(5 Questions)
[ Janvier
2007 ]
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GÜNTER NEUHOLD
© Philippe Granchec
Günter Neuhold, vous dirigez à Strasbourg Rheingold, premier volet d’un Ring
qui s’étalera sur quatre saisons et mis en scène
par David Mc Vicar. Le fait de ne pouvoir disposer à Strasbourg
de l’orchestre complet réclamé par Wagner et le
fait de ne pas avoir une fosse similaire à celle de Bayreuth,
constituent-ils une frustration, un inconvénient pour vous ?
Cela a-t-il des conséquences sur votre direction ?
Le cas de Bayreuth est très particulier, et nous ne cherchons
pas à imiter la configuration et l’équilibre propre
à ce lieu. Ici, comme dans tous les théâtres
traditionnels, la taille de la fosse nous impose de limiter notamment
le nombre des cordes et cela pose un problème pour trouver
l’équilibre avec les vents. Mais le problème le
plus important est de trouver la balance juste entre les chanteurs et
l’orchestre. A Bayreuth, l’orchestre peut jouer très
fort sans qu’il ne couvre les chanteurs, ici nous avons un autre
travail à faire, un travail qui permette aux chanteurs
d’être audibles et surtout compréhensibles.
Lors de votre Parsifal ici même à l’Opéra du Rhin en 2003, votre direction se caractérisait par des tempi
assez alertes. Etait-ce un choix personnel vis à vis de
l’œuvre ou en fonction de l’acoustique de la salle de
Strasbourg ? Procédez-vous ici aux mêmes choix ?
Je n’aime pas les Parsifal
trop lents, mais ce n’est pas seulement une question de
goûts personnels, nous avons beaucoup de témoignages qui
indiquent que Wagner, de manière générale, ne
souhaitait pas des tempi trop lents. Ainsi, lorsqu’il apprit
qu’une représentation de Lohengrin dirigée par
Liszt avait commencé à 18 h et s’était
terminée à 23 h, il s’était exclamé
“C’est trop lent !”. De même, après une
répétition de Rheingold à Bayreuth, Wagner
lança aux musiciens : “Si vous n’étiez pas de
tels bonnets de nuit, on pourrait jouer l’œuvre en une
heure et demie”. D’ailleurs, dans Rheingold, il n’y a
aucun tempo vraiment lent, et Wagner a, dans les annotations
qu’il fit sur la partition après à la
création, beaucoup insisté sur le tempo [Gunther Neuhold
montre des exemples d’annotations sur la partition : “ne
pas ralentir”, “garder le tempo”,
“avancez”, “sans traîner” etc.].
De toute façon, je n’aime pas les maniérismes chez
Wagner. Il n’est pas utile de rajouter des effets qui sont
très tentants dans cette musique. Il est plus important de faire
entendre le texte. D’ailleurs, les deux qualités qui me
semblent essentielles pour un chef d’orchestre sont le tempo et
la balance, et cela en fonction des conditions offertes par le
théâtre.
Pour Parsifal par exemple,
nous avions un jeune chanteur pour Gurnemanz [Friedemann Röhlig,
remarquable], c’était un facteur important : il
était exclu de prendre des tempi
trop lents ne serait-ce qu’à cause de lui. On ne peut
arriver avec une idée fixe, il faut s’adapter, notamment
aux chanteurs.
Justement, à propos de
chanteurs, certains évoquent un renouveau du chant
wagnérien (Heppner, Stemme, Baird...). Qu’en pensez-vous,
vous qui êtes familier de ce répertoire ? Les chanteurs
dont vous disposez pour le Ring strasbourgeois participent-ils de ce renouveau ?
Nous n’avons plus de chanteurs mythiques comme Hotter ou Nilsson,
ils ont disparu. Vous savez, être chanteur, c’est
déjà du sport, mais chanteur wagnérien,
c’est un sport de l’extrême, et hélas,
beaucoup de chanteurs prometteurs ont décliné assez
rapidement et n’ont pas l’endurance des grands chanteurs du
passé. En ce qui concerne la nouvelle génération
dont vous parlez, attendons de voir leur évolution. On ne
naît pas chanteur wagnérien, on le devient et il faut le
rester !
A l’heure où un
chef comme Simon Rattle semble, dans sa direction du Ring, prendre la
suite de la vision “chambriste” de Karajan, dans quelle
perspective vous placez-vous ? Considérez-vous le Ring comme une immense fresque mythologique ou comme un drame humain ?
J’ai beaucoup écouté d’enregistrements,
notamment ceux réalisés à Bayreuth. Cependant, il
ne s’agit pas d’imiter (ce n’est d’ailleurs pas
possible) mais de s’adapter aux conditions réunies par le
théâtre : il s’agit de créer un nouveau
spectacle.
Aujourd’hui, nous parlons uniquement de Rheingold,
une partition très transparente, avec un réseau
serré de leitmotivs. Il s’agit donc moins d’un
opéra qu’une présentation de tout ce qui est
à venir, et chaque volet à venir sera propre, aura ses
couleurs propres et sera incomparable.
Comment se passe votre collaboration avec David Mc Vicar, le metteur en scène du Ring
strasbourgeois ? Vos visions coïncident-elles ou l’un
d’entre vous a-t-il dû convaincre l’autre sur
l’une ou l’autre de ses idées ?
Nous sommes partis d’une chose très claire :
l’importance du texte, tout doit venir de la parole. Il faut
absolument comprendre de ce que disent les chanteurs,
spécialement pour Rheingold.
Mc Vicar place ainsi les chanteurs de telle manière à ce
qu’ils soient le plus à même d’être
compréhensibles par le public (au centre de la scène par
exemple, et non au fond). Là encore, nous ne faisons que
respecter les vœux de Wagner qui donnait une grande importance au
texte et à l’articulation de celui-ci. Il s’agit
d’un drame, et il faut que le public puisse en comprendre les
ressorts au mieux, que ce soit au niveau musical ou au niveau
scénique.
Propos recueillis par Pierre-Emmanuel Lephay
Strasbourg, 6 février 2007
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