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Ezio, l’opéra retrouvé

© Reiner Pfisterer

A chaque été ses festivals et à chaque festival son état d’esprit : prestigieux : Salzbourg, Aix, Verbier ; populaire : Orange, Vérone, Avenches ; baroque : Beaune ; monomoniaque : Pesaro, Bayreuth ; ou encore audacieux : Montpellier, Martina Franca et, moins connu, Ludwigsburg en Allemagne qui depuis 2005, sous l’impulsion de son directeur artistique, Wulf Konold, s’attache à exhumer les opéras oubliés du 18e siècle.  Cette année, Ezio de Christoph Willibald Gluck.    


« Mettre en scène Ezio à Ludwisburg a été décidé conjointement par le chef d’orchestre, Michael Hofstetter, et par l’administration du festival, notamment le directeur général, Markus Kiesel et moi-même », explique Wulf Konold, « Quand nous avons pris la direction du Ludwigsburger Schlossfestspiele en 2005, nous nous sommes engagés à faire revivre les opéras seria du 18e siècle. Nous avons produit pour commencer Gli Orazi e i Curiazi de Domenico Cimarosa puis, en 2006, Les Danaides de Salieri. Pour les 250 ans du château l’année prochaine, nous avons prévu de présenter un opéra de Jomelli ».




250 ans… Les fées se sont penchées sur le berceau du festival de Ludwisburg en le dotant de la plus grande résidence baroque et du plus ancien théâtre royal d’Allemagne, qui plus est en parfait état. Quand on dispose de tels atouts, il semble naturel de faire la part belle à l’opéra baroque. Naturel mais pas évident. Fondé en 1932, le festival a attendu près de 70 ans pour se focaliser sur le théâtre lyrique du 18e siècle.

« Après Salieri l’année dernière, il nous a paru logique de mettre à l’honneur Gluck, le premier étant l’élève du second », poursuit Michael Hofstetter, « notre choix s’est arrêté sur Ezio parce que l’œuvre n’avait pas été jouée depuis 240 années et parce que la maison d’édition Bärenreiter venait juste de publier la partition de la seconde version, celle de 1763. La première version d’Ezio, composée pour un petit ensemble, a été créée à Prague en 1750. Treize ans plus tard, Gluck réécrivit la partition pour le Burgtheater de Vienne dont l’orchestre était autrement opulent. Il enrichit alors l’instrumentation en ajoutant des flûtes, des trompettes et des claviers mais d’une manière très intelligente : les instruments additionnels ne sont utilisés qu’à des moments choisis afin de produire un son particulièrement virtuose. Gluck a écrit là une musique très profonde dont je veux à travers ma direction d’orchestre souligner les affects. Seria ne signifie pas absence de dramatisme ».

1763, soit un an après la création d’Orfeo e Euridice qui devait jeter les fondements de la fameuse réforme gluckiste et sonner le glas de l’opéra seria. Ezio, pourtant au contraire de son aîné, ne porte pas en lui le poison auquel succomberont les arie da capo avec leurs ritournelles, cadences et autre ornementations. Le livret est d’ailleurs signé de Métastase, féroce partisan du drame musical à l’ancienne et de ses fioritures, auquel on a souvent opposé Calzabigi, le librettiste d’Orfeo, attaché davantage à la beauté simple et à la recherche d’une certaine vérité théâtrale. Il existe pourtant au moins un point commun entre les deux œuvres : le sublime arioso d’Orphée « Che puro ciel » provient d’Ezio (*).


© Reiner Pfisterer

« L’opéra devrait s’intituler Fulvia plutôt qu’Ezio », déclare Peer Boysen, le metteur en scène de cette nouvelle production, « Il raconte en effet la destruction physique et mentale de Fulvia par l’égoïsme et la brutalité des hommes, son père notamment qui veut à tout prix parvenir à ses fins sans se soucier de nuire à sa propre fille. Elle se trouve prise en otage dans un monde où l’abus de pouvoir et les calculs politiques font partie du lot quotidien. Elle n’est en rien un personnage conventionnel mais au contraire une femme extraordinaire avec des émotions existentielles d’une force rare. Le défi pour moi consiste à exposer ce caractère hors du commun ».

Auparavant, Cecilia Bartoli sut incarner avec le brio qu’on lui connaît cette héroïne farouche, le temps d’une aria dans l’album qu’elle consacra à Gluck, sans qu’il y ait pour autant un lien de cause à effet entre cet enregistrement et la résurrection de l’œuvre en 2007. Pour ceux qui ont raté le rendez-vous de Ludwisburg, Ezio sera présenté de nouveau par la même équipe lors de l’Internationale Gluck-Opernfestspiele à Nuremberg en mars 2008.



Propos recueillis et réunis par Christophe Rizoud



Note
: (*) Quand Gluck réalisera la version française d’Orfeo en 1774, il puisera de nouveau dans la partition d’Ezio l’air de bravoure qui ferme l’acte I, « L’espoir renaît à mon âme ».

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