Hommage à Maria Callas : 1977-2007

   Par François LESUEUR
   [ Sommaire du dossier Callas ]
 
 


Maria Callas (à son domicile milanais 1955) © DR


Malgré la coupe du monde de rugby et la disparition de Luciano Pavarotti, les commémorations du 30ème anniversaire de la mort de Maria Callas (1923-1977) auront bien eu lieu. Cela fait donc trente ans que la plus célèbre cantatrice du XXe siècle s'est éteinte, un 16 septembre, prenant de court le monde musical, celui-là même qui l'avait adorée ou détestée et s'était finalement éloigné d'elle tandis qu'elle vivait solitaire, dans son appartement parisien de l'avenue Georges Mandel. Difficile de voir clair au milieu de cette avalanche de publications qui prouve l'extraordinaire permanence du mythe et de se repérer parmi cette quantité de livres, de disques, de documentaires et d'expositions censés honorer la mémoire d'une diva et d'une femme uniques, en instruisant les uns et en initiant les autres.
Le culte voué à Maria Callas a curieusement pris son envol après sa disparition. Portée aux nues de son vivant, aimée et décriée, connue dans le monde entier autant pour l'exceptionnelle qualité de son art vocal et dramatique, que pour sa vie privée étalée au grand jour, elle termina son existence dans une relative solitude. Le public la sachant retirée semblait avoir oublié cette artiste de légende dont le fabuleux destin avait fini par se confondre avec celui d'un livret d'opéra. Seules les gravures de Tosca et de Carmen maintenues au catalogue EMI assuraient la pérennité de son nom. C'est alors qu'un spectaculaire revirement eut lieu quelques temps après son décès, alors que la flamme du souvenir restait entretenue par quelques inconditionnels, la dévotion partagée par de rares initiés se mua en une vaste célébration qui depuis n'a cessé de s'étendre.
 
La Callas réservée à une élite, la Callas symbole de l'art lyrique, icône du bel canto, tragédienne hors norme, irremplaçable, commença dans les années quatre vingt à trouver un nouveau public, souvent étranger à l'univers codifié de l'opéra. Vivante, sa prestigieuse aura et son héritage avaient pu paralyser, morte, son legs pouvait enfin s'offrir, se laisser admirer, étudier en toute liberté, parfois jusqu'à l'excès. Nous savons aujourd'hui combien l'image sonore de Maria Callas a été importante dans la prodigieuse ascension de sa légende. Sans revenir sur sa carrière débutée en Grèce au tournant des années quarante et terminée en 1974 à l'issue d'une tournée de récitals avec le ténor Giuseppe di Stefano, il est incontestable que celle-ci a bénéficié du formidable essor de l'industrie discographique. Initialement sous contrat avec la firme Cetra, l'histoire de Callas reste intimement liée à la "Voix de son maître" de 1953 à 1969. Parallèlement à ses apparitions scéniques de plus en plus remarquées dès le début des années cinquante, la diva réalise très tôt les avantages du disque, traces intangibles qui accréditent son immense éclectisme et grave avec un même appétit (23 intégrales) le répertoire traditionnel de ses consoeurs (Verdi, Puccini) et quelques ouvrages oubliés de Rossini, Bellini et Donizetti. Utilisé comme témoin de son art et de ses capacités, le support discographique distribué partout, assure sa promotion et son accessibilité.

C'est ainsi que EMI, qui s'enorgueillit d'avoir vendu en cinquante ans plus de vingt millions de disques, a mis en place de nombreuses rééditions d'abord en 33T, puis avec l'avènement des nouvelles technologies, du compact-disc. En 1982, paraissait l'intégrale des récitals (1954-1969) accompagnée d'un premier inédit ("Mon coeur s'ouvre à ta voix" de Samson et Dalila / 1961), suivie de nombreuses compilations assorties de quelques raretés (le duo du Nil d'Aida en 1964 avec Franco Corelli notamment), qui contribuèrent à témoigner de l'art de la cantatrice et à la populariser. Parallèlement, de précieuses captations en public ont augmenté l'intérêt envers cette interprète célèbre pour avoir révolutionné l'opéra en en modifiant les codes et la conception : la Lucia de Berlin en 1955, les représentations alternatives de Traviata à Mexico, Lisbonne, Londres ou Milan, les Medea de Florence, Milan, ou Dallas, mais également La Vestale, Anna Bolena, Poliuto, Alceste, Parsifal.... Voix immense, reconnaissable dès la première note, capable de s'emparer des partitions les plus éloignées (Walkyrie
et Puritani, Macbeth et Lucia, Nabucco et Sonnambula, Rigoletto et Gioconda), musicienne génialement douée, artiste profondément intègre, moderne, elle parvint au péril de sa santé à ranimer un art moribond en le portant à son plus haut degré de perfection. Le grand public ne s'y est pas trompé, comprenant les combats menés par cette femme qui brûlait les planches, ne trichait jamais, travaillait sans relâche, cherchant uniquement à servir la musique et les compositeurs.

