Affichant fièrement ses six mois de grossesse dans une robe moulante de mousseline mauve, Magdalena Kozena se produisait mercredi dernier sur la scène du Palais des Beaux Arts de Bruxelles, accompagnée par les Violons du Roy, placés sous la direction de Bernard Labadie, concert inscrit dans une tournée européenne qui passe également ces jours-ci par Berlin et Paris.
L’ensemble canadien qui fête cette année ses trente ans d’existence ouvrait les festivités par la 33e symphonie de Mozart. Avec beaucoup de précision et un grand luxe de détail, leur interprétation offrait une lecture très analytique de l’œuvre, parfaitement maîtrisée. L’auditeur très exigeant aurait pu souhaiter davantage de spontanéité dans l’articulation baroque, mais l’esprit, la clarté et l’entrain y étaient. La mezzo fait ensuite son entrée, voix souveraine au charme consacré, et chante l’Ariane à Naxos de Joseph Haydn avec fougue et passion, accentuant, dans un dramatisme exacerbé, le caractère « Sturm und Drang » de la cantate. Parfaitement en phase avec l’orchestre qui se plie à ses moindres inflexions, elle domine cette partition difficile avec brio, emportant tous les suffrages du public.
En seconde partie de programme figurent La Reine, une des symphonies parisiennes de Haydn et trois airs extraits de La Clémence de Titus de Mozart. Le « Non più di fiori » de l’irascible Vitellia à l’acte II et les deux airs de Sesto (Kozena enregistra le rôle à ses débuts dans la production de Charles Mackerras pour DGG). Dans la page orchestrale on retrouve les mêmes qualités de lisibilité et d’extrême précision qu’en première partie, avec une vision particulièrement contrastée (et un peu lourde) du troisième mouvement, qui tient plus ici de la bourrée que du menuet !
Tout aussi brillante dans un rôle que dans l’autre, la mezzo rend avec beaucoup de justesse les affres par lesquels passe le pauvre Sesto qui doit trahir son meilleur ami et abandonner sa bien aimée, et se débat tant bien que mal avec sa conscience tout en exprimant son désespoir. La voix est à la fois souple et puissante, très expressive et parfaitement libre. Jouant alternativement du cor de basset et de la clarinette, Wolfgang Meyer lui donne la réplique avec humour et fait ici figure de second soliste ! Un seul bis, « Voi che sapete », Mozart toujours, viendra couronner cette très belle soirée.