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Bad boys de l’opéra — Baden-Baden

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Spectacle
12 novembre 2010
Pourris, gâtés

Note ForumOpera.com

3

Infos sur l’œuvre

Détails

Bryn TERFEL
Bad Boys de l’opéra
Giuseppe Verdi (1813-1901)
Ouverture de La Force du destin
Gaetano Donizetti (1797-1848)
Udite, udite, o rustici
L’elisir d’amore
Arrigo Boito (1842-1918)
Sono lo spirito che nega
Mefistofele
Wolfgang Amadeus Mozart (1756-1791)
Ouverture
Don Giovanni
Charles Gounod (1818-1893)
Ronde du veau d’or
Faust
Carl Maria von Weber (1786-1826)
Schweig, Schweig
Der Freischütz
Charles Gounod
Le veau d’or
Chœur des soldats
Faust
Giacomo Puccini (1858-1924)
Te Deum
Tosca
Pause
Giuseppe Verdi
Credo
Otello
Camille Saint-Saëns (1835-1921)
Danse Macabre
Stephen Sondheim (1930)
Ballade
Sweeney Todd
Kurt Weill (1900-1950)
Mack the Knife
Dreigroschenoper
Arthur Sullivan (1842-1900)
When the night wind howls
Ruddigore
Jacques Offenbach (1819-1880)
Ouverture
Orphée aux enfers
George Gershwin (1898-1937)
It ain’t necessarily so
Porgy and Bess
Rappel :
Claude-Michel Schönberg (1944)
Stars
Les Misérables
Bryn Terfel, baryton
Münchner Rundfunkorchester
Chœurs de la Hochschule für Musik Karlsruhe
Direction musicale, Gareth Jones
Festspielhaus, Baden-Baden, vendredi 12 novembre 2010, 20h

Bryn Terfel a subjugué le public de Baden-Baden avec son récital composé de figures de mauvais garçons. Riche idée que de nous offrir une telle palette de méchants dont la variété permet à l’artiste de déployer toutes les nuances et l’autorité d’un timbre ample et vaillant qui se teinte de fiel, de morgue ou d’accents démoniaques à l’envi. L’ouverture de la Force du destin annonce la couleur : c’est la fatalité qui est à blâmer… Pas seulement : l’interprétation de l’orchestre, fort décevante car molle, engendre une frustration qui se répète à chaque nouvelle intervention en solo d’une formation pourtant enthousiaste mais qui ne convainc jamais pleinement – en dehors de ses solistes et en particulier du premier violon –, sauf peut-être pour l’ouverture d’Orphée aux enfers.

 
 

Bryn Terfel, quant à lui, séduit d’emblée par une présence charismatique et impérieuse. Premier vice proposé, celui de la boisson, détourné à travers le personnage du charlatan Dulcamara de l’Elisir d’amore. La gouaille du médecin est portée par un médium large et l’homme semble quasiment en état d’ébriété. Les qualités de comédien du Gallois ainsi que sa diction italienne absolument parfaite font le reste. Le public est prié d’attendre pour applaudir que le chanteur vide la cannette qu’il se sert à la fin de cette première aria. La salle est déjà chaude et enivrée, oreilles affutées.

 

Le « Sono lo spirito che nega » peut ne pas paraître assez diabolique. La faute à des graves qui ne sont pas aussi caverneux qu’on pourrait le souhaiter, mais le Mefistofele proposé par Terfel est mieux que correct. Ses coups de sifflets sont l’occasion d’un effet de bravoure accrocheur : modulations venteuses qui s’achèvent en aigus à déchirer les tympans, le tout se terminant par un concours de sifflets avec un public diablotin désormais en totale empathie. On enchaîne avec une ouverture de Don Giovanni qui nous donne envie d’écouter le baryton dans l’un ou l’autre rôle : Don Giovanni ou Leporello… On n’aura droit ni à l’un, ni à l’autre car c’est le chœur des soldats du Faust de Gounod qui nous fait revenir un Bryn Terfel accoutré d’une cravate en forme de cordelette rouge. Notre baryton était parti en coulisses se faire pendre et monnayer son âme au diable avant de revenir proposer à Satan de conduire le bal d’un ton badin, dans une diction française un rien moins convaincante mais parfaitement honnête, avec une pointe de vulgarité assumée très excitante. Avant de repartir en coulisse, le facétieux envoyé du diable détache une marguerite de l’immense bouquet de scène et la laisse négligemment tomber dans l’assistance. On se prend à sourire des blagues de potache – pas si gratuites évidemment – de ce sale gosse dont on attend les péripéties vocales à venir avec impatience. Le Kaspar du Freischütz est magistral et son « Triumph » résonne avec puissance. La diction en allemand est très convaincante. La première partie du programme s’achève avec un « Te Deum » de Tosca d’anthologie. La magie – admettons qu’elle soit démoniaque – opère dès l’attaque du « Tre sbirri ». Le timbre a changé ; la diction est parfaite, avec une sensualité débordante et le désir vicié mais impérieux palpable dans la voix même. A-t-on jamais entendu de Scarpia plus convaincant ? La puissance et l’intensité de ce moment exceptionnel ont pour effet que le public se contente d’applaudir intensément, longuement, sans manifestations excessives mais avec des commentaires éloquents à l’entracte : « Je n’ai jamais rien entendu de pareil ! Il EST Scarpia ! » 1

