Le 29 octobre
2003 disparaît à l’âge de 65 ans un des ténors les plus controversés de sa
génération, Franco Bonisolli.
Né à
Roveretto en Italie le 25 mai 1938, il étudie le chant avec Alfredo Laretto et
gagne en 1961 le concours international de chant à Spoleto, ville dans laquelle
il fait ses débuts un an plus tard au Teatro Nuovo dans le rôle de Ruggiero de
La Rondine de Puccini. Il y fait une forte impression et est réinvité
l’année suivante pour chanter Le Prince dans L’Amour des trois oranges de
Prokofiev puis Alfredo dans La Traviata de Verdi mise en scène par
Luchino Visconti. Son immense talent vocal et dramatique lui vaut alors de faire
ses débuts américains à Dallas en 1965 aux côtés de celle qui va devenir l’une
des stars du Bel Canto romantique : Montserrat Caballé. Dans la foulée, le
cinéma s’empare de lui et en 1966 il tourne La Traviata avec une Anna
Moffo plus belle que jamais.
A partir de
là, les engagements et les triomphes se succèdent et il fait rapidement ses
débuts internationaux sur les plus grandes scènes du monde : à Vienne en 1968, à
La Scala de Milan en 1969 (Cleomene dans L’Assedio di Corinto de Rossini
sous la baguette de Thomas Schippers), au Metropolitan Opera de New York en 1971
(Almaviva dans Il Barbiere di Siviglia de Rossini).
Cette
apparente propension à interpréter le répertoire du maître de Pesaro – il a
chanté aussi La Donna del Lago avec Montserrat Caballé – laisse présager
que le vrai ténor rossinien est enfin arrivé. En effet, la voix de Bonisolli a
pour caractéristiques un beau timbre corsé, un volume et une projection
impressionnants et une vocalisation jusqu’alors inouïe pour un ténor.
Malheureusement, Bonisolli, fier de ses atouts vocaux, veut se mesurer au grand
répertoire traditionnel verdiano-puccinien et à l’opéra français. Il quitte
Rossini vers lequel il ne reviendra que pour le rôle d’Arnoldo dans Guglielmo
Tell. Rossini devra attendre Francisco Araïza et Rockwell Blake pour
renaître.
Bonisolli va
donc interpréter dans un premier temps des rôles tels que Nemorino (L’Elisir
d’amore de Donizetti), Fernando (La Favorita de Donizetti), Edgardo (Lucia
di Lammermoor de Donizetti), Il Duca di Mantova (Rigoletto de Verdi),
Faust de Gounod, Des Grieux (Manon de Massenet), Les Contes
d’Hoffmann d’Offenbach,… pour, ensuite, s’attaquer à des rôles beaucoup plus
lourds et dramatiques tels que Arrigo (I Vespri siciliani de Verdi) qui
marque ses débuts en 1974 à l’Opéra de Paris aux côtés de Cristina Deutekom,
Alvaro (La Forza del destino de Verdi), Manrico (Il Trovatore de
Verdi) qui reste son rôle fétiche, Radamès (Aïda de Verdi) et jusqu’à l’Otello
de Verdi, rôle sur lequel tant de ténors se sont effondrés !
Puis vient
rapidement le répertoire vériste avec Andréa Chénier de Giordano, Mario
Cavaradossi (Tosca de Puccini), Calaf (Turandot de Puccini),
Turridu (Cavalleria Rusticana de Mascagni) et Canio (I Pagliacci
de Leoncavallo).
Franco
Bonisolli s’est également distingué tout au long de sa carrière par deux
caractéristiques qui ne l’ont jamais quitté : tout d’abord, conscient qu’il
était détenteur d’une quinte aigue exceptionnelle, il aimait à rajouter force
contre-uts et contre-rés partout où il pouvait. Mais il était connu aussi pour
avoir un caractère épouvantable, à la mesure d’un ego surdimensionné, dérivant
parfois dans une paranoïa délirante : il était convaincu par exemple que Luciano
Pavarotti, Placido Domingo et José Carreras étaient jaloux de lui et projetaient
de l’empoisonner. Ses scandales ont fait date : en 1977, il s’est fâché avec
Karajan lors des représentations d’Il Trovatore à Vienne, puis avec
Riccardo Muti dont chacun sait qu’il n’aime pas les notes non-écrites et qui lui
avait interdit tout aigu dans Rigoletto.
En 1991, il
annonce assez inopinément qu’il va se retirer de la scène mais il fait un retour
en force à l’Opéra de Vienne à partir de 1999 dans son rôle fétiche : Manrico.
Bonisolli a à
son actif un certain nombre d’enregistrement lives et studios dont voici la
liste :
Opéras :
- Iphigénie en Tauride de Glück (avec Pilar
Lorengar) (studio) (Orfeo)
- La Donna del Lago de Rossini (avec Montserrat Caballé) (live) (Opera d’Oro)
- L’Assedio di Corinto de Rossini (avec Beverly Sills) (live) (Opera d’Oro)
- Guglielmo Tell de Rossini (avec Katia Ricciarelli) (live) (extraits) (Gala)
- I Masnadieri de Verdi (avec Joan Sutherland) (studio) (Decca)
- Luisa Miller de Verdi (live) (Ponto)
- Rigoletto de Verdi (studio) (Acanta)
- Il Trovatore de Verdi (avec Raina Kabaivanska) (studio) (Acanta)
- Il Trovatore de Verdi (avec Leontyne Price) (studio) (Emi)
- Il Trovatore de Verdi (avec Rosalind Plowright) (live) (video) (Arthaus)
- La Traviata de Verdi (avec Montserrat Caballé) (live) (Melodram)
- La Traviata de Verdi (avec Anna Moffo) (film) (Vai)
- La Traviata de Verdi (avec Mirella Freni) (studio) (Acanta)
- Aida de Verdi (avec Leontyne Price) (live) (33t. HRE)
- Tosca de Puccini (avec Galina Vichnievskaia) (studio) (DG)
- La Bohème de Leoncavallo (studio) (Orfeo)
- I Pagliacci de Leoncavallo (studio) (extraits) (Emi)
- Cavalleria Rusticana de Mascagni (avec Martina Arroyo) (studio) (Eurodisc)
- Andrea Chénier de Giordano (avec Maria Guleghina) (studio) (Capriccio)
- Djamileh de Bizet (avec Lucia Popp) (Studio) (Orfeo)
- Benvenuto Cellini de Berlioz (live) (Opera d’Oro)
Récitals:
- Airs italiens et français (Acanta)
- Duos italiens (avec Mirella Freni) (Acanta)
- Mélodies napolitaines (Orfeo)
- My Way (Concert live à Munich en 1988) (Bayerischer Rundfunk)
Jérôme Royer