Sophie KOCH
La liste des engagements
de Sophie Koch pour la saison 2005-2006 et les saisons suivantes est impressionnante*.
Alors qu'il y a quelques semaines encore elle chantait le compositeur dans
Ariadne auf
Naxos enceinte de 8 mois à Dresde, la voici de retour à
Vienne où elle avait fait ses débuts dans ce même rôle.
En ce samedi pluvieux de septembre, notre première question porte
tout naturellement sur le Rosenkavalier.
Que ressent-on une fois
arrivé à la fin de l'opéra, lorsqu'on chante le trio
avec la maréchale et Sophie, puis le duo ? Le spectateur est déjà
étreint par une émotion difficile à décrire;
qu'en est-il de la chanteuse sur scène ?
On a envie de pleurer, mais
il faut se ressaisir car on a déjà derrière soi trois
longs actes et il faut contrôler ce trop plein d'émotions.
Le trio commence piano; Oktavian est le dernier à entrer, donc on
est pris par ce que chantent la maréchale et Sophie, on est enveloppé
par ces deux voix, on se laisse griser et l'on se joint à elles.
Et les toutes dernières
mesures où votre voix et celle de Sophie montent piano dans l'aigu,
est-ce difficile ?
Non, le plus difficile c'est
de pouvoir se ressaisir après le trio.... et aussi la longueur du
rôle.
Ce rôle d'Oktavian
vous suit. Combien de fois l'avez-vous chanté ?
Pas tant que cela, une trentaine
de fois, peut-être.
Votre approche a-t-elle
évolué ? Dans quel sens ?
Avec le temps, on se libère
des contraintes vocales. Les premières représentations, l'émotion
était trop forte; on ne peut pas se laisser aller, ou trop donner,
c'est fatigant. C'est aussi pour cela que je n'aime pas que les représentations
soient trop rapprochées. Il faut pouvoir se ressourcer entre deux
représentations. Mais je ne m'en lasse pas.
Avez-vous un souvenir plus
marquant, une production préférée de ce Rosenkavalier
?
J'ai beaucoup aimé
le chanter il y a quelques années avec Felicity Lott [ndlr : par
exemple en février 2002 au Staatsoper]. Le premier acte était
magnifique. Quant à la production, celle de Vienne, même traditionnelle
et plus toute jeune, c'est celle que je préfère.
Vous êtes fidèle
à certaines maisons d'opéra (Dresde, Munich, Londres, Vienne,
sans compter Paris) dans lesquelles vous chantez régulièrement.
Est-ce le hasard de la carrière ou une volonté de tisser
des liens privilégiés avec quelques maisons ? Ou peut-être
une façon de limiter les déplacements ?
Ces maisons sont de très
haut niveau, et puis j'aime bien l'idée d'être suivie par
un public au fil des années. A Londres, j'apprécie le mélange
de professionnalisme et de détente. On chante à Vienne pour
le mythe. Dresde bénéficie d'un très bon orchestre
et il est agréable de travailler avec toute l'équipe du Semperoper.
Et puis chanter en France me fait aussi plaisir, bien sûr, c'est
mon pays.
Voyez-vous une différence
dans le comportement du public selon les villes ?
J'aime bien le public viennois
qui attend souvent les artistes après la représentation.
Parfois on est surprise : un public d'une ville du sud peut se révéler
plus froid que ce qu'on pouvait penser.
Votre répertoire
s'est pour l'instant partagé entre l'opéra italien, français
et allemand. Souhaitez-vous poursuivre ce partage ou envisagez-vous d'abandonner
certains rôles et d'en aborder de nouveaux ?
Pour ce qui est de R. Strauss,
je ne vois rien que je puisse ajouter à ce que je chante déjà.
Pour l'instant je ne pense pas à Wagner, car une fois qu'on aborde
ces rives, on ne peut plus revenir en arrière. C'est le répertoire
français qui va prendre plus d'importance pour moi, par exemple
avec La Damnation ou Charlotte à Berlin puis Munich ou Mignon
et Le Roi d'Ys à Toulouse. Le Roi d'Ys peut servir
de transition pour une éventuelle Eboli, plus tard. Quant à
Rossini (Barbiere, Cenerentola), je le laisse maintenant de côté.
Je pense qu'il ne correspond pas à ma "couleur". Enfin je vais faire
un test avec Adalgisa à Avignon ; nous verrons bien...
L'année 2006 sera
"Mozart", surtout ici en Autriche. Quels rapports entretenez-vous avec
sa musique ? Que ressentez-vous à l'idée de chanter à
Salzbourg l' été prochain, pour le 250e anniversaire ?
Je chante beaucoup Così,
Les Noces et aussi La Finta giardiniera (avec Gardiner). J'aimerais
chanter davantage Sextus. En revanche, je chante peu Idamante dont la tessiture
est haut placée. Et je ne chante plus de Zerlina, qu'on propose
souvent à de jeunes chanteurs. En tout cas, je tiens à garder
longtemps Mozart "dans mes cordes" car quand on le quitte, c'est irrémédiable.
Quant à chanter Mozart en 2006 à Salzbourg, c'est très
gratifiant.
Propos recueillis
par Valéry FLEURQUIN
Vienne, Septembre 2005
_____
* Au détour
de la conversation, Sophie Koch évoquera quelques souvenirs liés
à Mozart ; aux Noces par exemple, lorsqu'elle vit surgir dans sa
loge, à la fin d'une représentation, Teresa Berganza, réputée
pour son exigence vis-à-vis des collègues, venue spontanément
la féliciter. Ou des souvenirs liés à Salzbourg, quand
on a le privilège d'endosser un costume qui a été
porté avant soi par une Fassbaender ou une Von Otter. La lignée
des grandes mezzos se poursuit...