Davantage habitués aux performances instrumentales ou électro-acoustiques, les abonnés du Festival ManiFeste à Paris ont pu découvrir hier les Trois Airs pour un opéra imaginaire de Claude Vivier, partition tardive de l’énigmatique compositeur québécois. Au milieu d’un environnement teinté de références à la musique orientale, découverte par Vivier lors de son voyage en Asie et au Moyen-Orient, on reconnait le traitement vocal caractéristique du compositeur: les longues mélopées mélismatiques, les « r » roulés d’une langue imaginaire, les trémolos avec la main etc. Ce soir, c’est la soprano Anna Palimina, originaire de Moldavie, qui remplace à la dernière minute Nadja Michael, annoncée souffrante. Si la chanteuse possède un aigu brillant et une technique irréprochable (condition sine qua non pour l’interprétation de la pièce), le médium-grave fait plutôt défaut et finit par être couvert par l’Ensemble Intercontemporain sous la direction pourtant attentive de Matthias Pintscher. De plus, le manque d’aisance sur scène, probablement dû à l’apprentissage précipité de la partition, se fait sentir dans les regards incertains lancés au chef durant l’exécution. S’il est impossible d’en vouloir à Anna Palimina pour cette performance en demi-teinte, gageons qu’elle saura mieux nous communiquer les idées de la pièce lors d’une performance future.
Au programme de cette soirée figuraient en outre deux créations. Namenlosen de Julia Blondeau propose des combinaisons timbrales très séduisantes, et même si l’on ne saisit pas bien la structure de la pièce à la première écoute, on ne peut être que séduit par l’usage brillant de l’électronique (ManiFeste oblige). Dans Hermès V, Philippe Schœller rend hommage au messager ailé par un langage fourmillant, cassant ce qui pourrait devenir lassant par des effets de surprises bienvenus.