250 ans de la naissance de Beethoven oblige, le théâtre des Champs Elysées avait programmé une version concert du seul opéra du compositeur, autour d’une distribution et d’un orchestre majoritairement scandinave. Version concert augmentée en mise en espace, signée Sam Brown, qui creuse la veine comique tant dans sa direction d’acteur que dans son parti pris. Voici donc Jaquino qui hérite seul du texte parlé, très largement tronqué et remanié. Cela ne porte guère à conséquence et assure un enchaînement sans tunnel des parties musicales.
Thomas Dausgaard, dans un geste totalement mozartien, enlève l’ensemble sur un rythme endiablé que seul le quatuor du premier acte viendra rompre. Son orchestre est plein de contrastes, dose des crescendi et des tutti du plus bel effet… et concède nombre de pains notamment chez les cuivres et la petite harmonie. Le chœur de la Radio Suédoise assure de son côté une performance irréprochable où tant les basses que les ténors brillent par la rondeur du son.
Si la distribution s’annonçait pleine de promesses c’est pourtant là que l’on trouvera le plus à redire. On passera rapidement sur la Marzelline fâchée avec la justesse et au timbre acide de Malin Christensson. On retiendra plus Daniel Johannsen comme récitant que pour les quelques interventions chantées de Jaquino, même si elles sont de qualité. Comme il se doit, Karl-Magnus Fredriksson donne des lettres de noblesse à Fernando en quelques phrases. La tâche est plus ardue pour Johan Schinkler dont le Rocco bien chantant manque de vis comica dans son air de l’or, de gravité dans la citerne et d’humanité dans le timbre. De même John Lundgren nous fera patienter jusqu’au deuxième acte pour trouver la puissance et la noirceur nécessaire au tyran.
Michael Weinius entame le deuxième acte sur un cri mordant et déploie un timbre étonnamment fruité pour un ténor de son calibre. Las, l’écriture beethovenienne le met plus d’un fois en difficulté sur le souffle, le rythme et conséquemment la prononciation. La ligne se hachure et le volume s’en amenuise d’autant. Nina Stemme, enfin, retrouve un rôle qu’elle ne fréquente plus guère et dont l’enregistrement qu’elle a laissé aux côtés déjà de Jonas Kaufmann sous la direction de Claudio Abbado ne figure pas parmi ses meilleurs. La voix pourtant a conservé de la souplesse et la ligne se déploie, élégante, et enjambe avec une aisance toute straussienne les écarts qui truffent la partition. Seul l’aigu lui résiste et, au lieu de l’atteindre dans le mouvement comme certaines de ses consœurs, la soprano suédoise préfère le détacher pour mieux l’assurer, ce qui n’est pas du meilleur effet. On retrouve cependant dans ce portrait les qualités qui sont les siennes : rondeurs de la voix, couleurs et incarnation. Celle qui manque cruellement à la scène parisienne depuis cinq ans l’emporte haut la main à l’applaudimètre.