Maria Callas (Norma à Paris 1964-1965) © DR


CALLAS ET LE DISQUE : LES DERNIERES PARUTIONS ?

L'hommage rendu cette année par EMI est à la hauteur de l'événement, avec la parution d'un colossal coffret de 70 CDs (pour moins de 99 €) qui propose l'intégralité des enregistrements officiels légués entre 1949 et 1969 (récitals et opéras). Il succède à la publication en 1997 de l'intégrale des récitals en 11 cds et intègre les gravures non réalisées pour EMI, c'est-à-dire le premier récital de 1949 dirigé par Arturo Basile, la Gioconda de 1952 et la Traviata de 1953 (Cetra), ainsi que la Medea de 1957 (Ricordi), acquises progressivement.

Nouveaux boîtiers, nouvelles photos, mais curieusement aucun inédit, alors que quatre airs réservés aux seuls fanatiques, dorment toujours dans des cartons : un "D'amor al dolce impero" d'Armida de Rossini, de juillet 1960, un "Legger potessi in me" d'Anna Bolena de Donizetti daté de novembre 1961, un "Bel raggio" de Semiramide et un "Nacqui all'affanno" de La Cenerentola de Rossini d'avril 1962, sessions dirigées par Antonio Tonini qui n'avaient satisfait la diva.

Les amateurs de compilations - dont nous ne faisons pas partie - se dirigeront vers le double album "Callas Eternelle", qui mélange une nouvelle fois sans vergogne extraits d'intégrales d'opéras et de récitals, auquel a été joint un DVD bonus sur lequel la vie de la cantatrice est racontée, tandis que d'autres pourront se satisfaire du coffret de 8 cds "Maria Callas Opera highlights", qui rassemble à la hussarde de larges passages tirés de Norma (celle de 1960), Carmen, Lucia (la seconde en stéréo, datée de 1959), Bohème, Tosca (1953), Butterfly ou Aida, ainsi que de la Traviata captée à Milan en mai 1955, production légendaire dans laquelle la jeune Luisa Mandelli, qui a accepté de nous confier ses souvenirs, interprétait le rôle d'Annina.

Même soumise à pareil traitement, cette voix aux mille visages, aux nuances infinies, capable de passer de la suavité à la fureur, d'exprimer d'un seul geste vocal le bonheur ou la détresse, d'évoquer instantanément par une simple inflexion, toute une gamme d'émotions et de sentiments parfaitement identifiables, demeure frappée par le sceau du génie de l'interprétation en plus de ceux de la résolution technique et de la maîtrise musicale. Entendre l'artiste déployer un timbre large et opulent dans La Gioconda de Ponchielli (1959), l'héroïne vériste qui lança sa carrière italienne en 1947, puis se plier avec la grâce d'une ballerine aux cantilènes extatiques inventées par Bellini dans La Sonnambula (l'une de ses plus grandes créations à la scène comme au disque) relève de la plus fascinante métamorphose.  


UNE SELECTION DE QUELQUES ENREGISTREMENTS INCONTOURNABLES

Pour ceux qui aimeraient être guidés, une discographie sélective en studio est envisageable : immanquable, la Tosca de Puccini dirigée par Vittorio de Sabata (1953), pour l'intensité du drame, la Lucia di Lammermoor de Donizetti pour l'inoubliable leçon de bel canto et pour le timbre crépusculaire de la diva en cette année 1953, la Medea de Cherubini (1957) et la Norma de Bellini (1954) conduites par le maestro Serafin, pour la fusion totale entre une artiste et des personnages, le Barbier de Séville (1957) et/ou Le Turc en Italie (1954) de Rossini pour la vis comica et la légèreté de touche de La Divine et enfin cette Carmen sans équivalent (1964), seul rôle en français, tardif certes, mais d'une telle inventivité. Pour les récitals, l'album Puccini de 1954 comme le mythique Lyrique et colorature sont à emporter sur l'île déserte (pour le style, l’esprit, la performance alliée à la virtuosité), mais si vous préférez Verdi, précipitez-vous sur les airs gravés en 1958 pour leur intensité et leur vérité théâtrale, sans oublier de vous laissez bercer par le premier album "Callas à Paris" de 1961, où la cantatrice avec un engagement qui compense quelques tensions, passe du répertoire de mezzo soprano à celui de colorature (toujours ce besoin d’abolir les frontières entre les tessitures). Etourdissant !

