Finale – dimanche 26 octobre 2003
Connaissez-vous le concours de
Chimay ? Consacré au chant baroque depuis quatre années déjà, il est destiné à
encourager les jeunes chanteurs qui désirent se spécialiser dans cette
discipline exigeante et a pour cadre le somptueux théâtre privé du château des
Princes de Chimay qui, avec l’aide de leurs nombreux amis et de quelques
mécènes, sont à l’initiative de cette belle entreprise.
Il réunissait cette année 36
candidats représentant 13 nationalités, rassemblés pour une confrontation avec
les difficultés du chant baroque. Un jury d’une exceptionnelle qualité, présidé
par William Christie, rien moins, avait la lourde tâche de départager les
candidats. Au terme des demi-finales, six d’entre eux avaient été retenus et
présentaient chacun deux airs, accompagnés par l’ensemble Stradivaria.
Devant un public nombreux et
brillant, la soprano japonaise Kaoli Isshiki eut l’honneur d’ouvrir les
festivités avec un extrait d’une cantate de Bach, d’une belle intériorité
expressive, et un air de la Giuditta de Scarlatti, dans lequel la
candidate montre une théâtralité bien maîtrisée, une belle maturité musicale
mais peu de rayonnement, sans doute gênée dans son dialogue avec l’orchestre par
quelques problèmes d’intonation au violon solo. Le jury lui décernera le second
prix.
Vint ensuite une jeune Coréenne,
Youngmi Kim, soprano également. En dépit d'un joli timbre dans l’aigu, elle ne
vient pas parfaitement à bout d’un redoutable combat avec les vocalises de
Haendel ; sa voix convient mieux au Rossignol amoureux de Rameau.
Du baryton français Nicolas
Rouault, on retiendra surtout la belle prestance, sa vaillance et son aisance en
scène. La voix manque quelque peu de brillant et l’ensemble de sa prestation
souffre d’une instabilité rythmique sans doute liée à l’émotion. La très bonne
diction française dans Lully ne suffira pas à convaincre le jury. Jody Pou,
soprano américaine, ne l'a pas non plus convaincu. J’ai pourtant bien aimé sa
voix chaude et souple dans Haendel (Brockes Passion), son sens musical,
sa maturité dans la façon de conduire la ligne mélodique et, dans l’air joyeux
Préparons d’éclatantes fêtes extrait du Soleil, vainqueur des Nuages
de Clérambault, sa fougue bien contrôlée. Mais nous aurons le plaisir de la
réentendre bientôt, puisque les organisateurs du festival du Printemps Baroque
du Sablon lui accordent leur prix, sous la forme d’un concert à Bruxelles en
avril prochain.
Très à l’aise, José Lemos,
contre-ténor uruguayen, entama sa prestation avec Es ist Vollbracht
extrait de la Passion selon Saint Jean de Bach, dans un style
excessivement théâtral, très extériorisé, bien loin de la tranquille ferveur du
cantor luthérien. Ce tempérament convient sûrement mieux aux airs
virtuoses de Haendel dont il se sort brillamment, à grand renfort de gestes
emphatiques, emportant tout à la fois de chauds applaudissements, le prix du
public et celui du jury, plus facile à séduire qu’on ne l’aurait cru. Et c’est à
Maria Luisa Merckx Tavares, soprano portugaise, qu’il revint de clôturer la
soirée, voix ample au timbre superbe, mais dont la technique un peu faible
limite les qualités expressives. Sa belle musicalité lui vaudra cependant un
troisième prix.
On s’étonnera tout de même, en
guise de conclusion, qu’un concours doté d’un jury aussi prestigieux et qui se
déroule dans un tel cadre ne réussisse pas encore à attirer des candidats de
meilleur niveau. Les concours dans cette spécialité ne sont pourtant pas
légion ; mais la notoriété est lente à acquérir et ne sourit qu’au terme de
nombreuses années de persévérance.
Claude Jottrand