La soprano Carolyn Sampson et le pianiste Joseph Middleton signent avec « A soprano’s Schubertiade » leur troisième collaboration discographique, après « Fleurs » en 2015 et « A Verlaine songbook » en 2016. Pour un récital consacré à Schubert, on ne peut trop se réjouir de trouver deux musiciens habitués à jouer ensemble, ce qui laisse espérer une belle complicité.
Le programme ne surprend pas : aux célèbres « Suleika » succèdent les Wilhelm Meisters Lehrjahre, Faust et les Ellens Gesänge qui closent le disque avec l’incontournable « Ave Maria ». Le thème central de l’album se révèle ainsi être la fameuse Sehnsucht germanique, cette nostalgie, ce vague à l’âme impossibles à traduire par les mots et que les compositeurs romantiques ont tant cherché à décrire par les sons. Voilà des choix peu originaux, qui supposent de se confronter aux grands maîtres du lied et aux attentes de l’auditeur, et qui prennent le risque de décevoir.
La voix de Carolyn Sampson est belle et légère, et son timbre convient bien à la jeunesse des personnages qu’elle incarne – Mignon, Marguerite, Ellen en tête. Mais la soprano semble toujours un peu en retrait : le son n’est pas plein, la diction manque de consonnes et le texte n’est pas investi. Dès lors, la Sehnsucht perd en puissance. On reste dans une nostalgie passagère et sage, qui nous éloigne de la force expressive et narrative de la musique de Schubert. On entend certes quelques moments plus intenses : une couleur un peu plus sombre dans « Nur wer die Sehnsucht kennt », une troisième strophe plus investie dans « Kennst du das Land ? », une vraie gradation dans « Gretchen am Spinnrade » et des graves profonds dans « Gretchen im Zwinger ». Mais on voudrait que cet engagement soit constant, que la voix se pare davantage de nuances, que l’affect soit au cœur du propos ; on aimerait ne pas avoir à tendre l’oreille pour être captivé par la musique.
Joseph Middleton se révèle en revanche un pianiste de choix dans cet exercice. Il possède l’art de dépeindre des atmosphères (le très beau clair de lune dans « Der Vollmond strahlt »), de raconter une histoire (les motifs de chasse dans « Jäger, ruhe von der Jagd ! ») et d’accompagner la voix sans jamais la couvrir. On apprécie tout particulièrement les moments solistes du piano, durant lesquels Joseph Middleton dessine les phrases avec élan et propose d’intéressants effets de contraste.
On ne peut donc nier que cet album soit maîtrisé et bien construit autour d’un thème conducteur puissant. Mais il manque de vie, de texte et de sentiments. Peut-être les lieder choisis se ressemblent-ils trop pour raviver l’attention de l’auditeur ? C’est dommage car ils nous laissent sur notre faim : le beau et le bien chez Schubert ne suffisent décidément pas…