C O N C E R T S 
 
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PARIS
24/04/03
K...

Opéra de Philippe MANOURY

Mise en scène : André Engel
Décors : Nicky Rieti
Costumes: Chantal de La Coste-Messelière
Lumières : André Diot
Dramaturgie : Dominique Muller

K... : Andreas Scheibner
Leni : Jeanne-Michèle Charbonnet
Die Frau des Gerichtsdieners : Jeanne-Michèle Charbonnet
Fräulein Bürstner : Eva Jenis
Die Frau : Louise Callinan
Der stellvertretende Direktor : Laurent Naouri
Der Advokat : Laurent Naouri
Der Untersuchungrichter : Gregory Reinhart
Der Gefängniskaplan : Gregory Reinhart
Titorelli : Kenneth Riegel
Der Onkel : Robert Wörle
Block : Wolfgang Ablinger-Sperrhacke
Der Gerichtsdiener : Wolfgang Ablinger-Sperrhacke
Franz: Wilfried Gahmlich
Willem : Ian Thompson
Der Mann : Ian Thompson
Der Auskunftgeber : Sergei Stilmachenko

Direction musicale: Dennis Russell Davies
Maîtrise des Hauts-de-Seine
Choeur d'enfants de l'Opéra National de Paris

Paris, Opéra Bastille, le 24 Avril 03


Akitté à l'unanimité du jury
 

Dans la foulée de la création de Perelà, l'Opéra de Paris proposait au public la reprise du K... de Philippe Manoury, donné pour la première fois il y a deux ans.

En adaptant Le Procès, Philippe Manoury prenait, certes, le risque de décevoir par comparaison avec le roman original.
D'un autre côté, les compositeurs contemporains ont parfois oublié que pour réussir un opéra, la meilleure musique du monde ne suffit pas sans un livret qui propose des situations dramatiques et une véritable progression psychologique des personnages, ce qui est bien le cas du chef-d'oeuvre de Franz Kafka.

La réussite de l'oeuvre de Manoury réside dans l'alliance d'une musique inspirée et d'un livret prodigue en situations fortes.
Musicalement, l'écriture semble tout d'abord s'inscrire dans la filiation de Berg (l'usage de la langue allemande renforçant d'ailleurs cette impression). Passée cette première impression, l'écoute révèle une authentique originalité tant du point de vue mélodique que technique.

La moindre des surprises n'est pas, en effet, que cette musique ne refuse pas l'inspiration mélodique : je n'irai pas jusqu'à dire que je siffloterais la partition de mémoire dans ma baignoire, mais on a quand même entendu des oeuvres d'un abord plus difficile. La musique de Manoury m'a paru plus immédiatement accessible que celle de Lulu, d'Erwartung ou des Soldaten (sans préjuger en rien des qualités respectives de ces ouvrages).

L'autre originalité, technique celle là, réside dans l'emploi des effets acoustiques et électroniques. Si cette pratique n'est pas nouvelle (pensons aux Soldaten justement), elle a rarement atteint un tel aboutissement. Les effets ne sont pas un contrepoint à la musique jouée par l'orchestre, mais s'intègrent parfaitement à la composition. Le traitement ne refuse pas un certain humour : ainsi de l'utilisation du bruit des machines à écrire qui crépitent comme des claquettes sur une scène de Broadway.

J'ai été moins convaincu par l'utilisation de l'amplification des voix dans la scène de la cathédrale : de ma place, celle-ci m'a paru plutôt insuffisante et j'ai d'abord cru que Gregory Reinhart était un peu ... aidé.

Autre atout, le rythme : douze scènes qui, assemblées sans entracte, ne pèsent pas plus d'une heure quarante; c'est dire la concision du drame qui renforce l'impression d'enchaînement irrépressible des événements.

Dans le personnage de K, Andreas Scheibner reprend le rôle qu'il avait créé voici deux ans : le chanteur est bon, même si le timbre n'est pas exceptionnel; l'acteur lui, est exceptionnel et sait, sans forcer le trait, faire évoluer graduellement son personnage : on passe ainsi de l'autorité assurée et un peu raide du début à l'abattement résigné de l'individu traqué et déshumanisé. Brillant.

Dans le rôle de Titorelli, on retrouve avec plaisir le vétéran Kenneth Riegel au sommet de sa forme : l'acteur est toujours aussi bon et la voix (peu épargnée par des rôles meurtriers pourtant) a plutôt bonifié avec l'âge, nous gratifiant d'aigus puissants.

Robert Wörle, dans le rôle de l'Oncle, et Jeanne-Michel Charbonnet dans celui de Leni (entendue récemment en Médée de Liebermann), sont également impressionnants.

Tous les rôles seraient à citer tant ils sont bien tenus.
Un bémol toutefois au sujet de la prestation de Laurent Naouri dans le rôle de l'Avocat et du Directeur : certes, le niveau reste très bon, mais à la longue, cette tendance à "sur articuler" le texte, associée à une gamme limitée d'expression et une couleur de voix assez uniforme, finit par être lassante. 

Enfin, la voix de Gregory Reinhart, artiste autrefois prometteur, m'a semblé quelque peu délabrée : c'est certes moins gênant ici que dans Guillaume Tell (où il n'assurait pas toutes les notes écrites).

La mise en scène d'André Engel n'appelle que des éloges : on a l'impression d'un spectacle rodé par des mois de représentations tant tout tombe naturellement (si j'ose dire, c'est réglé comme du papier à musique !).

Les très beaux décors de Nicky Rieti restituent bien le design et l'ambiance de l'époque du roman (et pour une fois à Bastille, pas de décor unique !), ils contribuent également à la complète réussite de ce spectacle.

Et le public ?

Tarifs promotionnels, sorties scolaires, réductions pour militaires et bonnes d'enfants (l'Opéra de Paris n'a pas chômé pour remplir !), sans compter ceux pour qui "c'était dans l'abonnement" ... si la salle est quasiment pleine, une bonne partie de l'assistance était un peu là par hasard.

L'accueil enthousiaste au rideau final n'en est que plus gratifiant : l'oeuvre a su toucher des spectateurs majoritairement novices (pour quelques dizaines d'adolescents, c'était d'ailleurs le premier ouvrage lyrique auquel ils assistaient).
 
 
 

Placido Carrerotti
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