Opéra, chant sacré
mais aussi rock et chansons de Broadway, aucune musique ne semble
pouvoir résister à René Pape. La basse germanique s’affirme aujourd’hui
incontournable dans sa tessiture. Son agenda pour les saisons à venir,
sa présence dans les plus grands théâtres et festivals lyriques du
monde entier, en sont autant de preuves. Celui de Verbier lui offre
l’occasion une fois tous les deux ans de s’élever à 1500 mètres de
hauteur, loin des conventions du monde de l’opéra sans pour autant
renoncer à son amour de la musique, ni se montrer plus loquace.
Est-ce la première fois que vous chantez à Verbier ?
Non, j’ai fait mes débuts à Verbier en 2003 dans une version de concert d’Elektra.
James Levine était au pupitre ; c’était
d’ailleurs la première fois que l’orchestre du
festival interprétait intégralement un opéra.
J’y suis retourné en 2005 pour le Requiem
de Verdi aux côtés de Barbara Frittoli, Dolora Zajick et
Marcello Giordani. James Levine assurait encore la direction de
l’orchestre. Il s’agit donc cette année de la
troisième fois.
Pourquoi participez-vous ainsi régulièrement à ce festival ?
Parce que j’apprécie tout particulièrement de
travailler avec toute l’équipe du festival : les
chanteurs, un orchestre merveilleux avec des jeunes musiciens.
J’aime rencontrer des gens du monde entier, passer de bons
moments autour de la musique dans un contexte moins formel
qu’à l’habitude, chanter sous une tente… Ici,
c’est un peu comme une famille.
Vous
interprétez cette année à Verbier le Requiem de
Mozart. La musique sacrée fait-elle partie de votre
répertoire ?
Et comment ! J’ai grandi dans un chœur. De
l’âge de 7 à 16 ans, j’ai
interprété tout le répertoire religieux, de
Monteverdi à Franck Martin en passant par Bach et tous les
autres. Je suis passé par tous les pupitres : soprano,
alto, ténor aux alentours de ma quatorzième année
puis j’ai continué à descendre jusqu’à
devenir une vraie basse.
Vous
allez aussi chanter, avec l’ensemble Chanticleer, des chansons de
Broadway. Ce répertoire vous est également
familier ?
Non, il m’est moins naturel que le chant sacré mais je me
réjouis de le faire car j’adore toutes les musiques,
à part peut-être le hip hop. Les chansons de Broadway
prennent leurs racines dans le jazz, le blues, le gospel, autant de
genres que j’apprécie. Et puis j’aime bien le
côté inhabituel d’un allemand chantant au milieu
d’américains un répertoire typiquement
américain.
Vous dites aimer toutes les musiques, pourquoi alors privilégier l’opéra ?
Parce qu’à l’opéra, je ne
me contente pas de chanter, je joue aussi. J’incarne des
personnages totalement différents. Je peux être triste,
gai et même diabolique. Je suis d’ailleurs un peu tout cela
dans la vraie vie.
Vous avez interprété les plus grands rôles de basse, que vous reste-t-il encore à chanter ?
Détrompez-vous, si j’ai effectivement
chanté presque tout le répertoire qui m’est
dévolu – le roi Marke, Sarastro, Boris Godounov,
Philip II et bien d’autres - il me reste encore quelques
rôles à ajouter à mon palmarès. Je pense
à Wotan, Hans Sachs, Mefistofele de Boito et de Berlioz –
j’ai déjà chanté celui de Gounod – les
4 diables des Contes d’Hoffmann…
Parmi
tous ces rôles, certains vous semblent-ils plus difficiles que
d’autres ? Au niveau de l’interprétation ?
De la langue ?
Tous sont difficiles mais les difficultés qu’ils
comportent sont différentes. Certaines se situent au niveau de
l’écriture, d’autre au niveau de la
caractérisation ou de l’endurance. Quant à la
langue, j’aime évidemment chanter en allemand mais
l’italien, le français ou le russe me conviennent tout
autant bien que je ne les parle pas. De toute façon, je
n’aborde jamais un nouveau rôle dans une langue
étrangère sans prendre conseil auprès d’un
linguiste.
Et votre rôle préféré ?
Je n’en ai pas ou plutôt si, mon rôle favori, c’est celui du moment.
Vous
avez chanté dans les théâtres et festivals du monde
entier. Existe-t-il un pays ou un public pour lequel vous avez une
prédilection ?
Non, je me sens bien partout. Quand vous faites ce
métier, si vous n’êtes pas citoyen du monde, vous
êtes perdu. Je voyage énormément et toute
l’année ; cela ne m’empêche pas
d’avoir mes racines en Allemagne.
Au cinéma, vous avez joué Sarastro - et le narrateur - dans le film de Kenneth Branagh, Die Zauberflöte. Qu’avez-vous pensé de l’expérience ?
Merveilleuse même s’il m’a fallu changer tout ce que
j’avais appris à l’opéra. Les règles
sont fondamentalement différentes. L’actrice Marthe Keller
– que j’ai rencontrée d’ailleurs à
Verbier – me disait : « Au théâtre,
tu dois aller vers le public alors qu’au cinéma, à
l’inverse, c’est le public qui vient vers toi ».
La distance avec le regard intervient aussi. Sur scène, il faut
exagérer ses gestes pour les rendre compréhensibles du
premier au dernier rang de la salle alors que face à la
caméra, le jeu doit être beaucoup plus sobre sous peine de
devenir ridicule.
Quels sont vos prochains projets ? En France ou ailleurs ?
Après Verbier, je file à Glyndebourne, un autre petit
festival très sympathique, interpréter le roi Marke dans Tristan et Isolde. Je ne reviendrai pas en France avant l’été prochain, encore pour un festival, celui d’Orange avec Faust
de Gounod. Je m’en réjouis, j’apprécie tout
particulièrement la Provence. Je garde d’ailleurs un
excellent souvenir d’une flûte enchantée et de Roméo et Juliette
avec Roberto Alagna – je chantais Frère Laurent. Difficile
sinon de me rappeler les endroits où je vais aller cette
année : un peu partout dans le monde entier : New
York, Berlin, Tokyo… Mon agenda est bien rempli.
Un dernier mot pour conclure ?
Oui, un message personnel : Hi Jeanne Susplugas !
Propos recueillis et traduits par Christophe Rizoud
Verbier, 22 Juillet 2007
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