« La musique, ce n’est pas grave, ce n’est que du plaisir », déclare Yann Beuron à la fin de son récital, mercredi dernier, 18 avril, à l’Amphithéâtre de l’Opéra. Après un riche programme et deux ravissants bis (Madrigal de Fauré et Bleuet de Poulenc), le chanteur admet que sa voix est fatiguée, mais il se sent tellement heureux qu’il veut offrir à son public « un cadeau pour la route ». Alors, avec Allons-y Chochotte d’Erik Satie, sur une pirouette pleine de fantaisie, il contrebalance l’élégiaque et le furtif, la tendresse, la volupté, la nostalgie, et même le désespoir, dont il a régalé ses écouteurs attentifs tout au long de la soirée. Diseur autant que chanteur, artisan autant qu’artiste, Yann Beuron est un interprète que les mélomanes français se doivent de chérir. Et d’autant plus que sa carrière s’épanouit harmonieusement sans besoin de tapage médiatique. Son instrument vocal, on sent qu’il le respecte, le protège, le polit. Avec la maturité, il a su conserver la clarté et la jeunesse du timbre propres à la tessiture de ténor lyrique léger qui est la sienne. Cela ne l’a pas empêché d’approfondir, d’embellir les graves, de rendre encore plus délicats les pianissimi et d’autoriser à la voix centrale un peu de raucité dans le cri qui le rend plus émouvant. Bien des instants de grâce se sont succédés. Gabriel Fauré et Claude Debussy ont l’un et l’autre exalté le chant du rossignol qui achève le poème de Verlaine En sourdine. La musique de Francis Poulenc a magnifié l’art poétique de Paul Éluard. Les Cinq poèmes de Charles Baudelaire ont jailli avec leur mystérieuse force intérieure ; en particulier le sublime Recueillement dans lequel le poète exhorte sa douleur à la sagesse avant de s’enfoncer avec elle dans « une douce Nuit qui marche ». Mathieu Pordoy s’est montré un accompagnateur de qualité ; à ce niveau d’interprétation on aurait toutefois souhaité davantage : un pianiste impliqué dans ce répertoire au même degré que le chanteur. [BC]