(5
questions)
[ janvier 2004 ]
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Kurt
Streit
Vous êtes à Bruxelles pour chanter dans
l'Alceste de Gluck, quelles sont les caractéristiques vocales de votre rôle ?
Je trouve que l’art de chanter la musique de Gluck se rapproche énormément du
chant Mozartien qui est ma grande spécialité. Je dirais cependant que c’est plus
dur et plus haut ! Chanter Gluck demande une grande autodiscipline et une
certaine hygiène de vie, on ne l’aborde pas comme ça… mais j’aime à voir cela
comme un challenge.
N'est ce pas une source de stress supplémentaire de chanter en français
devant un public francophone ?
Vous savez, je chante dans six langues différentes et le français est
probablement la troisième langue la plus souvent utilisée dans l’opéra après
l’italien et l’allemand. D’ailleurs j’ai plus souvent l’occasion de chanter en
français qu’en anglais, ma langue maternelle. Il suffit au fond de suivre les
règles élémentaires de prononciation du français et d’écouter ensuite les
remarques d’auditeurs francophones pour corriger la prononciation de l’un ou
l’autre mot. Au fond, ce n’est pas plus dur que ça. J’ai chanté l’année passée
mon premier rôle en russe – Lenski dans Eugène Onégine – et ça c’était
difficile (rires), avant tout parce que c’était mon tout premier contact avec
cette langue et ensuite parce que le russe est tellement spécifique, on est très loin
de l’italien où « when you see it, you sing it ». Evidemment, le français a ses
particularités et ses difficultés mais c’est une langue que je chante depuis
assez longtemps pour ne pas trop m’en faire. Maintenant ce sera au public et à
la critique de rendre sa sentence ! (rires). Soit dit en passant, j’aime
beaucoup chanter en français ; j’ai eu l’occasion d’aborder plusieurs cycles de
mélodies françaises, j’ai chanté d’autres pièces de Gluck et je suis en train
d’étudier Don José de Carmen en ce moment même.
Que pensez-vous de la vision d'Alceste de Bob Wilson ?
Extraordinaire, je dirais même que c’est une vision fabuleuse et que je l’adore.
Bob Wilson fait partie de ces metteurs en scène dont on serait tenté de dire – à
la première approche – « mon Dieu, qu’est ce que ça veut dire ! » mais j’ai eu
l’occasion de travailler avec lui, notamment à Paris dans la Flûte Enchantée et
pour chacune de ses mises en scène, son conseil est le même : « laisse toi
porter par la mise en scène, ne la combat pas, ne tente pas non plus de la
comprendre et tu verras, son sens profond finira par couler de source » -
j’avoue qu’il avait tout à fait raison ! Et je donnerais le même conseil au
public : face à ce genre de mise en scène, il faut se laisser un petit quart
d’heure pour oublier les soucis du quotidien et entrer dans la pièce… mais une
fois dedans, quel bonheur et quelle esthétique !
En septembre vous avez chanté dans Wintermärchen de Philippe Boesmans
au Liceu de Barcelone - la musique contemporaine va-t-elle prendre une plus
grande place dans votre carrière ?
Qu’est ce que c’est que la musique contemporaine ? Y englobe-t-on Britten,
Stravinsky ou Berg qui sont en quelque sorte déjà dans le grand répertoire ?
Pour ce qui est de la création à proprement parler, je suis heureux de
participer à un projet quand la musique me plaît ! Par exemple, j’ai chanté une
pièce de Cogliano au Met de New-York et je n’ai pas du tout aimé. Par contre, je
tiens à dire que j’ai adoré cette pièce de Philippe Boesmans qui a été
extrêmement difficile à apprendre mais j’ai passé de très bons moments sur
scène. L’orchestration est fantastique c’est une pièce prodigieusement écrite.
Quels sont vos principaux projets ?
Il y en a quatre qui sont très excitants : d’abord un Cosi fan Tutte au Festival
de Pâques à Salzbourg avec un cast extrêmement enthousiasmant et Sir Simon
Rattle à la baguette, j’ajoute à cela que ça fait maintenant six ans que je n’ai
plus chanté cet opéra et que je serai ravi d’y revenir. Ensuite je chanterai une
production du Retour d’Ulysse de Monteverdi à Berlin, ce sera d’ailleurs la même
production que celle que vous verrez à Bruxelles en février prochain (ndlr :
mise en scène de William Kentridge – Furio Zanassi et Kristina Hammerström dans
les rôles principaux). Ensuite je chanterai mon premier Don José à Graz et
finalement je chanterai mon tout premier Florestan l’année prochaine. Cela ne
veut évidemment pas dire que je me dirige vers des rôles beaucoup plus lourds,
je crois pouvoir chanter un Florestan résolument mozartien, avec des moyens qui
ne sont certes pas ceux d’un Jon Vickers. Pour ce qui est de l’évolution de ma
voix et des rôles que je me vois aborder dans le futur, disons que je connais
mes limites et je ne pense pas aller au-delà des ténors Wagnériens comme Walther,
Parsifal, Lohengrin et peut-être Erik. Mais ma grande spécialité reste et
restera Mozart.
Camille De Rijck
Alceste de Gluck à La Monnaie
Première :
23 janvier 2004 - 20:00
Représentations les :
27 & 29 janvier 2004 - 20:00
3, 5, 7 & 10 février 2004 - 20:00
25 janvier 2004 & 1 février 2004 - 15:00
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