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Vittorio Gnecchi et Richard Strauss
ou L’Agneau et le loup ?
10/11/07
Malgorzata Walewska als Cassandra, Gustavo Potra als Agamennone
© Foto: Barbara Aumüller
A partir du 3 novembre 2007, le « Deutsche Oper Berlin » reprend la Cassandra de Vittorio Gnecchi (1876-1954),
ayant provoqué en son temps une belle polémique.
Lorsqu’en effet Richard Strauss créa son Elektra,
quatre années plus tard, on chuchota à propos de
certaines similitudes musicales entre les deux opéras traitant
du même sujet. Pour ménager Richard Strauss, on parla de
« Telepatia musicale », selon l’expression
d’une revue italienne. Quant aux déclarations
contradictoires de Strauss, qui ne décoléra pas sur la
question, elles ne viennent pas éclaircir les choses…
Vittorio Gnecchi et Richard Strauss ou L’Agneau et le loup ?
« Pour la musique, l’exécution est la vie.
Un opéra n’a pas le souffle éternel d’un tableau :
s’il demeure caché, il est poussière »
Vittorio Gnecchi
Cette curieuse affaire Gnecchi revint à la lumière lors
de la publication, par la firme Agorà Musica, de
l’enregistrement intégral de son opéra Cassandra,
réalisé au festival de Radio France Montpellier de
l’été 2000. L’intéressante analyse de
Marco Iannelli figurant dans la plaquette n’était pas de
trop pour présenter cette ténébreuse affaire,
comme dirait Balzac, et le présent article s’y
réfère largement, en proposant à la fois une
traduction résumée et un commentaire. Le musicologue
spécialiste de Gnecchi l’avait intitulée, à
juste titre comme nous allons le voir, Cassandra e il “caso Gnecchi” : Cassandra
et le “cas Gnecchi”, car le malheureux compositeur Vittorio
Gnecchi (Milan, 17 juillet 1876-5 février 1954) fut victime de
curieuses circonstances arrangées par le destin...
Le sujet de cette Cassandra
créée le 5 décembre 1905 au Teatro Comunale de
Bologne est, on l’a dit, le même que celui de l’Elektra
de Richard Strauss. Quelque temps après la création, le
25 janvier 1909, de la version de Strauss, le musicologue italien
Giovanni Tebaldini publie dans la Rivista Musicale Italiana, un article intitulé Telepatia musicale, illustré de dix tableaux comparant une cinquantaine de thèmes de Cassandra à autant de thèmes de Elektra
! Loin de conclure au plagiat, Giovanni Tebaldini parle
simplement d’inspiration commune et naturelle pour deux
compositeurs mettant le même sujet en musique.
Jeanne-Michèle Charbonnet als Elektra
© Foto: Barbara Aumüller
Richard Strauss pouvait matériellement connaître Cassandra
car Vittorio Gnecchi non seulement lui avait envoyé une copie de
la partition en 1905, mais lui en avait remis une seconde en main
propre, lorsque Strauss s’était rendu à Turin pour
la première de Salomé en Italie (décembre 1906).
Des commentateurs malveillants n’eurent pas la réserve (un
peu bizarre, il faut le dire, car tout de même quelque peu
insinuante) du musicologue Tebaldini et les polémiques
s’enflammèrent. Richard Strauss, formel, affirma
n’avoir jamais lu une note de Cassandra
et la situation se retourna au point que c’est le pauvre Gnecchi
que l’on accusa de plagiat, lui dont l’opéra
précède celui de Strauss de quatre années !
Berlin en rassemblant les deux œuvres - Elektra est donnée en complément de soirée après Cassandra
- nous offre l’occasion de découvrir l’opéra
de Gnecchi et de tenter de jeter un peu de lumière sur ces
mystérieuses similitudes. Tel est le propos du dossier que nous
consacrons au sujet.
Yonel BULDRINI
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