Les amateurs de chant rossinien connaissent déjà le nom de Julia Lezhneva. En 2008 à Pesaro, elle avait défrayé la chronique en interprétant le Stabat Mater que dirigeait Alberto Zedda1. Elle avait dix-huit ans. Et la jeune soprano russe n’a pas fini de faire parler d’elle. A Paris, dimanche soir – 17 octobre – au Théâtre des Champs-Elysées, elle a ravi haut la main le premier prix du Paris international Opera Competition, un nouveau concours de chant fondé par Pierre Vernes. Deux airs lui ont suffi pour mettre dans sa poche un jury prestigieux qui comptait parmi ses membres Gabriel Bacquier, Inva Mula, Sylvie Valayre, Emilie Sagi, etc. Contre toute attente, ce n’est pas avec le rondo final d’Elena dans la Donna del lago que Julia Lezhneva a créé la surprise mais avec la romance de Mathilde dans Guillaume Tell, « sombre forêt », et plus précisément par la façon dont elle a interprété le récitatif qui précède l’air lui-même (« Ils s’éloignent enfin… »). Une présence immédiate doublée d’une maîtrise parfaite de la langue française : une diction impeccable et une justesse de ton qui a prouvé qu’elle comprenait tout ce qu’elle chantait. On n’en dira pas autant des autres candidats étrangers, empêtrés dans un français au mieux débité, au pire massacré, nettement plus à l’aise dans l’opéra italien. Voilà qui ne rassure pas sur l’avenir de notre répertoire. Régine Crespin, à qui cette première édition du concours voulait rendre hommage, aurait du mouron à se faire. Dans ces conditions, le prix Palazetto Bru Zane, décerné à la meilleure interprétation d’un air français du XIXe siècle, a été remis sans contestation possible à Julie Fuchs, la seule française de la compétition. L »attribution du deuxième prix à la basse coréenne Kihwan Sim et du troisième au ténor kazakh Medet Chotabaev nous a semblé beaucoup plus discutable. Rendez-vous dans deux à trois ans pour une nouvelle édition. Christophe Rizoud
1 Voir le compte-rendu d’Antoine Brunetto