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Le Royal Opera propose au mois d’avril une nouvelle production de Nabucco. Nouveauté toute relative : d’une part, il s’agit d’une coproduction créée à la Scala il y a quelques mois ; d’autre part, la production de Daniele Abbado, « moderne mais pas trop » ne brille pas vraiment par son originalité, esquissant un vague parallèle avec la Shoa mais sans jamais mener à son terme cette grille de lecture. Visuellement, le spectacle est assez décevant : costumes contemporains gris pour tous (difficile à distance de distinguer les hébreux des assyriens et le roi d’un simple figurant), décors gris ou sable, vidéo noir et blanc en fond de scène … Il ne manquerait plus qu’il pleuve.
Musicalement en revanche, les oreilles sont à la fête. Alors qu’il passera le cap des 71 printemps ce mois-ci, Leo Nucci reste un Nabucco hors pair, sensible et torturé, idéal sur toute la tessiture même si la voix a perdu avec les ans un peu de sa projection. Ce n’est pas en revanche le reproche que l’on fera à l’Abigaille de Liudmyla Monastyrska qui noie le théâtre sous des décibels électrisants comme on n’en avait pas entendus depuis Ghena Dimitrova. Le soprano sait également nuancer sans jamais oublier d’être une vraie interprète qui connait le sens des mots. Malgré une émission un peu hétérodoxe, Andrea Caré se révèle un ténor puissant à suivre. Vitalij Kowaljow et Marianna Pizzolato complètent efficacement la distribution. Mais la réussite de la soirée ne serait pas au rendez-vous sans la baguette précise et dynamique de Nicola Luisotti qui tire d’un orchestre en grande forme des détails musicaux inédits sans jamais se départir d’un allant irrésistible et d’une grande cohésion d’ensemble : quand Toscanini dirigeait Nabucco, ça devait ressembler à ça ! Autre point fort, des chœurs au top qui réussissent l’exploit de nous émouvoir dans l’archi-rebattu « Va Pensiero ». A partir du 15 avril, Leo Nucci cèdera sa place à son ainé … Placido Domingo (qui a célébré ses 72 ans en janvier dernier), le reste de la distribution restant inchangé. Comme on le voit, les vétérans tiennent la forme. [Jean-Michel Pennetier]