Elle
est la mezzo-soprano préférée des Théâtres
français, elle est l'une des artistes françaises la mieux
représentée à l'étranger vu que les grandes
institutions telles que La Scala et Le Met sont à ses pieds et,
en plus!, elle ne roule pas en Mercedes. Nous avons rencontré Béatrice
Uria-Monzon - BUM pour les intimes - qui nous a parlé de sa relation
conflictuelle avec son rôle fétiche, Carmen, ainsi que de
son investissement dans l'éducation des jeunes à la musique
et de ses nombreuses perspectives de carrière.
En
terminale, vous découvrez le chant avec la chorale de votre lycée,
qui s'impose à vous comme une évidence... Était-ce
votre premier lien avec la Musique ? Comment cela s'est ?il passé
? Une oeuvre ? Un personnage ?
Pendant
quatre ans j'ai pratiqué la guitare classique en dilettante, sans
réellement me préoccuper de la partie la plus ingrate, le
solfège. J'étudiais au conservatoire mais sans aucune conviction.
Après avoir obtenu mon bac, j'ai refait une terminale, ne sachant
trop dans quelle direction m'orienter, et, par curiosité, j'ai commencé
le chant avec la chorale de mon lycée. Peut-être à
cause de la rencontre avec ce professeur, mais surtout grâce à
cette rencontre avec moi-même, le chant m'était révélé.
J'ai découvert et ai pris conscience de ma voix, de mon corps, des
sensations de vibration, de tout ce que je pouvais dire et exprimer à
travers le chant. Le chant s'imposait à moi comme une évidence.
Je devais l'étudier. Je n'avais aucunement l'idée de devenir
chanteuse professionnelle, je voulais simplement étudier le chant,
cela me plaisait. Bien sûr, quand mon professeur m'a conseillé
le conservatoire, je m'y suis inscrite, mais sans faux espoirs. En effet,
elle avait bien insisté pour m'expliquer qu'il est rare de devenir
chanteur professionnel, qu'il y a beaucoup d'appelés mais peu d'élus,
qu'il faut travailler au moins pendant 10 ans avant de pouvoir prétendre
à l'appellation " professionnelle "....Une telle sincérité
est aujourd'hui plus rare. Je ne sais si certains professeurs font miroiter
des carrières merveilleuses à certains élèves
par peur de les perdre, mais en entendant leurs jeunes protégés,
rien ne permet de proférer de telles affirmations.
Vous
avez un répertoire très étendu : vous avez couvert
presque tout le répertoire français, une partie non négligeable
des rôles italiens. Comment a évolué votre relation
avec Carmen, depuis vos débuts dans ce rôle à Bastille
jusqu'à votre interprétation magistrale avec Alagna l'été
dernier
D'abord
c'est très gentil de me dire que j'ai couvert presque tout le répertoire
français, mais s'il est vrai que ma carrière s'est développée
autour de ce répertoire, je suis loin d'avoir tout chanté
heureusement. Pour Carmen....c'est une oeuvre tellement intime, un personnage
auquel je suis tellement liée. Tout a commencé en 1993 quand
j'ai auditionné pour la première fois ce rôle à
Bastille. J'y étais allée sans aucune conviction... parce
que j'avais alors d'autres projets en tête, et puis je n'avais aucune
envie de faire Carmen telle que les gens en général la perçoivent
et l'attendent, les mains sur les hanches, en minaudant... je ne m'en sentais
pas capable... ce n'était pas ma vision de cette femme. Aux USA
par exemple où j'ai auditionné pour le Met, Carmen doit arriver
-encore aujourd'hui- en dansant le Flamenco avec les castagnettes ! C'est
un vrai show, où les spectateurs attendent que Carmen lève
les bras en l'air à la fin de la Séguedille. Mais ce n'est
pas du tout cela que je veux faire ressortir en elle, ce qui m'intéresse,
c'est ce qu'a écrit Bizet, tout simplement, le respect du texte
et de la partition... Et cette vision dépravée de Carmen
était encore d'actualité en 1993. Mais quand Bastille vous
propose une audition, on accepte. J'arrive donc, sans avoir réellement
travaillé, la partition à la main, sans y croire. En tout
cas, on m'avait convoquée pour m'entendre dans ce rôle, j'étais
là pour chanter, donc j'allais chanter Carmen comme moi je l'entendais.
Et j'ai été prise...Alors j'ai découvert vraiment
qui était Carmen, et je me suis découverte moi-même
par rapport à elle. Qu'allais-je sortir au plus profond de moi par
rapport à cette femme ? C'est étrange, elle qui ne cesse
de clamer et revendiquer sa liberté est enfermée dans des
idées étroites et arrêtées, presque caricaturales....
