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PESARO
20/08/06
Daniela Barcellona
© Amati Bacciardi
Gioachino Rossini (1792 – 1868)
ADELAIDE DI BORGOGNA
Sélection d’airs en version de concert
Mélodrame en deux actes
Livret de Giovanni Schmidt
(Création Rome 1817)
Vidéo : Pierluigi Alessandrini
Ottone : Daniela Barcellona
Berangario : Lorenzo Regazzo
Adelberto : José Manuel Zapata
Ernesto : Stefan Cifolelli
Chœur de chambre de Prague
Orchestre Haydn di Bolzano e Trento
Direction musicale : Riccardo Frizza
Pesaro, BPA Palas, le 20 août 2006, 20h
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Sans Adelaide, ce soir, on improvise…
« Suite à une indisposition de dernière minute de Patrizia Ciofi, l’opéra Adelaide di Borgogna sera exécuté partiellement.
En signe de
solidarité, pour compléter la soirée, les
chanteurs offriront un récital d’airs de Rossini,
accompagnés au piano par Rosetta Cucchi. Les spectateurs qui le
souhaitent peuvent faire une demande de remboursement auprès de
la billetterie sous 24 heures »
Ce texte affiché à l’entrée de la salle de
concert du BPA Palas déçoit énormément le
public qui arrive en masse pour cette deuxième et
dernière représentation d’Adélaïde de Bourgogne du
Festival 2006. La déception est d’autant plus grande que
la presse et le bouche - à - oreille ont eu le temps de
créer chez beaucoup une forte attente de plaisir rossinien
à haut niveau.
Pour limiter ses pertes et réconforter son public, la direction
du festival va improviser un programme de consolation, avec la
collaboration des autres chanteurs de la distribution, solidaires de
Patrizia Ciofi hospitalisée pour intoxication alimentaire. Ce
sauvetage est d’autant plus important qu’à bien des
égards, le Festival Rossini qui s’internationalise de plus
en plus — 72% de spectateurs étrangers
d’après la presse locale, retransmission radiophonique Rai
de l’intégralité du programme dans toute
l’Europe via Euroradio — traverse une période de
turbulences : restrictions budgétaires imposées par
la diminution des subventions, difficultés à faire
accepter le principe des nouvelles salles extra-muros, divergences de
vues (aux dernières nouvelles en voie d’apaisement).
Pour faire face à l’adversité, tout ce qui, dans
l’œuvre, ne nécessite pas la présence
d’Adelaide, hormis les récitatifs, sera
exécuté en première partie de concert.
Après la symphonie d’ouverture, qui est une transposition
enrichie de celle de La Cambiale del matrimonio
avec un orchestre étoffé, on entend les chœurs
alterner douleur amère et chants guerriers de
manière assez conventionnelle. Ensuite, l’air
d’entrée d’Ottone est chanté par une
Barcellona très engagée, coiffée d’aigrettes
et vêtue d’une vaporeuse robe noire. Elle joue
paradoxalement plus sur le charme et la féminité que sur
la fougue virile du jeune empereur d’Allemagne. À part des
aigus lancés parfois un peu brusquement, la ligne de chant est
bien tenue, le timbre séduisant et la superbe cavatine est
magnifiquement menée avec des cadences fort réussies.
Dans le duo avec Adelberto qui suit, on admire surtout la
sûreté, le style, et la vaillance du jeune ténor
espagnol José Manuel Zapata, dont la voix à la fois
puissante et fraîche a pu déjà être
appréciée à Pesaro l’an dernier dans La Gazetta.
Puis, avec l’élégance et la maîtrise qui le
caractérisent, le baryton basse Lorenzo Ragazzo, égal
à lui-même en Berengario, exécute très
correctement mais sans grand charisme « Alle voci della
gloria », l’une des plus belles arias pour basse de
Rossini, introduite ultérieurement à la création
de l’opéra à Rome, lors de la publication du livret.
Très attendue, dans son dernier air en forme de rondo, sans
doute un peu au-dessus de ses moyens, Daniela Barcellona se montre
moins convaincante.
Privée de son rôle - titre et donc des grands ensembles
qui sont l’un de ses attraits, Adelaide de Bourgogne est
réduite ce soir à une peau de chagrin d’une petite
heure. Et quoique ces extraits soient exécutés par de
bons musiciens bien conduits par un chef italien expert de ce
répertoire et défendus par d’excellents
interprètes rompus au chant rossinien, sans oublier un
chœur de grande qualité, on reste nécessairement
sur sa faim.
Les efforts abscons d’une vidéo tentant
d’évoquer la chevalerie épique à travers un
savant montage d’une iconographie médiévale
disparate, de naseaux et de pattes de chevaux galopant au ralenti, de
tourbillons de roses — sans aucun lien avec ce qu’on entend
— n’arrangent rien.
Malgré des qualités musicales et un livret pas plus
mauvais que la moyenne, cette « sœur » de Tancredi,
selon l’expression de Rodolfo Celletti, semble malchanceuse. Mal
accueillie au départ, elle a vite disparu de l’affiche, a
été rarement reprise, très peu enregistrée.
Et ce soir encore, le destin d’Adelaide de Bourgogne, comme celui de la rose, s’inscrit dans l’éphémère.
Après un court entracte, pour compléter la soirée,
les chanteurs vont improviser, pour le plus grand plaisir d’un
public amateur de Bel canto, un florilège de quelques grands airs rossiniens célèbres.
Daniela Barcellona commence par le tube Di tanti palpiti (Tancredi), puis chante Cruda sorte.
Le tempérament comique d’Isabella lui convient encore
mieux que la bravoure du chevalier. Dès les premières
mesures, par le regard mais aussi la manière d’attaquer
les notes, son Italienne pétille ; le portrait se dessine
avec naturel, piquant sans être vulgaire, plein d’esprit et
de finesse. L’impression se confirme d’ailleurs avec le duo
Oh ! Che muso, che figura !
qu’elle interprète en compagnie de Lorenzo Reggazzo. La
basse possède de son côté la prestance requise par
la partition même s’il ne semble pas tout à fait
correspondre au profil complexe de Mustafa, basse buffa et seria à la fois. Il exécute auparavant avec la conviction qui le caractérise, le fameux air de La Calumnia (Il Barbiere di Siviglia) mais, là encore, la voix manque d’impact et de couleurs.
Plus que le duo avec Barbara Bargnesi (interprète d’Eurice
dans la version complète d’Adelaide), soprano legerissima dont la vocalité ne répond pas aux impératifs du chant rossinien, l’aria Si ritrovarla io giuro (La Cenerentola)
confirme le brillant aplomb de José Manuel Zapata. Le rôle
du prince parait peut-être un peu trop charmant pour le
caractère de ce jeune ténor, déjà
héroïque, mais les prouesses réalisées sont
chargées de promesses : un nom à ne pas oublier.
Le concert s’achève dans la bonne humeur, sous les
applaudissements d’un public qui sait rester compréhensif
et heureux, même dans l’adversité, pourvu que la
fête rossinienne continue.
Brigitte Cormier
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