Serait-on moins fripon à l’opéra qu’ailleurs ? Le dernier essai de David Christoffel, Les petits malins de la grande musique, ne s’attarde qu’épisodiquement sur l’art vocal. Les « faussaires, pasticheurs, épigones, fantômes, algorithmes, auteurs d’un seul succès, profs » et autres margoulins de la musique classique barbotent davantage dans les marécages instrumentaux.
Le chapitre sur les « paroles originales » s’amuse cependant des libertés prises avec les textes des œuvres lyriques, à commencer par la traduction des livrets d’opéra dans une autre langue – tradition que l’on aurait tort de croire révolue comme en témoigne la récente Flûte enchantée mise en scène par Cédric Klapisch au Théâtre des Champs-Elysées. Et l’auteur de s’interroger : « Vaut-il mieux Wagner dans la langue de Molière ou une version originale avec des chanteurs si français que la version originale serait dénaturée par des accentuations que même un Allemand du XIXe siècle n’aurait pas pu reconnaître ? ».
Catalani, dont on ignore souvent qu’il se prénommait Alfredo, se fraye une place dans la série des « compositeurs mono-opus », aux côtés de Pachelbel. Son opéra, La Wally, est en effet la seule de ses œuvres inscrite au tableau de la postérité. On pourrait en dire autant de Ponchielli. Leur délit ? L’absence d’autres partitions fameuses à leur catalogue les rend suspects. N’auraient-ils pas acquis leur célébrité « par accident, à la faveur d’une page installée dans les mémoires, comme par effraction » ?
D’autres grands noms de l’art lyrique surviennent ça et là, au gré d’une lecture réjouissante. Les auditeurs de Metaclassique, retrouveront intacte l’impertinence émerillonnée du trublion des ondes. David Christoffel ne cherche pas à dénoncer mais au contraire observe, narquois, les paradoxes auxquels la « grande musique » n’échappe pas, en dépit de l’épithète qui lui est accolé. Débusquer les imposteurs et les impostures, non pour les condamner mais pour en démonter et comprendre les mécanismes.
Il y a tant à traquer par le petit bout de sa lorgnette que le propos pourrait sembler dispersé s’il n’était regroupé par thème. « Ressemblances douteuses », « Procédés discutables » ou encore « postérité capricieuses » apparaissent alors comme des invitations à poser un autre regard sur ces « petits malins » – personnes ou procédés – qui, in fine, participent à la richesse de l’expérience musicale. C’est ainsi que la musique est grande.