Il
y a un reproche qu'on peut éventuellement faire à Carmen
c'est de demander à José de sacrifier tout ce qu'a été
sa vie...juste pour elle...
Non
justement, elle ne lui demande pas de sacrifice, elle attend juste un amour
éphémère de lui. Elle lui demande juste de vivre l'instant.
Carmen se moque de ce qui peut venir avant ou après, sans penser
aux dangers qui accompagnent ce mode de vie - elle en mourra d'ailleurs
! Carmen en fait ne se pose pas de question. Ce qu'elle attend, c'est que
José vive sa vie comme elle-même vit sa propre existence,
passionnément, intensément, dans l'instant. A ses yeux, le
renoncement de José est donc normal, car elle a tellement plus de
choses merveilleuses à lui offrir. Quel est donc ce renoncement
au costume d'officier en échange de la liberté et de l'amour
que Carmen va lui donner ? Tous sont fous d'amour pour elle " Carmen sois
gentille au moins réponds nous, oui dis-nous quel jour tu nous aimeras
", et celui qu'elle choisit hésite ? Il y de quoi devenir folle
!
En
tout cas une chose est certaine et on ne peut que vous rendre grâce
pour cela, vous avez toujours évité l'écueil de la
vulgarité...
Mais
je n'ai rien inventé, Carmen n'est pas vulgaire, qu'on lise le texte,
qu'on lise ce qu'elle chante " Quand je vous aimerai, ma foi, je ne sais
pas, peut-être jamais, peut-être demain, mais pas aujourd'hui
c'est certain " ou encore pendant la Habanéra " l'amour est un oiseau
rebelle qui n'a jamais connu de loi, tu crois le tenir il t'évite,
tu crois l'éviter il te tient ". Je ne comprends donc pas quand
on entend cela que l'on joue une femme qui se frotte aux hommes : au contraire,
elle leur dit " bande d'imbéciles vous n'avez rien compris, l'amour
est un oiseau rebelle, allez -vous en ! "
Avec Sonia Ganassi (gauche) dans
Les Contes d'Hoffmann à La Scala
Pensez-vous
l'interpréter à nouveau ?
Aux
USA oui à Houston, imposer aux USA une Carmen sans chichi ne sera
pas chose aisée, mais tant pis....Je ne vais certainement pas trahir
ma vision, ma vérité du personnage - qui n'est bien sûr
que la mienne- uniquement pour me faire applaudir. Si les spectateurs aiment,
tant mieux, s'ils n'aiment pas, tant pis. Je ferai toujours ce qui me semble
juste peu importe où je chante, en France en Chine, aux USA....
Et tant pis si quasiment tous les spectateurs ont détesté
ce que je proposais parce que ce n'est pas cette interprétation
qu'ils attendaient. Si un seul a compris ce que je voulais dire, tant mieux,
c'est pour lui que je continue de chanter. Ainsi, un jour dans l'avion,
j'ai reçu un merveilleux compliment : je discutais avec une dame
assise à côté de moi, qui me demande au fil de la conversation
ce que je fais. Elle réalise alors qu'elle m'a entendue dans Carmen
et m'explique : " Quand je suis sortie du spectacle je ne savais pas si
j'avais aimé ou non. J'avais été perturbée
" Et j'ai trouvé ça fabuleux. Elle avait été
remuée et pas seulement dans l'émotion. Elle s'est posée
cette question, " pourquoi avais-je cette autre idée de Carmen ".
En se posant cette question, elle s'interroge sur Carmen, mais aussi sur
elle-même, et a pu aller à la rencontre d'elle-même.
Et toucher les gens de la sorte, c'est cela qui m'intéresse. En
Europe, on me propose de moins en moins de chanter Carmen, j'ai tellement
dit que j'en avais assez. En fait ce n'est pas chanter Carmen qui me lasse,
c'est qu'on ne me propose plus aucune mise en scène intéressante
et intelligente, où rien n'est réellement réfléchi,
où le metteur en scène n'apporte rien de personnel. Dans
ces conditions, je n'ai aucune envie de reprendre ce rôle.
Justement,
quel est votre regard sur les metteurs en scène aujourd'hui ?
J'ai
l'impression de participer à un nombre grandissant de représentations
avec des metteurs en scène assez peu sensibles à la réalité
de l'art lyrique.. A mes débuts, c'était totalement différent.
