire "Maria Callas à Paris", sélection d'archives réunies par Pierre-Martin Juban.
Maria Callas (Paris Orly décembre 1958 ) © DR
CALLAS ET L'IMAGE : UNE VOIX EN IMAGES
Si Maria Callas profita de l'essor du microsillon et
de la stéréophonie (elle légua ainsi à deux
reprises ses lectures de Norma, Lucia, Tosca et Gioconda),
qui contribuèrent à renforcer sa notoriété
dans le monde entier, les captations télévisées
n'en étaient qu'à leurs balbutiements, ce qui explique le
peu d'archives filmées qui nous restent d'elle dans l'exercice
de son art, entre le second acte écourté de Tosca en 1956 (Mitropoulos à la baguette et London en Scarpia) pour la TV américaine et le dernier récital de Sapporo
en 1974. Nous ne pouvons que déplorer l'absence d'un
opéra dans son intégralité (Renata Tebaldi fut
à la même époque plus chanceuse avec Forza del destino à Naples, Aida à Paris, Chénier
à Tokyo...). Nous devons donc nous contenter de la soirée
de Gala parisienne de 1958, des concerts d'Hambourg (1959 et 1962, qui
montrent comment la diva s'immergeait dans la musique avant même
d'émettre un son), des extraits de Don Carlo et de Carmen
à la BBC en novembre 1962, du second acte de la Tosca au Covent
Garden en 1964 et des trois airs éblouissants de l'ORTF en 1965
(les images de Traviata
captées à Lisbonne en 1958 étant trop lointaines
et donc frustrantes), moments magiques qui nous renseignent sur
l'extraordinaire magnétisme de cette voix rendue plus
pénétrante encore grâce au pouvoir de se regard de
braise, de ses gestes amples et précis, de ce corps mobile fait
pour le théâtre.
Le nouveau DVD "The eternal"
puise parmi ces documents essentiels, mais déjà depuis
longtemps dans le commerce, auquel vient s'ajouter le "Casta diva" de Norma
à l'image tremblante, retransmis en eurovision le 31
décembre 1957, soit deux jours avant le fameux scandale romain
qui fit tant couler d'encre. Visible sur internet, le voici donc
officiellement disponible au catalogue Emi. Des extraits d'interviews
réalisés en 1968 par son admirateur et ami Lord Harewood,
confidences passionnantes de la cantatrice qui, depuis son retrait de
la scène trois ans plus tôt, ne cesse de faire le point
sur sa carrière et d'annoncer son retour imminent sur le devant
de la scène, complètent cette publication.
Second DVD de la série Classic Archive, Emi publie "The Callas conversations"
volume 2, qui ne reporte malheureusement pas dans sa totalité le
numéro spécial de "L'invité du dimanche"
consacré à la divine le 20 avril 1969. Pierre Desgraupes retrace avec elle les grandes étapes de son parcours, entouré d'illustres convives tels que Francesco Siciliani ancien directeur du Comunale de Florence, mais surtout de Luchino Visconti
qui évoque leur collaboration passée et commente avec
franchise son actualité, à savoir le tournage du premier
et unique film de la diva dirigé par Pier Paolo Pasolini, Medea.
Un témoignage exceptionnel qui nous manquait, sur une artiste
fragilisée par l'interruption de ses activités lyriques
mais dont la retraite ne semble pas définitive : il est en effet
question d'une Traviata
à Garnier avec Visconti en février 1970 et d'un
enregistrement de l'ouvrage largement commenté par le
journaliste Jacques Bourgeois
(nul ne sait ce que sont devenues ces bandes ?). Il est tout de
même fort regrettable que ce magnifique moment de
télévision soit à ce point raccourci puisque, sans
aucune explication, de nombreuses coupures ont été
pratiquées : exit l'imitation de la diva dans la Rosina du Barbier de Séville
par le travesti Claude Véga, aux oubliettes l’extrait
d’Anna Karenine avec Garbo où Callas déplore le
doublage en français, oublié le long passage sur les
origines du bel canto par
Jacques Bourgeois ! Cette émission complète avait
été montrée en 1987 au foyer de
l’Opéra Garnier. En complément l'entretien
animé par Bernard Gavoty du 14 juin 1964 et le récitatif de Norma filmé en répétition à Paris la même année, impérial.