Maria Callas (Les derniers récitals 1973-1974) © DR


CALLAS RACONTEE : VARIATION EN CINQ VOLUMES

A cantatrice unique, traitement unique : rares sont les artistes qui ont suscité autant d'ouvrages : biographies, albums d'images, livres thématiques, jusqu'à une pièce de théâtre, continuent d'inonder le marché. On passera rapidement sur "La véritable Maria Callas" de Bertrand Meyer-Stabley (Pygmalion) qui égrène les anecdotes les plus éculées et se délecte d'une Callas happée par la jet-set, en ayant systématiquement recours à des propos retravaillés et rapportés comme s'ils avaient été prononcés par la diva, au détriment de celle qui fit tant de sacrifices pour servir la musique. Depuis le "Onassis et la Callas" de Nicholas Gage (Robert Laffont) et "La Callas inconnue" de Nicolas Petsalis-Domidis (Plon), méticuleuses biographies thématiques, il est difficile de se contenter d’ouvrages lacunaires censés couvrir en 200 pages l'ensemble d'une vie aussi complexe.

"Les images d'une vie" éditées par Yann-Brice Dherbier, raviront les amateurs de clichés rares. Planches contacts émouvantes (les séances d'enregistrement de la Lucia en 1959), portraits posés ou volés, à la ville ou à la scène, en studio ou en villégiature (ah ce gros plan d'Anna Bolena dans les coulisses de la Scala de Milan, ou ce rarissime cliché pris des gradins du Théâtre Hérode Atticus le 5 août 1957, lors du fameux concert qui marquait le retour de l'enfant du pays), le tout très joliment mis en page, est à se procurer d'urgence : on regrettera tout de même le nombre important d'erreurs relevées dans les légendes (trop de dates, de lieux et de noms erronés), qui auraient pu être évitées...Michel Glotz n'est pas Franco Zeffirelli (page 161) et Carmen ne date pas de 1961, mais de juillet 1964 ; page 101, il ne s'agit pas de Paris, mais de Carnegie Hall, soir du Pirate en concert le 27 janvier 1959 ; page 116 cette séance de photos ne peut dater de 1960 puisque Callas avait les cheveux courts depuis octobre 1959.

Le "Maria Callas" signé par l'écrivain spécialiste de la jet-set et journaliste mondain, Henry-Jean Servat chez Albin Michel, moins richement illustré que celui des éditions YB, propose un texte synthétique, construit de façon originale, en flash-back. A partir de la fameuse Norma chantée en août 1960 dans le cadre époustouflant du Théâtre antique d’Epidaure, événement musical qui marquait la consécration de la diva dans son pays d’origine, Servat remonte le temps et revient sur les moments-clé qui ont jalonné la vie de la cantatrice. Ni révélation fracassante, ni réflexion particulière, mais une narration concise sur une personnalité d'exception.

Conteuse bien connue, Eve Ruggieri n'a pas su résister à la tentation de livrer sa vision de la divine ("La Callas" chez Michel Lafon) : rédigée au pas de course comme si elle devait être lue à haute voix pour d'invisibles auditeurs, cette évocation chronologique et fidèle n'est pas indigne, mais à vouloir tout simplifier à l'extrême, elle en devient simpliste.

Plutôt inattendu et amusant, les éditions italiennes Trenta ont commercialisé "La divina in cucina" (la divine en cuisine), un recueil de Bruno Tosi, qui rassemble 150 recettes soigneusement collectionnées par la cantatrice tout au long de sa vie. Le livre accompagné de photos sur lesquelles la diva est le plus souvent attablée, reproduit de nombreuses spécialités culinaires écrites de sa main dont certaines étaient transmises aux cuisiniers du yacht d'Onassis, ou à son fidèle majordome Ferruccio. Bruno Tosi toujours, qui préside aux destinées de l'association culturelle Maria Callas publie également une nouvelle mouture de son ouvrage "Giovane Callas".