Au premier contact avec le metteur en scène, on se mettait tous
autour d'une table, chacun avec sa partition. Le metteur en scène
exposait alors sa conception de l'opéra et expliquait ce qu'il voulait
faire de chaque protagoniste. Aujourd'hui on se contente de directions
scéniques parfois approximatives, " va à gauche, va à
droite ", sans chercher à approfondir l'essence du personnage et
ça va aller en s'empirant. Cette réalité m'inquiète,
tout comme l'évolution générale du métier.
Par exemple, il y a peu de temps, j'ai eu un concert avec un chef.... L'avant-veille
du spectacle : première lecture d'orchestre. Le lendemain on avait
encore une répétition et ensuite c'était le concert.
Ce genre d'exercice est déjà particulièrement périlleux
quand on connaît parfaitement la partition, mais quand c'est une
prise de rôle c'est épouvantable. Or, visiblement, le chef
découvrait la partition : certains musiciens m'ont confié
à la fin de la représentation : heureusement que tu connaissais
l'oeuvre, on a cru à un moment qu'on allait s'arrêter, on
ne comprenait plus rien à ce que nous demandait le chef. Et c'est
vrai qu'en plein milieu du concert, j'entendais que derrière ça
n'allait pas du tout, ils n'étaient pas du tout au bon endroit,
et j'ai avancé, j'ai continué et ensuite ils ont pu se raccrocher
à moi.
C'est
presque vous dirigiez en fait...
(Rires....)
Oui c'est presque moi qui dirigeais. Mais parfois les artistes aujourd'hui
sont sollicités tout au long de l'année aux quatre coins
de la planète, et de facto n'ont pas le temps de travailler toutes
les oeuvres autant qu'ils le souhaiteraient. Ce n'est évidemment
pas une généralité. En ce moment, je suis à
Toulouse avec Maestro Maurizio Bénini qui connaît les voix
et l'oeuvre de Don Carlos très précisément. Je suis
en confiance totale avec ce chef. Heureusement que ce genre de personnes
et de productions existent encore, ce sont elles qui donnent le goût
de continuer dans ce métier...sinon se serait vraiment décourageant.
Quels
sont les autres personnages auxquels vous êtes très attachée
?
Tous...
tous mes rôles... Dans des registres très, très différents...
Charlotte m'a beaucoup touchée dans ses choix, dans tout ce qu'elle
doit aimer, décider.... Attention, comme pour Carmen, je ne me compare
pas au personnage, j'ai fait des choix de vie totalement différents.
Mais ce qui me plaît dans toutes ces femmes, c'est précisément
leur choix de vie, elles aiment et vont au bout de leur passion, elles
sont honnêtes et sincères. Eboli, que je chante en ce moment
répond également à ces critères. Certes c'est
une intrigante, mais c'est une femme blessée dans son orgueil :
Don Carlos ne lui rend pas l'amour qu'elle lui porte et sa situation est
terrible... En fait, c'est vrai, heureusement que ma voix ne se prête
pas à chanter les rôles de soubrettes, car cela m'aurait profondément
ennuyé. J'aime interpréter ces femmes au caractère
passionné...
Quels
sont vos meilleurs souvenirs à l'heure actuelle ?
Ma
première Carmen justement. C'est un très beau souvenir. J'ai
passé presque un mois entier seule avec le metteur en scène
à échanger sur nos conceptions de l'oeuvre, à comprendre
la sienne. Béatrice et Bénédicte aussi avec Pierre
Constant fut une expérience enrichissante. En fait, j'aime tous
les gens qui travaillent à fond dans le respect de la partition,
de l'artiste. Ce qui m'intéresse, quand je suis sur scène,
c'est de voir ce que je peux donner au metteur en scène : où
vais-je trouver en moi ce qu'il attend, ce qu'il comprend du personnage...
tout ce travail de confiance est pour moi primordial, que ce soit avec
le metteur en scène ou le chef d'orchestre. J'essaie en fait d'avoir
la même démarche, la même approche de compréhension
vis-à-vis du chef ou du metteur en scène et de la partition.
Dans certains théâtres de répertoire, comme à
Vienne, les productions sont données très fréquemment,
tout au long de l'année. Les artistes arrivent et se succèdent,
devant s'intégrer rapidement dans des mises en scène qui
existe déjà en dehors d'eux. On travaille ainsi avec des
assistants de metteurs en scène morts depuis 15 ans, on a à
peine le temps de découvrir les décors, les costumes et surtout
de faire un vrai travail d'orchestre et déjà c'est la première.
On s'en sort alors en croisant les doigts. En fait, tous les artistes arrivent
avec leur talent, mais c'est comme une recette de cuisine : tous les ingrédients
ont beau être d'une excellente qualité, si le cuisinier les
mélange mal, le résultat peut être infecte. A l'opéra
c'est pareil.... On arrive, chacun sait ce qu'il a à faire et chante
de son côté en faisant attention de préserver sa voix,
mais la magie ne peut opérer dans ces conditions.