 

Après la pause, c’est à un Iago démoniaque à souhait qu’on a affaire. Technique magistrale, interprétation sans défauts apparents teintée de félonie et d’une sorte de fatalité désabusée qui rend le rôle poignant. Car ce diable de Terfel, si l’on me permet ce jeu de mots (« Teufel » signifie « diable » en allemand), est un acteur au moins autant qu’un interprète 2.

 

La fin du concert est moins conventionnelle mais réjouissante, originale et transfrontalière. De Sweeney Todd à Porgy and Bess sans oublier Mackie Messer ou Sullivan, on est aux confins de la culture populaire, mais de grande classe. Bryn Terfel ne propose qu’un rappel mais rabat leur caquet aux puristes qui méprisent la comédie musicale actuelle : on termine avec Javert dans les Misérables ! Joli pied-de-nez et belle ouverture d’esprit… Drôle et délicatement je-m’en-foutiste, ce diable d’homme faussement débraillé est un authentique dandy dès qu’il ouvre la bouche. Revanche du baryton qui est bien autre chose que celui qui empêche le ténor d’aimer le soprano. It ain’t necessarily so… Sans y toucher, Bryn Terfel bouscule bien des conventions. Quant à son programme intelligemment ficelé qu’il promène triomphalement cette saison3, cela nous change de certaines soirées ronronnantes et attendues. Il gâte ses auditeurs, mais on en redemande !

 

 

1. À la question que lui posait Nicolas Derny pour Forum Opéra en 2009 : « Lorsque vous êtes sur scène, vous mettez-vous réellement dans la peau du personnage ou vous contentez-vous d’en dresser un simple portrait ? », Bryn Terfel avait répondu : « La frontière entre les deux est extrêmement mince. Je viens juste de faire Tosca à Covent Garden, et je me sentais mal à l’aise avec le rôle de Scarpia. Je jouais trop le personnage. Je chantais avec agressivité et je le devenais moi-même ! J’ai donc fais un “pas en arrière”, je me suis corrigé pour être moins belliqueux vocalement. Je pense que mon interprétation n’en était que meilleure ». (lire l’interview dans son intégralité)

2. Ce qui est imperceptible au disque, évidemment, et convainc nettement mieux en concert. Voir la critique du disque Bad boys par Christophe Rizoud.

3. Voir la critique de ce même récital donné à Paris.

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Bryn TERFEL
Bad Boys de l’opéra
Giuseppe Verdi (1813-1901)
Ouverture de La Force du destin
Gaetano Donizetti (1797-1848)
Udite, udite, o rustici
L’elisir d’amore
Arrigo Boito (1842-1918)
Sono lo spirito che nega
Mefistofele
Wolfgang Amadeus Mozart (1756-1791)
Ouverture
Don Giovanni
Charles Gounod (1818-1893)
Ronde du veau d’or
Faust
Carl Maria von Weber (1786-1826)
Schweig, Schweig
Der Freischütz
Charles Gounod
Le veau d’or
Chœur des soldats
Faust
Giacomo Puccini (1858-1924)
Te Deum
Tosca
Pause
Giuseppe Verdi
Credo
Otello
Camille Saint-Saëns (1835-1921)
Danse Macabre
Stephen Sondheim (1930)
Ballade
Sweeney Todd
Kurt Weill (1900-1950)
Mack the Knife
Dreigroschenoper
Arthur Sullivan (1842-1900)
When the night wind howls
Ruddigore
Jacques Offenbach (1819-1880)
Ouverture
Orphée aux enfers
George Gershwin (1898-1937)
It ain’t necessarily so
Porgy and Bess
Rappel :
Claude-Michel Schönberg (1944)
Stars
Les Misérables
Bryn Terfel, baryton
Münchner Rundfunkorchester
Chœurs de la Hochschule für Musik Karlsruhe
Direction musicale, Gareth Jones
Festspielhaus, Baden-Baden, vendredi 12 novembre 2010, 20h

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