En ouverture de festival de Pâques, l’abbaye de Fontevraud accueille un beau concert de l’Ensemble Seguido déjà applaudi lors de la Folle journée de Nantes.
Le thème de cette édition 2024 est un hommage à Bach qui effectivement clôt superbement le concert. Mais avant cela, la cheffe de choeur Valérie Fayet nous fait joliment voyager dans la musique sacrée germanique, mettant particulièrement à l’honneur le trop méconnu Johann Hermann Schein dont les psaumes résonnent avec autorité dans la belle acoustique du réfectoire.
« Singet Fröhlich Gotte » propose une entrée jubilatoire dans le répertoire. S’y s’affirment déjà l’équilibre entre les pupitres, la plénitude du son, la netteté des finales et une impeccable justesse qui seront une constante tout au long du programme. En trois temps nous irons de la joie vers l’ intériorité, d’abord avec « Lehre uns bedenken », dense et recueilli, où l’ensemble négocie parfaitement les ruptures et les contrastes puis « Wie lieblich sind deine Wohnungen », presqu’immobile et nourrit d’un beau travail de couleurs dans le medium.
A chaque changement de compositeur, les pupitres changent de position, ce sera donc le cas une première fois avec une brève incursion dans les Psaumes de David mis en musique par Heinrich Schütz.
La polyphonie est encore une fois parfaitement lisible, tout comme le texte, pourtant ardu, qui est articulé au laser. Pour sa part, le « Amen » conclusif sublime les dissonances.
Michel Bourcier à l’orgue positif et Delphine le Gall à la viole de gambe proposent un bel accompagnement, au souffle juste, concentré et investi.
Au cœur de ce programme très intelligemment construit, Valérie Fayet, dont la direction aussi souple que précise, sans afféterie aucune, ne lâche jamais ses chanteurs, a placé deux partitions contemporaines, remarquables, au premier rang desquels le magnifique « Es ist ein Rot entsprungen », à capella, d’après Michael Praetorius et réinventé par Jan Sandström avec des clusters à bouche fermées et un quatuor dialoguant avec le chœur. Il démontre la diversité des talents de l’Ensemble qui offre ici un moment de grâce qui contraste superbement avec le début du concert et donnera ensuite une perception élargie au spectateur lorsqu’il repartira en terre baroque. La sensibilité de l’oreille aux dissonances se sera ainsi faite plus aiguë.
« Ach Herr, straf mich nicht in deinem Zorn » de Martin Moulin creuse cette veine avec une œuvre commandée par l’Ensemble et interprétée en présence du compositeur. La viole de gambe est cette fois à l’honneur et Delphine le Gall, au son riche, velouté, y propose une interprétation aussi intense que sensible. Du côté des voix, dissonances, onomatopées créent un tapis sonore vibratoire tout en nuances qui réjouit l’oreille.
Après cet acmé contemporain, nous revenons donc à Schein, mais avec une écoute toute différente, comme dilatée pour « Ich freue mich im Herren » et plus encore pour « Da Jakob vollendet hatte » dont la modernité des dissonances et des mélismes est frappante, singulièrement mise en valeur par les voix qui travaillent les couleurs en aquarellistes talentueux.
« Lobet den Herrn, alle Heiden » de Johann Sebastian Bach clôt ce moment musical de qualité en apothéose, nous ramenant au cœur du thème du festival.
La semaine promet d’autres réjouissances vocales dans ce cadre magnifique avec La Passion selon Saint Matthieu par le Ricercar Consort ainsi que l’Ensemble Aedes, dans un programme Immortal Bach.