Y
a-t-il des artistes dont la seule évocation du nom vous pousserait
ou vous ont poussée à renoncer à une production ?
Non,
je n'ai pas l'impression d'avoir pensé cela un jour, car je n'ai
pas un caractère de diva qui impose ses choix. Certes il y a des
artistes avec lesquels cela m'ennuie profondément de travailler
mais je me dis que c'est juste un très mauvais moment à passer...(rires)
Avec Alain Fondary dans le rôle-titre
d'Hérodiade à Saint-Etienne
Quels
sont les artistes avec lesquels vous souhaiteriez travailler dans le futur
?
J'aime
énormément Natalie Dessay, en tant qu'artiste et en tant
que femme, Mireille Delunsch aussi et puis Ramon Vargas avec qui j'ai gardé
un merveilleux contact. En fait, dans ce milieu, c'est rare de réellement
garder contact avec les artistes. On se croise lors d'une production, et
ensuite, l'un va à un endroit, l'autre ailleurs. C'est un mythe
de croire que tous les artistes d'une production dînent ensemble
tous les soirs après la représentation. La réalité
c'est qu'on rentre chacun seul dans son coin. Même aux chorégies
d'Orange, on n'est jamais allé dîner ensemble, jamais, jamais,
jamais. Chacun a ses habitudes, chacun va à son rythme. Certes,
il y a des productions où l'on s'amuse énormément,
où l'on a beaucoup ri comme Béatrice et Bénédicte
mais ça ne va pas au-delà. Quand on est sur scène,
on se met déjà à nu, alors ensuite, peut-être
par pudeur, peut-être pour se préserver, on n'est pas forcément
tenté de se donner à nouveau entièrement aux autres,
au prix d'une solitude très lourde à supporter quelques fois,
surtout quand on est à l'étranger.
Comment
percevez-vous l'Opéra de Paris par rapport aux autres maisons prestigieuses
où vous vous êtes produites ?
Là,
je le dis en toute sincérité, pour avoir chanté dans
beaucoup de salles en Europe et dans le Monde, l'Opéra National
de Paris est l'un des grands théâtres. C'est vrai aussi que
j'adore cet Opéra. J'y ai fait mes débuts, et je connais
vraiment bien cette maison, les gens qui y travaillent, accessoiristes,
habilleuses....Je m'y sens vraiment bien : c'est une maison où j'aime
répéter, car on y travaille bien, tant par l'organisation
que par l'écoute des artistes : quand on a une demande, on peut
en faire part, ils font en sorte que ça se passe bien pour l'artiste.
Parlons
de votre actualité... C'est la première fois que vous abordez
le répertoire slave à Bastille avec l'Amour des trois Oranges
en décembre prochain et le rôle de Fata Morgana. Comment avez-vous
été amenée à faire ce choix ?
Quand
Gérard Mortier est arrivé, il m'a découverte dans
Orlofski (NDLR : Chauve-Souris 2003 sous la direction de Vladimir
Jurowski). Il m'a alors proposé de chanter Fata Morgana, que j'ai
accepté, même si le rôle est court et secondaire. J'aime
l'oeuvre et surtout je voulais chanter encore à Bastille... maison
à laquelle je suis tellement attachée. J'adore chanter au
Met, à la Scala, mais je survivrais de ne pas m'y produire chaque
saison. Bastille me manquerait trop.
A
propos de votre Orlofski, je ne vous connais pas de rôle allemand
: Pourquoi avoir choisi la Chauve-Souris ? Comment la mise en scène
de Colline Serreau vous a-t-elle aidée à aborder ce rôle
?
J'ai
adoré ce que Colline Serreau a fait du Prince. La perception conventionnelle
du prince en smoking est certes agréable, mais j'ai trouvé
génial qu'elle se détache de cette habitude pour aller au
bout d'une image d'Orlofski qui lui était personnelle -quelqu'un
de proche dans son entourage était malade-, et j'ai trouvé
intéressant d'aborder le Prince dans ce corps malade et meurtri,
de mettre en abîme ce personnage désabusé, avec un
recul sur cette société qui se présente chez lui pour
profiter de son argent et s'empiffrer alors qu'il est mourant. Cette approche
m'a énormément séduite : Essayer de ressentir cette
expérience au fond de mon corps et de ma voix. On en revient à
ce que je disais au début.
Et
Wagner et Strauss ? Pas de Compositeur, Pas d'Octavian ?
M.
