En 1962, le New York Philharmonic Orchestra
quitta joyeusement la salle historique de Carnegie Hall pour être intégré aux
locaux flambant neuf d'une nouvelle salle du Lincoln Center. Rapidement
les musiciens et le public durent déchanter (si j'ose dire) : "tout nouveau",
certes, mais "tout beau"... l'acoustique des lieux était carrément
catastrophique! Procès et replâtrages s'enchaînèrent durant plusieurs années
jusqu'à ce que le brave Monsieur Avrey Fisher, qui aimait bien la musique et
avait un peu trop d'argent ne finance une seconde reconstruction de la salle qui
avait été déjà complètement refaite une première fois sans grande amélioration.
C'est ainsi que l'acoustique put être rehaussée de "abominable" à "globalement
médiocre" et qu'elle endossa son nom actuel d'Avery Fisher Hall.
Pendant ce temps, l'époque n'étant pas tendre pour les vieilles pierres,
Carnegie Hall n'échappait à la pioche des démolisseurs que grâce à la
mobilisation orchestrée (ah ! ah !) par Isaac Stern.
Les années sont passées, le Carnegie Hall s'est modernisé (un nouvel auditorium
de près de 500 places, destiné à la musique de chambre, a même été inauguré
récemment) et s'est reconstitué un public en alternant grands orchestres
internationaux, opéras en concert, récitals de grandes voix et concerts de
formations moins prestigieuses (Ah ! Le concert annuel du New York Gay Men
Chorus !)
Progressivement, le NY Philharmonic a commencé a perdre une partie de son public
; coupable désigné : l'acoustique du bâtiment.
Ce faisant, le plus vieil orchestre des Etats-Unis évitait de se poser des
questions sur ses choix musicaux récents : les 12 années de Kurt Masur à la tête
de la phalange new-yorkaise se comparent-elles aux périodes glorieuses des
Malher, Furtwängler, Toscanini, Walter, Mitropoulos, Szell ou plus récemment
Bernstein ou Boulez, tous directeurs musicaux de l'institution ?
Depuis quelques mois, des négociations se tenaient Carnegie Hall et le
Philharmonic dans le but de faire de l'ancienne salle le nouveau lieu de
résidence de l'orchestre, et ce projet enthousiasmait la communauté musicale
new-yorkaise.
Mais les principaux acteurs
de cette négociation n'ont jamais pu se mettre d'accord sur le leader de la
futur institution : la maîtrise du calendrier des concerts par Carnegie Hall
était une condition indispensable au maintien d'une alternance de qualité avec
d'autres formations, ce qu'a refusé le Philharmonic qui de toute façon ne
pouvait assurer qu'une grosse moitié des soirées disponibles.
Une aubaine pour les patrons de l'Avery Fisher Hall qui depuis plusieurs mois
tentent de réunir les quelques 200 millions de dollars auxquels sont estimés les
nouveaux travaux de restauration de l'auditorium actuel.
Placido Carrerotti