A C T U A L I T E (S)
 
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- Les Monstres Sacrés de l'opéra -
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Monsieur Armand : le tétrarque en pâte de fruits

Les habitués des maisons d'opéra parisiennes connaissent tous celui qu'ils appellent M. Armand. Il s'agit du charmant vieux monsieur qui, à chaque fin de représentation, remonte l'allée du fin fond de la salle jusqu'à la scène, tend un bouquet à la cantatrice et lui lance des objets dépendants de son inspiration : pétales de fleurs, confettis, bombe d'anniversaire (vous savez, celle qui projette des serpentins !). On le retrouve ensuite invariablement à la sortie des artistes, où il attend ses idoles pour leur offrir gâteaux et pâtes de fruits de confection artisanale qu'il extrait de sacs en plastique, voire de ses poches.

Les anecdotes les plus loufoques et les plus invérifiables circulent sur son compte : que depuis qu'il a lancé sur la scène des orchidées dans leurs petites boules de verre, les placeurs de Bastille ont ordre de lui vider les poches avant de le laisser entrer, que des mélomanes étrangers le prennent en photo comme souvenir typique de Paris, qu'il a rougi comme un collégien le jour où Béatrice Uria Monzon l'a complimenté sur son gâteau au chocolat... j'ai donc décidé d'aller me renseigner à la source sur l'identité de M. Armand. Mais le vieux monsieur préfère parler de sa passion, qui n'est pas, contre toute attente, l'opéra, que de raconter sa vie...


Bonjour. Acceptez- vous de répondre à quelques questions pour Forum Opéra ?

Avec plaisir, d'autant plus que ce ne sera pas la première fois. Le critique musical de l'Express m'a déjà consacré un article. Mais il s'agissait plutôt cette fois- là de la documentation énorme que je possède. Vous savez, j'ai chez moi environ 10 000 programmes, et ils sont presque tous dédicacés !

Pour commencer, les habitués vous appellent entre eux monsieur Armand. Est- ce votre vrai nom ?

Pas du tout, je m'appelle Mattathias M. Je suis très surpris de ce sobriquet que je ne connaissais pas. D'habitude, on m'appelle plutôt " le monsieur aux fleurs ".

Vous êtes un fan d'opéra ?

Pas vraiment. Ce n'est pas la musique qui m'intéresse. J'aime le spectacle en général, le théâtre, qu'il soit lyrique ou pas. Depuis 1949, je vais au minimum une fois par jour soit au théâtre, soit à l'opéra, soit au ballet.

Vous n'êtes donc pas musicien ?

Pas du tout, je n'ai jamais fait de musique, j'étais expert-comptable !

Et vous attendez à la sortie des artistes tous les jours depuis 1949 ?

Oui, et à force de me voir, les artistes ont fini par me connaître et je suis devenu leur ami. Ils m'aiment bien et me respectent car ils savent que je les attends parce que je les aime pour eux- mêmes et pas pour acquérir une espèce de gloire à leur contact.

Et en plus des fleurs, vous offrez des sucreries à vos idoles ?

Oui, faire de la pâtisserie est mon violon d'Ingres. Avant, j'avais un grand appartement à Paris, et j'organisais des réceptions pour les artistes, et tous venaient chez moi, car ils me connaissaient, mais ensuite je suis parti en Israël, et j'ai vendu mon appartement. Je suis revenu à Paris plus tard, mais je ne trouve pas de logement à mon goût, j'habite dans un studio, qui est bondé, vous pensez, avec mes 10 000 programmes ! Il arrive encore que des artistes qui les ont connues me réclament des soirées, je ne sais pas, si je trouve un jour un grand appartement qui me plaise, je recommencerai sûrement. En attendant, pour compenser, l'idée m'est venue de leur offrir des plateaux de douceurs... 

Vous avez toujours suffisamment de petits cadeaux, de fleurs et de sucreries pour tout le monde ?

Si je n'en ai pas, on me les réclame ! on en a tellement l'habitude ! jeudi dernier, pour la deuxième d'Il Pirata, j'ai été pris de cours, je n'avais rien à offrir, et des gens m'ont arrêté pour me demander où étaient passées mes fleurs. Une autre fois, il m'est arrivé la même mésaventure au théâtre Hébertot, et ce sont les artistes qui ont réclamé. Alors, dès le lendemain matin, j'ai déposé une corbeille de friandises au théâtre.

Chaque fois que je vous rencontre, vous attendez une cantatrice. Vous préférez les artistes féminines ?

Pas du tout, comédien, comédienne, je ne fais aucune différence. D'ailleurs ce soir, j'ai offert des fleurs aussi bien à Renée Fleming qu'à Christoph Eschenbach.

Mais vous avez bien des préférences ? Quelle est la cantatrice que vous aimez le plus, par exemple ?

Non, je n'ai aucune préférence, je les aime tous. Simplement, je pense qu'un artiste doit respecter son public. Faire attendre ses fans pendant des heures pour les prendre de haut et ne même pas leur accorder un regard à la sortie est indigne. Prenez Maria Callas, par exemple... 

(interloquée) Vous avez offert des pâtes de fruit à Maria Callas ?

Non, malheureusement, je n'ai jamais réussi. Mais j'ai pu obtenir une photo dédicacée d'elle, grâce au concierge de l'Opéra !

Pour terminer, m'autorisez- vous à vous photographier ?

(hésitant) c'est que... voyez- vous, je ne suis pas très en train aujourd'hui, je ne suis pas très beau... mais tant pis (il sort un peigne de sa poche et se recoiffe)... simplement, promettez- moi de ne pas publier la photo si je ne suis pas réussi... (il prend la pose)... 

Effectivement, la photo ne fait pas honneur à mes talents de photographe, qui sont d'ailleurs inexistants. Mais je tiens à rassurer celui que je continue à appeler M. Armand. Si j'ai tenu à publier cette photo, même un peu ratée, c'est parce que lui est toujours, et quoi qu'il arrive, MAGNIFIQUE !
 
 

Catherine Scholler

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