Angela Gheorghiu apparut, belle comme une reine, les bras largement ouverts. L’ampleur des manches de sa robe accentuaient sa majesté. En voyant la spectaculaire diva s’avancer sur la scène de l’Opéra de Monte-Carlo, on était envahi par des souvenirs de Manon, de Tosca, de Marguerite, de Liu, de Traviata qu’elle avait divinement chantés. Inoubliables moments !
Mais du temps était passé. Et, hélas, au long du récital qui allait suivre, on allait s’apercevoir que sa voix n’était plus la même qu’autrefois. Elle était devenue instable, avec une justesse approximative. On en fut attristé.
Angela Gheorghiu chanta une vingtaine d’airs, allant de Paisiello à Flotow, en passant par Tosti. Que ce soit Rameau, Strauss, Debussy ou Rachmaninov, elle chanta tout dans le même style. Tout au long du récital, elle avait le regard plongé dans ses partitions – même pour des mélodies aussi connues que « Caro mio ben » de Giordani ou « Malinconia » de Bellini. Où donc étaient les Manon, les Violetta d’antan ?
Jeff Cohen et Angela Gheorghiu (Photo A.P.)
Mais la diva n’avait pas dit son dernier mot. Elle était bien décidée à convaincre son public. Elle y arriva. La magicienne avait plus d’un tour dans son sac.
Multipliant les œillades vers la salle, saluant ici et là, envoyant des baisers, elle déployait son charme. Et celui-ci était sans limite. Ayant encore de belles réserves dans l’aigu, elle lançait avec panache les notes finales, renversant sa tête en arrière, levant la main au ciel, et le tour était joué ! Les effets de manche compensaient les défauts de la voix.
Peu à peu, le public fut conquis. Elle chanta « Plaisir d’amour ». Comment résister à « Plaisir d’amour » chanté par la grande Angela ?
A la fin, elle nous ensorcela avec la valse « Je te veux » de Satie. Cette fois-ci le public était avec elle.
Lorsqu’elle ajouta en bis « Mio babbino caro » de Puccini, ce fut le délire. La salle debout. Dans ce bis, on retrouva l’Angela de jadis. Tout un récital pour un bis !
Des spectateurs, des enfants lui amenèrent des fleurs. Angela était aux anges.
Tout au long de la soirée, elle fut consciencieusement accompagnée par le pianiste Jeff Cohen. Mais lorsque celui-ci, pour lui ménager des espaces de repos, s’aventura à jouer en solo des pièces de Beethoven, Schumann, Bartók, son interprétation ne fut pas digne de la grande scène monégasque.
En revanche, la scène monégasque montra sa richesse en surtitrant tous les airs des mélodies – ce qui est inhabituel dans les récitals.
Lorsqu’à la fin, la diva fut à bout de bis, elle chanta a cappella un chant roumain à l’intention de ses compatriotes qui étaient dans la salle. A cet instant, on était tous roumains ! Telle fut notre soirée avec Angela…