Mortier m'a proposé mon premier Wagner ; j'interpréterai
Vénus en 2007. C'est vrai que j'ai mis un peu de temps à
aborder ce répertoire. On m'avait proposé Kundry il y a quelques
années, j'ai refusé, car je trouvais cela prématuré
et dangereux. Je vais également interpréter le Château
de Barbe-Bleue. En ce qui concerne le Compositeur, ce que fait Sophie Koch
est tellement extraordinaire que je ne vois pas ce que je pourrais apporter
de plus. Interpréter le Compositeur comme le demande Richard Strauss
m'obligerait à changer la couleur de ma voix, à la moduler,
et je n'en vois pas l'intérêt. Quant à Octavian, aussi
sublime que soit sa partition, et même si cela me convient vocalement,
je ne suis pas attirée par le personnage, je n'ai pas envie d'interpréter
ce rôle d'homme.
Quels
sont les grands rôles que vous aimeriez encore aborder ?
Et
que je vais chanter. Didon des Troyens en 2008 puis Chimène du Cid
et bien sûr Juditha ! En fait, j'ai très envie de m'éloigner
de Carmen, sans y renoncer pour autant, car je suis systématiquement
associée à Carmen, et on m'imagine peu ailleurs... or j'ai
très envie de découvrir d'autres répertoires. Une
page est en train de se tourner.
S'il
ne devait rester que 3 opéras, lesquels choisiriez-vous ?
Quel
choix difficile.... Un Wagner, Un français, un italien. Pour Wagner...
Tannhäuser...
Parsifal aussi. Pour l'Italien, Don Carlos, probablement
parce que je suis influencée par ce que je chante en ce moment...
Pour le français, non ce ne sera pas Carmen... mais... Tout
Berlioz... j'adore son orchestration et sa façon d'écrire
pour les voix.
Sur
votre site, vous vous engagez pour la promotion de l'art lyrique auprès
des plus jeunes. Comment voyez-vous la situation de l'art lyrique aujourd'hui
par rapport à hier et surtout à demain ? Craignez-vous une
réelle désaffection, un réel désamour des plus
jeunes générations pour l'opéra et la musique classique
en général ? Quelles solutions seraient selon vous envisageables
?
Ce
sujet est très important et très vaste. Je ne sais pas par
quoi commencer. Une chose est certaine, l'enseignement de la musique est
catastrophique en France. On ne parle jamais de plaisir, de l'aspect ludique
et c'est pourtant essentiel. Dans les écoles de musique, certains
enseignants sont trop préoccupés par le seul aspect technique
de la musique, on dirait qu'ils attendent d'avoir un Mozart parmi leurs
élèves. Or je trouve plus intéressant d'entendre un
enfant qui exprimera quelque chose, qui nous livrera une partie de lui
dans son interprétation, quitte à avoir plusieurs notes à
côté qu'un enfant doté d'une technique parfaite mais
qui n'exprime rien. Il existe heureusement des structures parallèles
comme Classisco à Toulouse qui oeuvrent pour initier les plus jeunes
à la Musique. Au Zénith de Toulouse, ils ont donné
un concert où tous les genres musicaux étaient présents
devant 10000 enfants ravis. Ils donnent aussi bien sûr des concerts
classiques exclusivement. A l'Opéra Bastille, avant, je ne sais
pas si ça se fait encore, il y avait un programme pour les écoles,
le programme " 10 mois d'école et d'opéra ". L'opéra
de Paris envoyait un projet sur lequel les élèves travaillaient
avec leur professeur, et on rencontrait les enfants ensuite. Je répondrai
toujours présente à ce genre d'initiatives. Mais je ne suis
pas la seule. Pratiquement tous les artistes que je connais, si on leur
donne une date précise avec un thème précis se porteront
volontaires pour ce genre de manifestations. Surtout que c'est le moment
idéal pour sensibiliser les plus jeunes. En ce moment, le chanteur
lyrique a le vent en poupe. Qu'on regarde Fogiel ou Ardisson, peu importe
ce que l'on pense d'eux par ailleurs, on constate que de plus en plus de
chanteurs lyriques sont invités, que la société s'ouvre
de plus en plus vers nous. Ce qui permet aux gens de constater que l'opéra
leur est accessible et n'est en aucun cas réservé à
une élite... l'opéra est entouré de cette fausse image
avec le chanteur diva en mercédès devant un château,
comme le suggère la caricature de Marianne James, que j'aime beaucoup
par ailleurs... Comme tous les chanteurs que je connais, je fais mes courses
toute seule chez Auchan comme une grande.
Propos recueillis
par Audrey Bouctot
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