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VERDI, Otello — Athènes

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Spectacle
13 décembre 2022
Strangulation sans contact

Note ForumOpera.com

2

Infos sur l’œuvre

Opéra en 4 actes

Musique de Giuseppe Verdi sur un livret d’Arrigo Boito d’après Shakespeare

Créé à Milan (Teatro alla Scala) le 5 février 1887

Détails

Mise en scène

Bob Wilson

Otello

Aleksandrs Antonenko

Iago

Tassis Christoyannis

Desdemona

Cellia Costea

Cassio

Dimitris Paksoglou

Montano

Marinos Tarnanas

Roderigo

Yannis Kalyvas

Emilia

Violetta Lousta

Un hérault

Pavlso Sampsakis

Lodovico

Petros Magoulas

Chœurs et orchestre de l’Opéra national de Grèce

Direction musicale

Stathis Soulis

GNOTV

Lorsque Bob Wilson se penche sur un opéra, son esthétique immédiatement reconnaissable peut soit renouveller sublimement la vision d’une oeuvre, soit l’écraser de sa spécificité et lui faire écran (bleu généralement). C’est hélas à cette seconde catégorie qu’appartient cet Otello. Oh, tout y est très léché. La direction d’acteur d’abord est d’une minutie millimétrée et pensée : avec un Iago qui semble être le marionnettiste de tous ces mouvements, ou un geste que les Grecs assimilent traditionnellement à la malédiction sur plusieurs générations – la moutza – lorsque Otello jette à l’héroïne « A terra ». Viennent ensuite les éclairages nets et porteurs de sens (cette lune qui s’élève et passe du bleu au noir, puis au rouge au fur et à mesure que la volonté de meurtre se précise), ainsi que le décor aussi minimaliste que parlant (ces arches vénitiennes sous lesquelles Iago expose ses vues et qui viendront ensuite pleuvoir en morceaux sur un Otello déboussolé pendant la première confrontation avec sa femme). Pourtant le metteur en scène semble manquer d’inspiration pour le chœur (« Fuoco di Gioia » presqu’oublié scéniquement, comme toute la scène de la tempête) et le hiératisme propre à son univers refroidit excessivement ce drame passionnel (personne ne se touche bien sûr, adieu à toute sensualité, un baiser n’est ici que deux mains qui se frôlent, et Desdemona est étranglée à distance, sans contact), voire le tourne en dérision (Otello qui s’effondre telle une marionette au placard dès qu’il est convaincu de l’infidélité de sa femme ; Desdemona qui se relève comme une poupée mécanique pour prononcer ses derniers mots). De plus, tout est très attendu et le maître ne renouvelle pas vraiment son vocabulaire et ses effets, malgré ce que pouvait laisser croire le mystérieux éléphanteau mourant qui précède le spectacle. 


DR Lucy Jansch

La surprise vient d’ailleurs: de l’orchestre d’abord. Précis et emporté dans les déluges cataclysmiques, les moments chambristes révèlent des solistes délicats de grande qualité, et certains pupitres très exposés souffrent aisément la comparaison avec des grandes phalanges européennes (les cuivres à l’arrivée de la délégation vénitienne), on n’en attendait pas tant de l’Orchestre de l’Opéra national de Grèce dirigé par un fiévreux Stathis Soulis totalement inconnu de nous. Le chœur tout aussi énergique est néanmoins plus confus, peut-être en raison des masques toujours portés par certains. Autre surprise du côté du méchant : avouons-le, nous avions des doutes quant à la capacité de Tassis Christoyannis à endosser un rôle si écrasant. Peut-être est-il favorisé par les micros, mais c’est surtout qu’il a l’intelligence de miser sur ses qualités de diseur et d’acteur pour incarner le traître dont Bob Wilson fait surtout un vilain matou. C’est le seul à jouer de ses expressions faciales avec tant de souplesse. Son Credo manque d’ampleur, mais pas de noirceur ni d’arêtes, ce qui lui permet de tenir captivé son auditoire. La Desdemona de Cellia Costea souffre d’un vibrato important et d’une projection insuffisante pour affronter les masses chorales et orchestrales, durcissant à l’excès ses aigus au troisième acte. C’est dans le dernier qu’elle se révèle : son beau medium et ses graves élégamment poitrinés confèrent toute l’ambiguïté nécessaire à sa chanson du saule, dans laquelle son vibrato est parfaitement maîtrisé, la ligne de chant est impeccablement tenue pour la prière, et ses aigus finaux trouvent l’équilibre parfait entre justesse musicale et déséquilibre morbide. C’est aussi dans ses dernières scènes que l’on goûte le plus la qualité du texte de Boito. Pour incarner le Maure (ici évidemment aussi blanchi que ses partenaires), Aleksandrs Antonenko dose mal son énergie : sa voix solide, claire et puissante impressionne dans les deux premiers actes, même si la subtilité du jeu est sacrifiée et que de vilains chuintements polluent souvent son italien. La fin du spectacle le voit pourtant à bout de souffle : « E il ciel non a più fulmini ? » est aussi étranglé que sa femme, l’émission n’est plus canalisée et le désespoir du personnage ne suffit pas à justifier des sons si débraillés. Les personnages secondaires sont correctement tenus mais exposent vite leurs limites vocales, à l’exception du Cassio efficace de Dimitris Paksoglou


DR Lucy Jansch

Un mot enfin pour parler de la place d’Athènes sur la scène lyrique internationale: ce spectacle était en coproduction avec Baden-Baden et la saison en cours n’est pas avare non plus d’artistes réputés (McVicar, Py, Warlikowski, Pelly, Pirozzi, Rachvelishvili…), de titres rares (Medea, Le Voyage dans la Lune) et d’autres coproductions prestigieuses. Des spectacles prometteurs que l’on pourra aussi découvrir en ligne sur la GNOTV dans de très bonnes conditions. Pour ce streaming, la captation est très équilibrée (à l’exception d’un bruit de fond pendant la première scène, vite corrigé ensuite) et dispose même de sous-titres en français (mais que jusqu’à l’acte II bizarrement). Bref, Athènes semble trouver parmi les capitales lyriques européennes un rang qu’elle n’avait jamais occupé auparavant, alors même que le pays est toujours en crise économique. Un exemple inspirant pour bien des villes européennes autrement plus riches.

 

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Musique de Giuseppe Verdi sur un livret d’Arrigo Boito d’après Shakespeare

Créé à Milan (Teatro alla Scala) le 5 février 1887

Détails

Mise en scène

Bob Wilson

Otello

Aleksandrs Antonenko

Iago

Tassis Christoyannis

Desdemona

Cellia Costea

Cassio

Dimitris Paksoglou

Montano

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