A mille lieux des portraits fabriqués à la chaîne depuis la disparition de la cantatrice, le film de Philippe Kohly "Callas assoluta"
(Arte/MK2) est une réussite absolue. Cette évocation
précise et rigoureuse, retrace avec une grande
délicatesse la vie de l’artiste, en abordant non seulement
tous les sujets avec sensibilité (sa mère, sa jeunesse,
la Grèce, la guerre, l’Italie, son mari, son accession
à la notoriété, Onassis, leur enfant..) en faisant
le choix de laisser parler la protagoniste (par de nombreux extraits
d’interviews), sans avoir à supporter « la
cohorte idolâtre et bêlante transhumant depuis trois
décennies de documentaire en documentaire (cf. Télérama
n°30009). En contrepoint, des images d’archives
sélectionnées avec soin (concerts, galas,
conférences de presse, lieux habités ou foulés..)
parfois inédites comme celles des répétitions de Medea
à Epidaure en 1961, ou de l’entrée triomphale au
bal masqué organisé par Elsa Maxwell à Venise en
1957 où Callas apparait en Reine Atshepsout, ponctuent ce
récit qui nous confronte à une Callas lucide,
intelligente et admirable, dont on admire le franc-parler et la
résistance face à l’effroyable tension
qu’elle doit subir à partir du scandale de 1958,
totalement disproportionné. Epuisée par des années
de travail, l’idole conspuée est, à l’aube
des années soixante, « disponible » pour
vivre une liaison forcément tumultueuse et passionnée
avec Onassis. La déception sera à la hauteur des
espérances, mais les liens qui uniront ces deux natures
jusqu’à la mort de l’armateur en 1975, seront
inaltérables. Alors que la diva espérait
« finir en beauté », ses dernières
années chaotiques, se solderont par une série de
désillusions qui nous la rendent à jamais plus proche,
plus humaine et plus touchante.
Maria Callas (la dernière tournée de récitals 1973-1974)
© DR
CALLAS ET LA DANSE : UN SUJET CHOREGRAPHIQUE
Longtemps après le "Casta diva" de Maurice Béjart, le chorégraphe et performeur allemand Raimund Hoghe est à l'origine d'un spectacle intitulé "36, avenue Georges Mandel",
créé l'été dernier à Avignon et qui
sera repris au Théâtre de la Bastille du 6 au 14 mars
2008. Inspiré par une photo du domicile de la cantatrice, Hoghe
a imaginé une pièce à partir d'airs
d'opéras interprétés par la diva et d'entretiens
radiophoniques. Solitude, errance, tragédie, sont autant de
thèmes qui hantent le travail de Hoghe, ancien dramaturge de Pina Bausch,
affublé d'une bosse qui lui déforme le dos. Cet hommage,
sous forme de solo, qui tend à représenter les derniers
jours de la vie de la diva est à ne pas manquer.
LES CONCERTS EN HOMMAGE
La Grèce a honoré la mémoire de
Maria Callas le 9 septembre 2007 à Athènes, avec un
concert donné sur la colline de la Pnyx face à
l'Acropole. La soprano grecque Dimitra Thedossiou
a rendu hommage à la divine le 16 septembre à la Fenice
de Venise avec des airs d'opéras de Wagner, Verdi, Donizetti,
Puccini et Mozart dirigés par Bruno Sartori et un peu plus tard
dans la saison (le 17 novembre exactement) Renée Fleming
célébrera le souvenir de la diva en participant au
50ème anniversaire de l'ouverture de l'Opéra de Dallas,
inauguré le 17 novembre 1957 par Maria Callas, qui donnait ce
soir là un concert grandiose dont seule la
répétition nous est parvenue (Emi).
Que reste-t-il trente ans après sa mort, du message artistique
et historique porté par cette musicienne inouïe, incomprise
et adulée, entrée vivante dans la légende,
décriée puis mythifiée? Le sentiment singulier et
tenace de sa présence. Ecrasante pour certains,
éclairante pour d'autres, Maria Callas continue d'exister
à travers témoignages, photos, livres et documents
filmés. Sans héritière, elle est restée
unique et sa voix, source inextinguible et jaillissante qui continue
de résonner, l'a rendue à jamais immortelle. Viva Maria. Grazie a te. Gloria a te.
François Lesueur
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