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Caverne lyrique

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Edito
7 septembre 2011

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Tous nos lecteurs le savent, nous vivons des temps troublés.

L’euro subit les assauts des spéculateurs. Les banques vacillent. Les Etats tremblent. Athènes n’est plus dans Athènes. La croissance est nulle, le chômage augmente. Bref, comme le dit mon boucher, c’est pas la joie.

Ajoutons à cela que nous serons un jour ou l’autre envahis par les Chinois, mis à genoux par les Indiens, achetés par les Brésiliens. Ce n’est pas notre économie seulement qui flanche, c’est tout notre Occident qui va passer à la casserole.

La seule consolation qui nous reste, c’est que nous sommes encore en vie, en tout cas pour l’instant.

Mais que dire, dans un tel contexte, de l’opéra ? Je regarde les programmes de la nouvelle saison. Je suis ébloui par sa variété, sa richesse. Des talents neufs émergent partout. La grande tradition lyrique perdure contre vents et marées, le répertoire continue d’accueillir des découvertes, des résurrections, des créations, toutes dignes d’un égal intérêt.

Comment ne pas songer à l’orchestre du Titanic, jouant jusqu’à ce que le premier violon ait les escarpins pris dans les glaces du Grand Nord ?

Est-il bien civique, en ces jours sombres, de se rendre dans ces maisons de plaisir que sont les théâtres alors que les pauvres sont plus pauvres et que les vautours travaillent ardemment à leur voler leur dernière liquette ? Les combats démocratiques ne nous requièrent-ils pas davantage que le contre-ut de Madame Fleming, qui lui-même ne se sent pas très bien ?

Mais fondamentalement, dépend-il de nous que l’assurance-vie ne soit plus un placement sûr, que les SICAV fondent comme neige au soleil ? Que le mètre carré à Paris coûte aussi cher qu’une Rolls de collection ? Non. Dépend de nous en revanche que survive ce qui nous importe le plus : la musique. Quelque chose même me dit que tout irait mieux si l’on cessait de se passionner pour les anecdotiques secousses boursières et que l’on passait un peu plus de temps à aimer ce qui s’offre à nous presque gratuitement : telle voix qui, au détour d’un air, nous séduit ; tel chef qui nous fait entendre ce que nous n’avions pas su écouter ; tel moment de grâce dont l’opéra est si profus et qui nous enchante pour plusieurs mois, plusieurs années.

Toute crise devrait être l’occasion de remettre l’église au centre du village. Nous sommes bien coupables de laisser les pleureuses de Wall Street occuper un instant nos pensées, alors que la vie est trop courte pour écouter tout ce que nous voudrions découvrir. Le bruit et la fureur dont on voudrait que nous soyons les victimes tremblantes ne devraient pas nous toucher profondément. Ainsi en a-t-il toujours été : il faut à toute force abstraire ce qui nous est le plus cher du tumulte des temps, qui sont obscurs et vils. Dans la tempête, les théâtres d’opéra, les livres, les disques, deviennent des sanctuaires dont nous sommes les vestales sourcilleuses.

Cela certes ne nous dispense pas de vivre dans le monde, de tenter de le comprendre et peut-être, audace suprême, de le changer. Mais il nous appartient, à nous qu’anime une autre flamme, de ne pas laisser s’écrouler les colonnes du temple où plus qu’ailleurs il nous plaît de vivre. Et l’Histoire a assez montré que la civilisation survit par les catacombes, par les arches, par les cavernes et les galeries creusées à l’abri des cataclysmes, pour que nous ne craignions pas d’être taxés d’asociaux égoïstes.

C’est la rentrée. Votre mission, si vous l’acceptez : sauver l’humanité. 

Sylvain Fort

 

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