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Stephen Gould - Entretien

(Stephen Gould - ici en Siegfried)
© DR

Né en Virginie, le ténor Stephen Gould s’impose depuis plusieurs années dans les rôles les plus difficiles du répertoire ; Peter Grimes, Otello, Bacchus, Florestan. Mais ce sont surtout les personnages wagnériens qui l’ont mené sur les plus grandes scènes du monde, l’Opéra de Paris par exemple où il fait ses débuts en interprétant un triomphal Tannhäuser. Rencontre avec l’un des meilleurs Heldentenor du moment. 



Vous avez débuté votre carrière dans la comédie musicale. Peut-on devenir chanteur d’opéra après une telle expérience ?

Bien sûr. Au cours de mes études de chant, il y avait assez peu de séparation entre l’opéra et la comédie musicale. Des différences existent évidemment ; l’opéra est plus difficile parce qu’on chante sans micro. Cependant la comédie musicale constitue un très solide enseignement, car on chante tous les jours, et parfois même plusieurs fois par jour !

Vous êtes aujourd’hui un célèbre interprète des rôles wagnériens, qui sont réputés inchantables. En quoi ces rôles sont-ils difficiles ?

Ces rôles sont difficiles d’abord parce qu’ils sont très longs, qu’ils nécessitent une tessiture très large et un volume suffisant pour dominer un orchestre très puissant. Mais tous les rôles wagnériens ne sont pas identiques ! Tannhäuser, par exemple, me convient davantage que Siegfried, il correspond plus à mes moyens vocaux naturels. Surtout, les rôles wagnériens demandent beaucoup de temps. Ce soir, je viens de chanter mon 52ème Tannhäuser, et je ne fais que commencer à comprendre réellement ce que je dois faire du personnage. Avant de bien chanter Siegfried, Tannhäuser ou Tristan, ça peut prendre des années, car le texte est très important (aussi important que chez un personnage shakespearien !), alors qu’au début, on se concentre sur la musique, on chante la partition. Et ce n’est qu’au bout d’un certain temps que commence le vrai travail d’interprétation, que le rôle rentre enfin dans notre corps et notre voix. Et à mon avis, c’est là que le travail devient vraiment complexe.
 
Tannhäuser, Siegfried, Lohengrin, Erik du  “Vaisseau Fantôme“… à cet impressionnant palmarès manque encore Tristan !

Oui, c’est un rôle que je n’ai toujours pas chanté. Mais c’est en projet, et ce sera fait, d’ici deux ou trois ans. Je me sens très attiré par ce rôle, et après tout, ça ne doit pas être beaucoup plus dur que Siegfried ou Tannhäuser ! Mais il est écrit différemment. Dans le long duo de l’acte II avec Isolde, par exemple, il est très important de chanter legato, et c’est très difficile d’avoir la puissance vocale nécessaire tout en donnant cette impression de grande douceur. Et puis, comme Tannhäuser et comme Siegfried, Tristan est un rôle long, avec beaucoup de texte !

Vous parlez de Siegfried : depuis deux ans, vous chantez ce rôle à Bayreuth. Comment travaille-t-on, sur la « Colline Sacrée » ?

Oh, c’est très très spécial ! On se focalise sur seulement un ou deux rôles pendant plusieurs années, ce qui permet d’avoir une concentration optimale et de mener un gros travail sur l’œuvre. Et puis, on travaille avec les meilleurs musiciens du monde ! C’est inestimable, et c’est une très grande chance. Mais avoir de telles conditions de travail créé en retour une immense pression !

Ce soir vient d’avoir lieu la première représentation de Tannhäuser avec la mise en scène de Robert Carsen, qui a été partiellement huée par le public…

Personnellement, je suis un grand fan du travail de Robert Carsen. Je trouve que c’est un merveilleux metteur en scène, qui sait très bien capter les différentes relations entre les personnages, et qui réussit à les traduire magnifiquement, par les gestes, sur scène. Il connaît très bien la partition, il sait par cœur chaque mot du livret… J’aime le concept scénique qu’il a créé pour Tannhäuser. C’est une très bonne idée de transformer la compétition de chant en une compétition de peinture, ça apporte à l’œuvre une lumière particulière et très intéressante. Nous avons déjà joué ce spectacle à Tokyo, et là-bas, nous n’avons pas eu de grèves ! (Rires) C’est une honte de ne pas nous avoir permis de jouer ce spectacle jusqu’à ce soir ! Peut-être même que la grève reprendra dans quelques jours !

Voudriez-vous chanter d’autres rôles que des personnages wagnériens ?

J’aimerais chanter plus de Verdi, mais je crains que ma tessiture ne soit pas très adaptée. C’est souvent un peu trop haut pour moi. Je chante Otello, mais j’ai l’impression que la plupart des autres rôles verdiens ne sont pas fait pour moi. Pourtant je les aime bien ! J’aime aussi chanter en français. J’ai déjà chanté Samson et Dalila et Les Troyens, deux fois à Florence. Je trouve que la langue française s’adapte très bien au chant. Elle est très musicale.

Qu’ils soient wagnériens ou non, quels sont vos projets ?
Il y aura bientôt une nouvelle production du Ring à Vienne. Je crois que cette production décidera d’ailleurs de mon avenir dans Siegfried, car c’est un rôle épuisant que je chante très souvent ! (Rires) Mais je compte bien le garder ! Il y aura aussi le Ier acte de La Walkyrie en version de concert à Stuttgart, Paul (i) et mes débuts dans The Rake’s progress à Londres, Peter Grimes à Genève, et bien entendu mon premier Tristan, qui me demandera beaucoup de travail. J’interprèterai aussi plusieurs fois Lohengrin, qui est un rôle tellement merveilleux !

Si vous êtes très présents sur les grandes scènes, on vous entend assez peu au disque…
C’est vrai, on ne me contacte guère pour faire des disques (à part la Neuvième Symphonie de Beethoven). J’ai plusieurs projets de DVD. Bien sûr, j’aimerais bien enregistrer davantage, mais à mes yeux, le public et la scène restent prépondérants.

Pour finir, j’aimerais connaître…

Votre opéra préféré...
C’est difficile… mais je dirais Lohengrin et Tannhäuser. J’adore Mozart, aussi.

Votre livre préféré...
Mon livre préféré… Ah, mais c’est facile ! To kill a Mockingbird de Harper Lee. Je ne sais pas s’il existe une traduction en français, mais c’est un excellent livre, que j’ai dû lire une vingtaine de fois !

Votre peintre préféré...
 … je pense que c’est Renoir.

Trois personnalités musicales qui vous ont influencé
Il y a Elgar Russwelger, que l’on ne connaît guère, mais qui avait une technique fantastique. Je suis évidemment un grand fan de Lauritz Melchior. Enfin, une personne qui a beaucoup compté pour moi, qui m’a inspiré et donné envie de chanter : Robert Taylor.

Propos recueillis et traduits par Clément Taillia
Paris, le 15 décembre 2007

En savoir plus.. site officiel www.stephengould.org

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