Forum Opéra se signale
parmi tous les sites internet consacrés à la musique dite "classique" et plus
spécifiquement vocale par : sa longévité, le professionnalisme de ses
rédacteurs, son nombre élevé de lecteurs, sa crédibilité auprès des maisons
d'opéra et de disques, son capital de sympathie auprès des artistes les plus
prestigieux, sa liberté de ton et la récente inculpation de son fondateur pour
"faux et usage de faux" (il s'agissait d'une mayonnaise qu'il avait
inopportunément mélangée à du ketchup avarié).
Les lecteurs savent tout
cela. Nos confrères aussi. Hélas, cette qualité et le succès qui la couronne
comportent une rançon. Nous la payons en toute magnanimité lorsqu'il s'agit de
petits débutants tentant de voler à notre site un peu de feu, ou bien
d'étudiants en mal de bibliographie, ou bien de curieux s'abreuvant aux
meilleures sources.
Mais cette rançon nous
paraît élevée, énorme, exorbitante lorsqu'elle se mue en pillage de nos idées
éditoriales par des confrères dépourvus d'imagination, en plagiat de nos
meilleures pages par des rédacteurs paresseux, en emprunts de toutes sortes par
des béotiens désireux de se doter à bon compte de quelque aura culturelle.
Faut-il rappeler ce
malheureux incident qui nous fit trouver dans une revue de musique classique se
targuant de l'érudition exhaustive des dictionnaires une pleine page recopiée
sur le travail remarquable d'une de nos plumes, Christian Peter ? L'Histoire a
jugé : ledit magazine a périclité dans une vaste fusion-absorption (à l’évidence
indigeste pour l'absorbeur). De même, faut-il mentionner le nom désormais oublié
de ces sites qui se crurent malins de nous recopier pour mieux s'assurer la
bienveillance des responsables de presse des théâtres et des maisons de disques,
et ainsi capter à leur seul profit la manne des places gratuites et des services
de presse ? Les institutions ainsi volées ont réagi vivement en clouant au
pilori ces amateurs peu scrupuleux, dont nous avions stoïquement subi les plus
odieuses rapines.
Faut-il aujourd'hui que
nous soyons riches de talent et d'idées pour faire l'objet d'un nouvel assaut
rappelant irrésistiblement les mises à sac de Rome par les Wisigoths, dont l'un
des descendants semble sévir aux manettes d'un site que nous croyions ami ?
Car si nous admettons
volontiers que l'histoire de l'opéra exhumé à Montpellier par Fabio Biondi, "La
Festa Cinese", du méconnu Nicola Conforto, appartient à tout le monde, nous
avons du mal à admettre que la critique du spectacle proposé par Montpellier par
notre ami Christian Peter (encore lui!) obéisse à ce que les frères Bogdanov,
convaincus de plagiat éhonté, appelèrent sobrement "le pot commun de la
science" - quand il s'agissait surtout d'un pot de confiture, dans lequel ils
avaient plongé une main indiscrète !
Quand notre collaborateur
Christian Peter écrit :
« L'action se déroule en Chine. Dans son salon richement décoré, Lisinga reçoit
deux amies : Sivene et Tangia. Les trois femmes décident, pour passer le temps,
de faire du théâtre, "un art qui n'est commun qu'aux pays d'Europe", sous l'oeil
intéressé de Silango, le frère de Lisinga. Celle-ci prône la supériorité de la
tragédie et propose un monologue d'Andromaque. »
L’on peut se dire que le plagiaire n’ira pas jusqu’à écrire :
« L'action
se déroule dans la demeure de Lisinga décorée dans le goût chinois. La maîtresse
de maison y invite ses deux amies Sivene et Tangia à prendre le thé. Les trois
femmes décident de faire du théâtre, "un art qui n'est commun qu'aux pays
d'Europe", sous le regard curieux de Silango, le frère de Lisinga, posté
derrière une porte entrouverte Lisinga, adepte de la tragédie antique, propose
un monologue d'Andromaque. »
… tant il est vrai qu’il existe mille manières de
raconter une même histoire. Et pourtant, c’est bien ce qu’il écrit, le bougre.
Quant à la délicieuse Maria Grazia Schiavo,
faut-il qu’elle concentre un accord parfait pour que les mots la décrivant se
ressemblent avec tant d’exactitude ? « Maria Grazia
Schiavo campe une Sivene délicate et sensible. Son timbre clair de soprano léger
illumine la scène champêtre qu'elle chante avec Silango. » (Christian Peter), et
« Maria Grazia Schiavo
confère à Sivene la lumière de son timbre de soprano clair et une délicatesse de
pastel à sa scène pastorale » (notre ami plagiaire).
Sommes-nous bien certain que notre ami plagiaire n’était pas
sorti satisfaire quelque besoin urgent au moment crucial pour emprunter avec une
servilité si patente à son confrère la description d’un moment-clef de l’œuvre ?
