Le dernier récital de la saison de la Monnaie était confié jeudi soir au ténor allemand Christophe Prégardien, accompagné au piano par Julius Drake. Le cheveu grisonnant, vêtu d’une impeccable redingote bavaroise, aux lèvres un sourire bienveillant, Prégardien s’avance un rien austère sur la petite scène à l’italienne du Théâtre Royal des Galeries, et entame prudemment le plus beau des cycles des Schumann. La voix est chaleureuse, déploie sa ligne avec lenteur, sculpte chaque phrase avec une infinie précision. Le chanteur, semblant douter de ses moyens, ménage son instrument pourtant intact ; il négocie ses aigus comme pour déjouer les pièges de la partition, qu’il traverse pourtant sans faillir. Jouant d’avantage sur les couleurs que sur la dynamique, il allège la voix autant que possible, semble tout contrôler, avec cependant une certaine réserve dans l’expression. Le résultat musical, fruit d’un long travail, poli par le temps, est particulièrement équilibré, au détriment peut-être d’une certaine spontanéité. Chaque lied est présenté sur le ton de la confidence, dans une délicieuse intimité, sans effet inutile, avec une grande justesse et un sens aigu du texte, dont on comprend chaque mot. Au piano, Julius Drake, particulièrement attentif à son partenaire, instaure l’atmosphère générale et déploie avec une grande simplicité les sublimes postludes de Schumann ; après quelques cafouillages dans « Das ist ein Flöten und Geigen » il réussit à rétablir un climat délicieusement poétique qui perdurera jusqu’à la fin du cycle, à une sonnerie de téléphone mobile près.
En seconde partie de programme, les musiciens présentent une série de lieder plutôt sombres de Schubert, subtilement choisis dans le registre médium, alternant les pages les plus connues avec quelques découvertes, qu’ils rendent avec une grande délicatesse de ton et toujours autant de soin dans la réalisation, pour le plus grand plaisir du public.
Comme libérés, enfin complètement détendus, ils termineront par un unique bis au terme d’un récital très homogène, « Ständchen », extrait du Schwanengesang de Schubert.