Maria Callas (en croisière à bord du Christina début 1970) © DR


CALLAS S'EXPOSE : LE JUBILÉ MILANAIS

La Scala de Milan, scène mythique sur laquelle Maria Callas connut ses plus grands succès artistiques entre décembre 1951, date des Vêpres siciliennes (bien qu'elle y ait déjà chanté Aida en avril 1950) et juin 1962, où eut lieu son ultime Medea, se devait de fêter dignement cet anniversaire. Une première exposition baptisée "Les costumes de scène", ouverte du 14 septembre 2007 au 31 janvier 2008, propose de retrouver quelques unes des créations originales dessinées pour la diva, dont la plupart n'étaient jamais sorties des archives du temple milanais. La seconde, "Les images des coulisses" inaugurée le même jour, mais qui prendra fin le 30 novembre 2007, est constituée d'un parcours photographique réalisé à partir de clichés souvent inédits de la cantatrice, hors de scène. Pour prolonger ce voyage visuel, un volume consacré aux années milanaises sera également publié à cette occasion (Editions Allemandi). Signalons également qu'a eu lieu le 16 septembre jour de la mort de Callas, la présentation au public du portrait de Philippe Kohly "Callas assoluta" à la Scala de Milan et au Palais Garnier, où était également projeté le documentaire "Maria Callas à Paris", sélection d'archives réunies par Pierre-Martin Juban.

Maria Callas (Paris Orly décembre 1958 ) © DR


CALLAS ET L'IMAGE : UNE VOIX EN IMAGES

Si Maria Callas profita de l'essor du microsillon et de la stéréophonie (elle légua ainsi à deux reprises ses lectures de Norma, Lucia, Tosca et Gioconda), qui contribuèrent à renforcer sa notoriété dans le monde entier, les captations télévisées n'en étaient qu'à leurs balbutiements, ce qui explique le peu d'archives filmées qui nous restent d'elle dans l'exercice de son art, entre le second acte écourté de Tosca en 1956 (Mitropoulos à la baguette et London en Scarpia) pour la TV américaine et le dernier récital de Sapporo en 1974. Nous ne pouvons que déplorer l'absence d'un opéra dans son intégralité (Renata Tebaldi fut à la même époque plus chanceuse avec Forza del destino à Naples, Aida à Paris, Chénier à Tokyo...). Nous devons donc nous contenter de la soirée de Gala parisienne de 1958, des concerts d'Hambourg (1959 et 1962, qui montrent comment la diva s'immergeait dans la musique avant même d'émettre un son), des extraits de Don Carlo et de Carmen à la BBC en novembre 1962, du second acte de la Tosca au Covent Garden en 1964 et des trois airs éblouissants de l'ORTF en 1965 (les images de Traviata captées à Lisbonne en 1958 étant trop lointaines et donc frustrantes), moments magiques qui nous renseignent sur l'extraordinaire magnétisme de cette voix rendue plus pénétrante encore grâce au pouvoir de se regard de braise, de ses gestes amples et précis, de ce corps mobile fait pour le théâtre.

Le nouveau DVD "The eternal" puise parmi ces documents essentiels, mais déjà depuis longtemps dans le commerce, auquel vient s'ajouter le "Casta diva" de Norma à l'image tremblante, retransmis en eurovision le 31 décembre 1957, soit deux jours avant le fameux scandale romain qui fit tant couler d'encre. Visible sur internet, le voici donc officiellement disponible au catalogue Emi. Des extraits d'interviews réalisés en 1968 par son admirateur et ami Lord Harewood, confidences passionnantes de la cantatrice qui, depuis son retrait de la scène trois ans plus tôt, ne cesse de faire le point sur sa carrière et d'annoncer son retour imminent sur le devant de la scène, complètent cette publication.

Second DVD de la série Classic Archive, Emi publie "The Callas conversations" volume 2, qui ne reporte malheureusement pas dans sa totalité le numéro spécial de "L'invité du dimanche" consacré à la divine le 20 avril 1969. Pierre Desgraupes retrace avec elle les grandes étapes de son parcours, entouré d'illustres convives tels que Francesco Siciliani ancien directeur du Comunale de Florence, mais surtout de Luchino Visconti qui évoque leur collaboration passée et commente avec franchise son actualité, à savoir le tournage du premier et unique film de la diva dirigé par Pier Paolo Pasolini, Medea. Un témoignage exceptionnel qui nous manquait, sur une artiste fragilisée par l'interruption de ses activités lyriques mais dont la retraite ne semble pas définitive : il est en effet question d'une Traviata à Garnier avec Visconti en février 1970 et d'un enregistrement de l'ouvrage largement commenté par le journaliste Jacques Bourgeois (nul ne sait ce que sont devenues ces bandes ?). Il est tout de même fort regrettable que ce magnifique moment de télévision soit à ce point raccourci puisque, sans aucune explication, de nombreuses coupures ont été pratiquées : exit l'imitation de la diva dans la Rosina du Barbier de Séville par le travesti Claude Véga, aux oubliettes l’extrait d’Anna Karenine avec Garbo où Callas déplore le doublage en français, oublié le long passage sur les origines du bel canto par Jacques Bourgeois ! Cette émission complète avait été montrée en 1987 au foyer de l’Opéra Garnier. En complément l'entretien animé par Bernard Gavoty du 14 juin 1964 et le récitatif de Norma filmé en répétition à Paris la même année, impérial.

