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VERONE
10/08/2007
Nucci a cavallo (Foto Tabocchini/Gironella)
Giuseppe VERDI (1813-1901)
NABUCCO
Opéra en quatre actes
Livret de Temistocle Solera
Mise en scène, décors, costumes et lumières: Denis Krief
Chorégraphie: Maria Grazia Garofoli
Nabucco: Leo Nucci
Ismaele: Giorgio Casciarri
Zaccaria: Silvano Carroli
Abigaille: Andrea Grüber
Fenena: Nino Surguladze
Il Grand Sacerdote di Bello: Carlo Striuli
Abdallo: Angelo Casertano
Anna: Patrizia Cigna
Orchestre, Choeurs et corps de ballet de l'Arena di Verona
Direction Musicale: Daniel Oren
Vérone, 10 août 2007
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S'il n'en reste qu'un... ou le triomphe de Nucci
Cette année le Festival de Vérone proposait, à côté des reprises de La Bohème et de La Traviata, trois nouvelles productions : Aïda, Le Barbier de Séville et ce Nabucco mis en scène par Denis Krief qui a signé également les décors, les costumes et les éclairages. (1)
Tournant le dos aux habitudes de ce festival qui présente
généralement des productions on ne peut plus
traditionnelles, Krief joue la carte de l'abstraction et de la
sobriété, une sobriété toute relative,
certes, compte tenu des dimensions du lieu. Ainsi, le décor est
constitué de deux éléments. Au centre, une
gigantesque structure métallique blanche formée de trois
polygones irréguliers à l'intérieur desquels sont
disposées de nombreuses passerelles, représente le
domaine des Hébreux. Au premier acte, elle évoque le
temple de Salomon. Lors de sa mise à sac, les livres
gigantesques disposés sur les passerelles, symbole de
civilisation et de culture, s'effondrent bruyamment. Changeant de
couleur au gré des éclairages, elle sera rouge sang
pendant le grand air d'Abigaille et grisâtre, au trois
lorsqu'elle se transforme en prison pour le choeur des Hébreux.
Sur la droite, une autre structure, de couleur dorée,
constituée de panneaux verticaux arrondis figure la puissance
des Assyriens.
Les mouvements de foule sont réglés avec une grande
précision tout comme la direction d'acteurs extrêmement
fluide et toujours en situation. Bref, une mise en scène
intelligente et lisible qui démontre que l'on peut "faire
moderne" sans sombrer dans le "trash" ou la provocation gratuite.
Nino Surguladze, Leo Nucci, Maria Guleghina (Foto Tabocchini/Gironella)
Des seconds rôles fort bien tenus, se détache Carlo Striuli dont la voix solide et sombre sied au Grand prêtre de Baal.
La mezzo-soprano géorgienne Nino Surguladze, dotée d'un timbre clair et homogène campe une Fenena extrêmement touchante. A ses côtés, Giorgio Casciarri est un Ismaele lyrique à l'aigu brillant.
Silvano Carroli, en
revanche, constitue le point noir de la distribution. Curieuse
idée que de distribuer Zaccaria, un des rôles de basse les
plus graves écrits par Verdi, à un chanteur qui s'est
longtemps illustré dans des emplois de baryton
(l'été dernier, il était Scarpia dans ce
même lieu). De fait, les graves sont inaudibles ou
transposés vers l'aigu: le fa dans l'air "O chi piange". A cela
s'ajoute une certaine instabilité dans le medium qui nuit
à la vraisemblance du personnage ainsi privé de charisme
et d'autorité.
L'intérêt principal de cette soirée résidait dans l'unique face à face entre Leo Nucci dont c'était la dernière représentation dans cette série et Andrea Grüber
qui succédait à Maria Guleghina et Susan Neves dans le
rôle d'Abigaïlle. Dotée de moyens impressionnants et
d'une belle palette de couleurs, la cantatrice américaine a fait
sensation dans ce rôle dont elle surmonte les difficultés
avec une aisance confondante. Au second acte, le timbre, incisif et
mordant dans le récitatif "Ben io t'invenni", parfaitement
maîtrisé, se pare de teintes suaves durant l'aria "Anch'io
dischiuso" qu'elle parvient à nuancer jusqu'au pianissimo. Les
vocalises de la cabalette fusent comme des lames de couteau et elle se
permet le luxe, dans la reprise, d'ajouter des variations du meilleur
effet. De bout en bout tous les affects du personnage sont pleinement
assumés, la voix, autoritaire et menaçante dans son
affrontement avec Nabucco, se fait humble et suppliante au dernier
acte. Une incarnation majeure, à mille lieues des Abigaïlle
tout d'une pièce que l'on entend quelquefois.
Leo Nucci se hisse sur les mêmes cimes que sa partenaire. Les
années ne semblent pas avoir de prise sur cette voix qui demeure
intacte et répond aux intentions de l'artiste avec une
ductilité confondante. Dès son entrée -à
cheval- son Nabucco en impose tant par le volume de son instrument que
par la fermeté de ses interventions. Au trois, le souverain
autoritaire et mégalomane se mue en père
désespéré, d'une profonde humanité, dans le
duo avec Abigaïlle qui est un sommet absolu. Les accents
déchirants du "Deh perdona ad un padre che delira" distillent
une émotion palpable jusque sur le visage des spectateurs.
N'hésitons pas à le dire, nous avons eu là une
interprétation proprement anthologique. Nucci s'impose comme le
digne héritier d'une lignée de grands barytons italiens
dont il est aujourd'hui l'ultime représentant. Si l'on songe
qu'au cours de ce festival il alterne Nabucco avec le Figaro du Barbiere, cela laisse rêveur.
L'autre triomphateur de la soirée est Daniel Oren.
Grand habitué des Arènes de Vérone où il
dirige depuis près d'un quart de siècle. Le chef
israélien connaît son Nabucco sur le bout des doigts et en
donne une lecture précise, d'une grande intensité
dramatique, sans jamais sombrer dans les effets faciles. A cet
égard, le célèbre choeur des Hébreux -
bissé - est un modèle d'intériorité et de
retenue, la seconde exécution, pianissimo, est empreinte d'une
ferveur à couper le souffle.
Une soirée d'opéra comme on les aime où tout concourt à mettre en valeur les voix, et quelles voix !
Christian PETER
Note
(1) On se souvient du Benvenuto Cellini
qu'il avait mis en scène à l'Opéra Bastille voici
une quinzaine d'années. Aujourd'hui, il travaille beaucoup en
Italie et aussi en Allemagne. En 2006, l'Opéra de Karlsruhe a
fait appel à lui pour son nouveau Ring.
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