« Marta Almajano est une Lisinga de grande classe
dont le monologue tragique "Il barbaro m'affretta alla scelta crudel" est
déclamé avec une émotion contenue et une impeccable ligne de chant. » écrit
Christian, rejoint par notre confrère en une émouvante unanimité : « Marta
Almajano fait merveille dans le monologue tragique "Il barbaro m'affretta
alla scelta crudel" à la pureté de camée. Sans doute le moment le plus émouvant
de la soirée. »
Du moins un sursaut de créativité a-t-il gagné notre ami
plagiaire s’agissant de Silvia Tro Santafé, puisque son propos cette fois-ci
paraphrase presque mot pour mot, au lieu de recopier bêtement, la formule de
notre collaborateur. Comparez et jouez aux sept erreurs : « Enfin,
Silvia Tro Santafé prête son timbre d'airain à Tangia dont elle restitue
finement le dépit amoureux puis l'ironie mordante. » (Christian Peter) et « Enfin,
Silvia Tro Santafé, la voix la plus sonore du plateau, campe superbement
l’amoureuse piquée au vif qui assouvie sa vengeance à coup de piques verbales. »
C’est Monsieur Jourdain qu’on ressuscite !
Mais le plus émouvant, c’est le spectacle d’une émotion musicale
qui trouve les mêmes mots pour exprimer le même enthousiasme. Comme Christian
doit se trouver légitimé, justifié, bref, adoubé lorsqu’à sa formule : « l'Europa
galante offre de somptueuses sonorités, notamment le pupitre des cordes, d'une
grande virtuosité, en particulier dans l'ensemble final qui sera bissé. »
répond, tel la nymphe Echo : « C'est
toujours un bonheur d'entendre une Europa galante des grands
soirs, aux pupitres de cordes impeccables et incisifs dans les volutes de
l'ensemble final, morceau de bravoure qui sera bissé. »
Mais cela n’est rien comparé aux larmes qui durent jaillir au
même moment des yeux de Christian et de ceux de notre ami plagiaire ! Quelle
consolation d’éprouver les mêmes regrets ! Quelle joie d’y suggérer les mêmes
remèdes ! Quelle entente absolue ! Embrassons-nous Folleville ! Marions-les !
Car au moment même où notre collaborateur se faisait cette remarque : « Un
seul regret cependant, la brièveté du concert - une heure à peine, bis compris -
laisse le public sur sa faim. On aurait souhaité une première partie avec
quelques pages orchestrales ou, pourquoi pas, une autre version du livret »,
notre confrère se disait soudain : « La
brièveté du concert - une petite heure, bis compris – aurait sans doute permis
de proposer une deuxième partie de soirée dévolue à un autre avatar musical du
même livret. » Devant un phénomène aussi frappant de transmission de pensée,
nous sommes tentés de contacter l’Association Française des Médiums et
Télépathes !
Au fond, voilà le genre d’événements qui fait trois
victimes.
La première, c’est l’ami plagiaire, qui par ce genre de
dérapage éditorial induit les soupçons les plus forts sur le reste de sa
production, et sur le sérieux tout entier du site qu’il administre. L’immolation
en public de sa réputation, de sa vertu, de son honneur est un geste que nous
contemplons avec une horreur mêlée d’incrédulité.
La deuxième, c’est le Festival de Montpellier. L’attaché
de presse, personne charmante très appréciée de nos équipes, avait cru bon
d’octroyer une place à un rédacteur passant pour sérieux et travailleur ?
Bigre ! il se voit floué, dupé. Il erre dans les rues en criant : « Mes places !
Mes places ! » Et le peuple – toujours prêt à ironiser – le regarde d’un œil
mauvais et vengeur. Qu’il soit assuré de notre sympathie désolée.
Le troisième, c’est notre collaborateur Christian Peter.
Après avoir offert à nos lecteurs – à ses lecteurs - un travail de situation
historique fiable et vérifié, puis un résumé du livret entièrement de son cru,
d’une grande clarté et même d’une véritable élégance (car l’intrigue n’est pas
si simple), puis des impressions critiques percutantes et vives, bref, après
avoir fourni un travail important, l’avoir proposé à révision et relecture à la
rédaction, voici qu’il assiste à la mise à sac de son travail par le premier
parasite venu, posant ses doigts gras d’accapareur sur le petit joyau
fraîchement taillé. Spectacle consternant, et décourageant.
For heureusement, notre collaborateur, constatant ce
forfait, s’en est bien vite consolé en partant d’un éclat de rire jovial et
roboratif. Qu’il nous soit permis de l’imiter, de joindre nos rires au sien, et
de boire à la santé du triste plagiaire un verre de vin de Naples – que Nicola
Conforto n’eût pas dédaigné de partager avec nous !
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