A mille lieux des portraits fabriqués à la chaîne depuis la disparition de la cantatrice, le film de Philippe Kohly "Callas assoluta" (Arte/MK2) est une réussite absolue. Cette évocation précise et rigoureuse, retrace avec une grande délicatesse la vie de l’artiste, en abordant non seulement tous les sujets avec sensibilité (sa mère, sa jeunesse, la Grèce, la guerre, l’Italie, son mari, son accession à la notoriété, Onassis, leur enfant..) en faisant le choix de laisser parler la protagoniste (par de nombreux extraits d’interviews), sans avoir à supporter « la cohorte idolâtre et bêlante transhumant depuis trois décennies de documentaire en documentaire (cf. Télérama  n°30009). En contrepoint, des images d’archives sélectionnées avec soin (concerts, galas, conférences de presse, lieux habités ou foulés..) parfois inédites comme celles des répétitions de Medea à Epidaure en 1961, ou de l’entrée triomphale au bal masqué organisé par Elsa Maxwell à Venise en 1957 où Callas apparait en Reine Atshepsout, ponctuent ce récit qui nous confronte à une Callas lucide, intelligente et admirable, dont on admire le franc-parler et la résistance face à l’effroyable tension qu’elle doit subir à partir du scandale de 1958, totalement disproportionné. Epuisée par des années de travail, l’idole conspuée est, à l’aube des années soixante, « disponible » pour vivre une liaison forcément tumultueuse et passionnée avec Onassis. La déception sera à la hauteur des espérances, mais les liens qui uniront ces deux natures jusqu’à la mort de l’armateur en 1975, seront inaltérables. Alors que la diva espérait « finir en beauté », ses dernières années chaotiques, se solderont par une série de désillusions qui nous la rendent à jamais plus proche, plus humaine et plus touchante.

Maria Callas (la dernière tournée de récitals 1973-1974)
© DR

CALLAS ET LA DANSE : UN SUJET CHOREGRAPHIQUE

Longtemps après le "Casta diva" de Maurice Béjart, le chorégraphe et performeur allemand Raimund Hoghe est à l'origine d'un spectacle intitulé "36, avenue Georges Mandel", créé l'été dernier à Avignon et qui sera repris au Théâtre de la Bastille du 6 au 14 mars 2008. Inspiré par une photo du domicile de la cantatrice, Hoghe a imaginé une pièce à partir d'airs d'opéras interprétés par la diva et d'entretiens radiophoniques. Solitude, errance, tragédie, sont autant de thèmes qui hantent le travail de Hoghe, ancien dramaturge de Pina Bausch, affublé d'une bosse qui lui déforme le dos. Cet hommage, sous forme de solo, qui tend à représenter les derniers jours de la vie de la diva est à ne pas manquer.


LES CONCERTS EN HOMMAGE

La Grèce a honoré la mémoire de Maria Callas le 9 septembre 2007 à Athènes, avec un concert donné sur la colline de la Pnyx face à l'Acropole. La soprano grecque Dimitra Thedossiou a rendu hommage à la divine le 16 septembre à la Fenice de Venise avec des airs d'opéras de Wagner, Verdi, Donizetti, Puccini et Mozart dirigés par Bruno Sartori et un peu plus tard dans la saison (le 17 novembre exactement) Renée Fleming célébrera le souvenir de la diva en participant au 50ème anniversaire de l'ouverture de l'Opéra de Dallas, inauguré le 17 novembre 1957 par Maria Callas, qui donnait ce soir là un concert grandiose dont seule la répétition nous est parvenue (Emi).

Que reste-t-il trente ans après sa mort, du message artistique et historique porté par cette musicienne inouïe, incomprise et adulée, entrée vivante dans la légende, décriée puis mythifiée? Le sentiment singulier et tenace de sa présence. Ecrasante pour certains, éclairante pour d'autres, Maria Callas continue d'exister à travers témoignages, photos, livres et documents filmés. Sans héritière, elle est restée unique et sa voix, source inextinguible et jaillissante qui continue de résonner, l'a rendue à jamais immortelle. Viva Maria. Grazie a te. Gloria a te.

François Lesueur


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